Auteur Sujet: La révolte de Charlotte Blanchard  (Lu 8912 fois)

0 Membres et 2 Invités sur ce sujet

En ligne Apogon

  • Administrateur
  • Membre Or
  • *****
  • Messages: 237
  • Sexe: Homme
La révolte de Charlotte Blanchard
« le: jeu. 23/11/2017 à 16:05 »
La révolte de Charlotte Blanchard

Nouvelle

   Le téléphone d'Alice ne cessait de vibrer mais elle ne pouvait pas décrocher. Elle essayait une énième fois de convaincre l'opposition que son budget était le plus optimal pour la commune. Le quinze avril, date butoir pour soumettre le budget au vote du conseil municipal, arrivait à grands pas et elle n'avait eu d'autre choix que de caler cette réunion un soir pour que tous puissent y participer. Contrairement à elle qui était un peu fatiguée, certains élus regorgeaient d'énergie pour remettre en cause son budget.
- Je ne vois pas pourquoi nous ne donnons pas de fonds à l'association des joueurs d'échecs alors que nous consacrons un budget colossal pour l'environnement, regretta un homme âgé.
- Nous n'avons pas un budget extensible, Édouard. Vous qui étiez l'ancien maire devriez bien le savoir, puisque le remboursement des précédents emprunts mange une grande partie du budget. De plus, en dépenses obligatoires, nous avons nos employés municipaux. La troisième partie du budget est dédiée comme je vous l'ai déjà dit à l'investissement pour une ferme urbaine sur le toit de l'usine de notre ville, répondit Alice.
- Personne dans cette ville ne veut de votre ferme ! répliqua Édouard.
- Je crois que si les citoyens de cette ville ont en majorité voté pour mon parti écologique c'est bien parce qu'ils sont pour ce genre d'investissement et non pour subventionner la buvette de votre club d'échecs tous les samedis !
   La réplique d'Alice lança un froid sur ses opposants. Édouard était corpulent et tous savaient l'adjoint d'Alice de l'épauler.
- Nous avons déjà réalisé des économies grâce au l'adjoint d'Alice de l'épauler.
- Nous avons déjà réalisé des économies grâce au groupement des communes pour nos transports en commun et nos déchets. Si nous investissons aujourd'hui dans ces fermes c'est bien sûr pour l'écologie mais aussi pour l'économie. Une fois cette ferme en place, les légumes seront vendus sur le marché tous les week-ends. Nous installerons sans doute l'année prochaine des poules pondeuses et un rucher commercial comme cela se fait maintenant. L'objectif est que notre ferme soit de plus en plus rentable et qu'elle nous permette ainsi d'investir dans d'autres projets d'ici quelques années.
   Quelques bavardages reprirent entre les participants. Souvent, Alice avait l'impression d'être de nouveau à l'école avec toutes ces discussions et le manque d'attention des élus.
- S'il vous plaît, il se fait déjà tard. Maintenant que vous avez tous les chiffres  au tableau, merci de voter pour ou contre ce budget, demanda Alice.
   Sans grand étonnement, le budget d'Alice fut approuvé. Elle savait qu'elle avait la majorité mais avait tout de même essayé de convaincre l'assemblée entière de la nécessité de son projet. Finalement, il restait toujours quelques personnes bornées qu'elle n'arrivait pas à faire flancher. Elle remercia les membres de son parti et notamment son adjoint qui l'avait fortement aidée dans la construction de son budget ainsi que pour mettre en avant son projet de ferme sur le toit de l'usine.
   Alice ramassa ensuite ses affaires et partit en direction de son appartement. Cela faisait plusieurs années qu'elle avait adhéré à son parti écologique et, après ses études, elle avait accompli la prouesse d'être directement élue maire. 

Son caractère obstiné, ses idées innovantes et son charisme naturel lui avait permis une ascension rapide. Malheureusement, sa campagne lui avait pris beaucoup de temps et elle vivait toujours seule avec son chat dans son modeste appartement. Pourtant son physique la mettait plutôt en valeur, avec ses longs cheveux châtains qui descendaient le long de sa fine silhouette, et elle ne manquait pas de prétendants.
   Une fois chez elle, Alice se laissa aller sur son canapé avec son chat, Griffon, qui s'installa sur elle en ronronnant. D'une main elle le caressait et de l'autre elle regardait son téléphone. Elle avait plusieurs appels en absence de ses connaissances du parti politique, mais aussi beaucoup de sms. Elle fut surprise de leur contenu. Apparemment le gouvernement venait d'adopter une loi totalement anti écologique puisqu'elle permettrait aux entreprises peu rentables de polluer autant que nécessaire si cela leur permettaient d'être lucratives. Alice ne comprenait pas cette loi qui venait s'additionner aux précédentes, toutes aussi inexplicables les une que les autres. Avec le réchauffement climatique, plusieurs îles avaient déjà été ensevelies, mais cela ne suffisait pas aux gouvernements pour ouvrir les yeux. Finalement, l'argent comptait toujours plus et rien n'avait changé pendant ces dernières années. Soudain, le téléphone d'Alice sonna, la sortant de ses réflexions.
- Bonsoir Alice, c'est Bob ! As-tu vu les nouvelles ?
- Bonsoir Bob, je viens de rentrer et je suis en train de prendre connaissance des évènements.
- C'est un triste jour pour nous. Le parti organise une manifestation demain soir avec les syndicats pour 
protester.
- D'accord, je viendrai comme tu t'en doutes.
- Oui bien sûr, on se retrouve demain alors.
- A demain !
   Alice raccrocha. Bob était un autre élu écologiste avec qui elle échangeait souvent. Il l'avait aidée dans son projet de ferme urbaine, ayant réussi lui-même à en faire installer une. Ils partageaient les mêmes convictions et étaient devenus proches malgré leur différence d'âge. Alice appréciait les fois où elle était invitée dans leur maison de campagne, la femme de Bob étant en prime une très bonne cuisinière.
   Après avoir répondu à tous ses messages, Alice s'empara de la télécommande posée sur sa table basse. Elle regarda une série à la télévision, continuant de câliner Griffon. Il était content que sa maîtresse soit de retour de sa longue journée. Quand ses paupières devinrent lourdes, la jeune femme sut qu'elle ne tiendrait plus longtemps éveillée. Elle se leva et alla se changer. Elle se glissa ensuite dans son lit où ses rêves la rejoignirent.

   Le lendemain, la journée d'Alice ne fut pas de tout repos. Tous les jours, elle devait aller au contact d'entreprises, d'associations et d'organisations en tout genre. Le sujet de la loi qui venait d'être adoptée la veille ressortait avec chaque nouvel interlocuteur qu'Alice croisait. Elle n'avait pas manqué de les inviter à la manifestation du soir même puisque la jeune femme restait persuadée qu'un grand nombre de contestataires pourrait faire changer d'avis son gouvernement. Bob avait à cet effet organisé un événement Facebook où il avait invité un grand nombre de personnes. Alice et lui-même étaient les 
deux administrateurs d'une page mettant en avant leurs idéologies écologiques et ils avaient pour habitude de créer un évènement pour les occasions particulières.
   Alice ne put s'empêcher de regarder toutes les heures le nombre de participants en augmentation. Entre deux rendez-vous, elle appela Marcel qui était devenu leur ravitailleur officiel pour leurs rassemblements.
   Quand ses obligations de maire furent accomplies, la jeune femme décida de se rendre directement dans les locaux de son parti où Bob devait déjà certainement l'attendre. Il fallait qu'elle prépare les banderoles pour ce soir.
   Une fois sur place, Alice eut peu de mal à trouver Bob qui gesticulait au milieu de toute l'agitation.
- Salut Bob ! Tu es en pleine forme à ce que je vois.
- Coucou Alice, je ne sais plus où donner de la tête ! Heureusement que tu es là.
   Ils se firent la bise et Bob proposa de monter dans son bureau pour faire le point sur la soirée. Une fois au calme, il sortit une feuille remplie d'annotations.
- J'ai prévu le rendez-vous à dix-neuf heures, devant la mairie.
- Oui j'ai vu, j'ai prévenu Marcel pour qu'il soit là dans les temps avec son stand de nourriture.
- Parfait, j'ai fait acheter plusieurs palettes de bouteilles d'eau pour qu'on puisse en distribuer. Ensuite j'ai préparé les tracts habituels de notre parti. Nous avons les drapeaux, et pas mal de volontaires en bas comme tu as dû le voir. Par contre nous avons un problème avec la police, comme nous nous y sommes pris à la dernière minute.
- Vu l'ampleur de la loi, nous n'allions pas attendre le délai de trois jours ! De plus, c'est moi le maire de cette ville, donc l'accord est automatique.
- Je sais Alice mais la police est très rigide. Donc officiellement nous allons dire que nous avons l'autorisation mais il faudra garder en tête que nous ne l'avons pas. Le chef de la police n'est pas d'humeur à nous laisser tout faire.
- Ce n'est pas grave, ce n'est pas la première fois que nous manifestons sans autorisation. As-tu pu voir pour les banderoles ?
- J'ai un groupe qui devrait les avoir commencées, je te laisse les rejoindre en bas dans la grande salle. J'ai encore quelques coups de fil à passer.
- D'accord, à plus tard Bob.
   Alice descendit rejoindre les personnes qui s'occupaient des banderoles. Elle avait souvent de bonnes idées de slogan et aimait les créer avec son parti.

   Les préparatifs occupèrent tout le temps qu'il restait avant le début de la manifestation. Alice, Bob et leurs acolytes rejoignirent la maire avec leurs banderoles. Le fait qu'Alice, leur maire, manifeste avec eux les motivaient à être toujours plus nombreux. Peu après leur arrivée, plusieurs cars de CRS débarquèrent. Ce n'était pas la première fois qu'ils venaient. Alice avait l'habitude de les voir lors de ses manifestations, mais ils avaient l'air plus nombreux ce soir. Cela n'étonna pas la jeune femme puisque certains débordements avaient déjà eu lieu lors de précédentes manifestations. A force de manifester sans résultat, le peuple devenait de plus en plus haineux et les extrémistes en profitaient pour en radicaliser certains.
"J'ai décidé d'être heureux parce que c'est bon pour la santé" (Voltaire)

 


SimplePortal 2.3.7 © 2008-2024, SimplePortal