Auteur Sujet: Le temps d'un croque (chapitre 1) de Pascal Barats  (Lu 4832 fois)

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Le temps d'un croque (chapitre 1) de Pascal Barats
« le: jeu. 17/08/2017 à 16:18 »
* Texte brut fourni par l'auteur

Chapitre 1

Coudes  appuyés  sur  la  table,  mains  soutenant  la  tête,  je  ne  pouvais  décoller  les
yeux du texte. 
 « J’aurais  bien  voulu  savoir  ce  que  ce  charabia  voulait  dire ?  Je  ne  comprenais
pas ! »
Je me versai une rasade de vodka et en bu une gorgée. Le liquide se répandit dans
tout  le  palais  puis  alla  flirter  auprès  de  la  luette,  pour  tout  à  coup  chuter  dans  mon
œsophage, me procurant une chaleur réconfortante bien qu’inhabituelle.  Tout aussi
inhabituelle  était  ma  situation.  J’avais  beau  fouillé  ma  mémoire  et  ne  trouvais  rien
qui soit en rapport avec  ce débarquement en Antarctique. Je me versai à nouveau un
verre  de  cette  vodka  mystérieuse.  En  reposant  la  bouteille,  elle  heurta  le  coupe-
papier,  je  la  rattrapai  in  extremis  avant  qu’elle  ne  se  renverse  sur  mon  bureau.  Je
remarquai  alors  une  goutte  qui  s’était  échappée  du  goulot  et  commençait  à  glisser
lentement  le  long  de  la  paroi  de  verre.  Fasciné,  je  suivais  son  périple,  en  me
demandant  si  elle  changerait  de  direction.  Mais  son  destin  était  tout  tracé :  elle
passerait inexorablement entre les deux initiales  énigmatiques. Je ne sais pas ce qu’il
me  prit,  mais  mon  doigt,    comme  mû  par  une  force  extérieure,  se  précipita  et
recueillit  la  goutte  que  je  portai  instinctivement  à  la  bouche.  Tout  s’était  passé
tellement  vite  que  je  ne  me  rendis  pas  compte  que  le  doigt  n’avait  pas  simplement
arrêté   la   goutte   dans   son   mouvement   mais   avait   aussi   effleuré   les   deux
lettres mystérieuses ; ce qui provoqua dans ma tête une succession de flashs.
Fermant  aussitôt  les  yeux,  j’essayai  de  chasser  ces  images  déformées,  mais  je  ne
pus  empêcher  la  matérialisation  de  l’une  d’elles :  une  porte  froide  et  grise  dans  un
couloir sombre, sans  âme et sans vie. 
Je  me  levai  d’un  bond,  pour  tenter  d’échapper  à  cette  vision.  Réfugié  près  de  la
fenêtre,  je  constatai  l’émergence  du  crépuscule  et    vécu  soudainement    le  temps
suspendu.  Revoyant  Jasper  Griffiths  je  repensai  à  ce  vieux  dicton  anglais :  «  Red  sky
1at  night  is  the shepherd’s  delight…1   »
qui  me  réconforta.  Seulement,  la  vision  ne  me quittait  pas  et  elle  se  mêlait  à  présent  au  ciel  rouge  couleur  de  sang.  Le  passé
rejoignait  le  présent  mais  celui-ci  ne  tarderait  pas  à  basculer  dans  l’autre  monde,
dans l’autre nuit. Ce pourrait-il alors que le passé soit la lumière de ma nuit à venir ?
Je retournai m’asseoir, et allumai ma lampe, une belle lampe de mineur en cuivre,
un souvenir du temps où mon père travaillait dans la mine de kaolin à Saint Austell en
Cornouailles.  Bien  entendu  je  l’avais  transformée  afin  de  l’adapter  aux  temps
modernes.   La  lumière  diffusée  plongeait   intensément  au  centre  du  manuscrit,
adoucissant ses contours et jetant les objets disséminés  sur le reste de mon bureau,
au cœur d’une ombre tamisée de petits éclats luminescents. 
Délicatement, je fis pivoter la page et découvris le titre du chapitre suivant.
 
                                                           
1           Ciel rouge le soir est gage de beau temps le lendemain
"J'ai décidé d'être heureux parce que c'est bon pour la santé" (Voltaire)

 


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