Auteur Sujet: Le Sabre de Bès de Christelle Morize  (Lu 7381 fois)

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Le Sabre de Bès de Christelle Morize
« le: ven. 26/04/2019 à 17:51 »
Le Sabre de Bès de Christelle Morize



Premier Chapitre


Il n’y avait pas pire réveil qu’un affreux mal de tête, un lendemain de cuite. Mac eut énormément de difficulté à émerger de son sommeil mais son téléphone n’arrêtait pas de sonner, résonnant inlassablement comme un écho vicieux. Un simple coup d’œil à sa montre lui fit comprendre qu’il était en retard. Ce n’était pas la première fois qu’il arrivait au bureau, quelques minutes après l’heure autorisée mais ce lundi, il savait que son chef l’attendait de pied ferme. Il balança le drap et bondit hors du lit, fonçant directement dans la salle de bains prendre une douche bien chaude. Une fois prêt, avec un simple café dans l’estomac, les clés de sa Buick Lacrosse en main, il quitta son appartement et préféra utiliser les escaliers plutôt que l’ascenseur, évitant ainsi Marina Gardner, la jolie blonde qui occupait l’appartement au fond du couloir. Non pas qu’il n’appréciait pas cette jeune femme mais celle-ci se pavanait chaque matin sur le palier de sa porte en tenue affriolante. Et comme chaque matin, elle tentait de l’attirer dans ses filets, affichant ses plus beaux atouts dans une dentelle de soie. Mais pas aujourd’hui, pensa Mac, soupirant à l’idée de cette énième convocation dans le bureau du chef Anderson. Arrivé dans le hall de l’immeuble, il enfila enfin sa chemise bleue et rehaussa ses lunettes de soleil. Très peu enclin à entamer cette journée qui s’annonçait longue, le jeune homme poussa les grandes portes de l’immeuble pour se retrouver dans les rues effervescentes de Los Angeles.


Chicago, sept heures du matin

Gary Marshall était arrivé le premier sur place comme tous les jours. Il vérifiait que les alarmes des lieux étaient bien activées, faisait un rapide briefing avec l’équipe de nuit avant que celle-ci ne soit remplacée par celle de jour, visitait toutes les pièces et bureaux. C’était son rôle de gardien à la banque. Il aimait son métier et s’évertuait à le faire correctement même si dans ce petit coin de la ville, il ne se passait rien de bien trépidant.
Aussi, quand Landon, le plus âgé des veilleurs de nuit, lui apprit que le directeur était le dernier à avoir quitter la banque mais avec beaucoup de discrétion, il fronça les sourcils. Le futur retraité qui avait dû s’absenter aux toilettes à plusieurs reprises confirma pourtant que les lieux étaient vides à son retour dans le petit local de surveillance mais Gary ne voulait rien laisser au hasard. Il refit un tour plus minutieux des bureaux et finit par remarquer que les affaires personnelles ainsi que la veste du directeur étaient toujours à leur place. Robert McPhil ne semblait pas avoir quitté les lieux, la veille.
Comme la procédure le demandait, il appela le sous-directeur, Barney Jones pour vérifier le contenu du coffre-fort. En cas d’une effraction ou d’un vol, il lui incombait également de prévenir la police. Gary espérait ne pas en arriver là. Robert McPhil était un homme intègre et très sympathique. Il ne l’imaginait pas en complice de vol. Une bonne heure avant l’ouverture de la banque, Barney arriva enfin. Son visage bouffi était écarlate à force d’avoir couru, ce qui ne devait pas être dans ses habitudes matinales.
– Je suis désolé de vous avoir forcé à venir plus tôt mais je ne trouve pas normal que ses affaires soient encore dans son bureau, expliqua Gary face au regard mécontent du banquier, Rob est un homme méticuleux. Jamais il n’aurait laissé son bureau en désordre.
– Rob perd la tête, grommela gentiment Barney en composant le numéro du coffre.
Une fois fait, il tourna la poignée ronde avec une grande difficulté puis Gary l’aida à tirer la lourde porte. Alors qu’il était toujours aussi rouge d’avoir fait autant d’effort, le sous-directeur de la banque manqua un battement de cœur quand il vit l’intérieur.
Tout semblait à sa place. Aucun coffre n’avait été forcé, pas une seule effraction n’était visible. Cependant, au beau milieu de la petite pièce gisait le corps de Robert McPhil, le ventre ouvert du bas jusqu’en haut, le visage tuméfié, les yeux révulsés, le nez gorgé de sang. Juste à côté de lui, on pouvait voir quatre vases en terre cuite contenant ses intestins, ses poumons, son foie et l’estomac dans le dernier. Son cœur lui avait été également retiré puis posé près de sa tête. Il semblait avoir été écrasé.
Ecœuré, Gary eut un mouvement de recul, une main affolée sur sa poitrine comme pour vérifier que son propre cœur battait toujours. Quant à Barney, après avoir vomi toutes ses tripes, il s’évanouit lourdement sur le sol.


Mac sortit de l’ascenseur puis se dirigea vers les bureaux. Plusieurs de ses collègues étaient déjà là, au téléphone ou tapant leur rapport. D’autres devaient être en mission comme c’était son cas la semaine passée.
– Eh Mac ! Ça va encore être ta fête, le chambra son voisin de bureau.
– La ferme, Jerry ! Grogna le jeune homme sans s’arrêter.
Il traversa les bureaux puis grimpa les quelques escaliers qui menaient à celui du grand patron.
Paul Anderson était un homme de taille moyenne, ventru et grisonnant. Il gardait toujours un air renfrogné. Son travail n’était pas des plus faciles, contrairement à ce que pouvaient penser certains agents. Ses décisions devaient être bien prises, au risque de mettre son personnel en danger. Il n’avait pas le droit à l’erreur quant au choix des hommes qu’il devait envoyer sur le terrain et ceux qu’il affectait à une mission bien précise. Si quelque chose tournait mal, c’était encore lui qui se faisait remonter les bretelles par ses supérieurs et à en juger par la colère qui suivait chaque appel, on pouvait aisément imaginer sa frustration.
Remarquant que la porte était entrouverte, Mac frappa juste une fois avant d’entrer. Son patron lui adressa un regard furibond avant de lui ordonner sèchement de s’asseoir.
– Euh non, je préfère rester debout si ça ne vous ennuie pas, lança le jeune homme, peu impressionné par le ton furieux de son chef.
Celui-ci tapota nerveusement les doigts sur le bureau puis se leva d’un bond pour aller jusqu’à la fenêtre d’où on pouvait apercevoir les grands immeubles de Los Angeles.
– Je viens d’avoir le Directeur Farrell en personne, ronchonna Paul, il a minimisé les faits pendant son compte rendu à la presse.
Il prit le temps de croiser les bras devant lui sans se retourner. Son visage hermétique reflétait sur la grande vitre.
– Mentir sur cette course poursuite au beau milieu de Palmdale pour finir à Lancaster, c’était facile ! Grommela-t-il, faire avaler aux journalistes qu’un camion défectueux était à l’origine de ce carambolage sur la sortie trente-cinq, ça aussi, c’était du gâteau.
Il poussa un long soupir désapprobateur et décida enfin de faire face au jeune homme. 
– Mais expliquer qu’un de nos agents a fait feu sur un groupe de personnes sous prétexte qu’un homme armé s’était glissé parmi eux, c’était une autre paire de manche. 
Mac leva les yeux au ciel d’un air exaspéré.
– Il se dirigeait vers eux, patron, rectifia-t-il, agitant les bras en guise d’impuissance, des gamins ! Il se dirigeait vers des mômes ! Il aurait pu leur faire du mal et je ne pouvais pas le laisser partir. Ce type était notre tueur de vieilles dames. Je devais agir avant qu’il s’en prenne à une dixième victime.
Paul Anderson attira lentement son fauteuil à lui puis s’assit en grimaçant. Une ancienne blessure à la cuisse droite lui interdisait de rester trop longtemps debout.
– Je sais, mais le Directeur ne voit pas cette intervention forcée comme une grande victoire, remarqua-t-il quelque peu contrarié à ce sujet.
Mac se tenait toujours debout devant lui. Son regard avait viré à la colère.
– Monsieur Farrell aurait peut-être apprécié ma prestation si cette grand-mère avait été la sienne ? Fit-il entre les dents.
– Ça suffit ! Pesta son chef, frappant son bureau du poing, il y a des règles à respecter et tu dois t’y tenir au même titre que les autres.
Epuisé par les festivités de la veille, le jeune homme se racla le visage. Il avait savouré sa victoire un peu trop vite à son goût.
– Très bien ! Qu’est-ce que je dois faire cette fois-ci ? J’ai des vacances forcées à prendre ? Une lettre de démission ? Vous voulez mon insigne et mon arme ? Dites-le-moi qu’on en finisse !
Son chef le détailla un court instant comme s’il était le seul à pouvoir prendre cette décision.
– Assieds-toi !
Comme le jeune homme s’obstinait à rester debout, il adopta un air renfrogné et pointa un index sur le siège en face de lui. Résigné, Mac obtempéra avec regret. Il n’aimait pas se retrouver dans cette pièce à devoir supporter encore et encore les sempiternels sermons de son patron. Qu’il donne la sentence ! Pensait-il à bout de patience.
– Farrell voulait le renvoi immédiat, avoua Paul sans ménagement, j’ai dû faire appel à son bon sens en lui rappelant que tu étais un de nos meilleurs agents. Je lui ai parlé de tes prouesses de policier ainsi que les résultats impressionnants de tes tests à Quantico. Il a bien voulu oublier que tu venais d’enfreindre une bonne dizaine de règles en arrêtant ce tueur en série… à une seule condition.
Il ouvrit un tiroir et en sortit trois dossiers qu’il balança vers lui. Mac échappa un rire ironique comme s’il s’attendait au pire. Après quelques secondes d’hésitation, il se pencha légèrement. Il prit connaissance du premier dossier sous les explications de son chef.
– Janet Brenan, trente et un an, professeur d’histoire à l’université de Chicago, retrouvée morte dans son appartement. Pas de témoin, ni d’empreintes.
Le jeune agent découvrit les photos prises sur les lieux du crime.
– Intestins, poumons, foie et estomac retrouvés dans des vases en terre cuite, le cerveau en bouillie, à moitié sorti par les narines, et le cœur sur le sol, écrasé.
– Charmant, remarqua Mac en passant au second dossier.
– Adrian Chase, vingt-neuf ans, architecte à Toledo dans le Michigan, retrouvé mort dans l’ascenseur. Même mode opératoire. Là non plus, aucun témoin.
Puis le chef Anderson ouvrit lui-même le dernier dossier.
– Robert McPhil, cinquante-sept ans, directeur de banque à Chicago, retrouvé mort dans la chambre forte, même topo. Et le meilleur… les caméras n’ont rien enregistré.
Paul referma les dossiers et les tendit à son agent.
– Félicitations, tu vas à Chicago !
– Chicago ! S’étonna Mac en fronçant les sourcils, mais patron, j’étais flic là-bas, je ne peux pas…
– Bien sûr que si tu peux ! Coupa Paul en soupirant, d’ailleurs, j’ai briefé le lieutenant Bading. Il semblait impatient de te revoir.
Mac ferma les yeux quelques secondes, le temps d’accuser la nouvelle.
– Je dois cauchemarder, ce n’est pas possible, lâcha-t-il comme à lui-même, je vais me retrouver avec mes anciens collègues.
Paul ne put réprimer un sourire.
– Je suis ravi que ça vous fasse rire, railla le jeune homme d’un air boudeur.
– Pourtant, Chester Bading semble beaucoup t’apprécier, observa le chef, croisant les bras devant lui, et puis, vois le bon côté des choses. Tu n’es plus policier. Tu es agent du FBI maintenant. C’est à moi que tu dois rendre des comptes et non à Bading.
Mac se passa une main nerveuse dans les cheveux.
– Mouais ! J’aurais quand même préféré la mise à pied, rumina-t-il en se levant.
Il prit les dossiers pour les étudier tranquillement à son bureau.
– Ah oui, j’allais oublier ! Lança Paul, en fouillant dans un autre tiroir, tu as un équipier pour cette affaire.
Mac était déjà dépité à l’idée de retourner dans l’Illinois. Cette nouvelle ne fit que l’achever.
– C’est une blague ! Pesta-t-il, je bosse toujours en solo.
– Pas cette fois ! La dernière victime, Robert McPhil était un pilier important de la ville de Chicago, expliqua son chef, le maire a appelé Washington et veut le coupable sous les verrous le plus tôt possible.
Le jeune homme leva les yeux au ciel.
– Alors quoi… vous envoyez Mulder sur une affaire complètement loufoque et on ne trouve pas mieux que de mettre Scully dans ses pattes, lança-t-il en écartant les bras du corps comme pour marquer ce qu’il allait ajouter, le directeur Farrell ne pouvait pas trouver mieux comme châtiment.
– Cesse de te plaindre ! Grogna Paul en lui tendant le dossier, ça aurait pu être pire.
Résigné, Mac attrapa la chemise sans l’ouvrir. Il n’était pas pressé de connaître l’agent avec lequel il allait travailler durant un temps indéterminé. Mais son chef ne lui laissa pas cette satisfaction.
– Takano Murakami. Il est d’origine coréenne, bosse au FBI de Washington depuis une bonne dizaine d’années et d’après ce que j’ai lu, il a de brillants états de service. Tu devrais lire attentivement son parcours parce que c’est certainement ce qu’il est en train de faire en ce moment même avec le tien.
Le jeune homme ne chercha même pas à dissimuler son désaccord vis-à-vis de cette perspective. Il prit la chemise bleue en esquissant une moue réprobatrice puis fonça vers la porte.
– Encore une chose !
Son mal de tête ne lui permettant pas de râler plus que de raison, Mac se retourna vers son chef non sans un soupir d’exaspération.
– Essaie de revenir en un seul morceau, lui conseilla Paul en rangeant grossièrement les papiers sur son bureau, je ne me suis pas fourvoyé devant Farrell pour que tu reviennes entre quatre planches.
C’était bien là, une réflexion qu’adoptait Paul pour demander à ses agents de faire attention à eux. Il n’était pas très démonstratif et préférait sortir ce genre de petite allusion pour faire passer le message. Certains de ses hommes prenaient ces mots au pied de la lettre. D’autres, comme Mac, déchiffraient facilement les recommandations de leur chef.
– Bien patron !


Le jeune homme s’affala sur son bureau, la tête dans les mains. Hormis cet affreux tambourinement qui martelait ses tempes, il avait l’estomac soulevé par une envie de vomir. Ses festivités de la veille, bien que justifiées à son goût, lui revenaient en pleine figure comme une bourrasque de vent à contre sens.
– Alors ?
Son collègue, le regard fureteur, venait au renseignement. Jerry n’était pas un mauvais bougre, mais son plus gros défaut était sans nul doute sa grande curiosité. Mac leva à peine la tête vers lui.
– Qu’est-ce que je t’ai déjà dit ? Marmonna-t-il, enlève tes fesses de mon bureau.
– Allez ! Dis-moi ! Insista son interlocuteur sans pour autant bouger.
Mac commençait sérieusement à fumer de colère devant l’obstination de son collègue.
– Bordel, Jerry ! Tu chies, tu pètes avec ton cul et tu te mets assis sur mon bureau, lança-t-il entre les dents pour ne pas réveiller davantage son mal de tête, dégage de là !
Jerry leva les yeux au ciel d’un air exaspéré.
– Ça va, ça va ! Fit-il en se redressant, voilà, monsieur est content.
Il adopta son attitude de chien battu, croisant les bras devant lui. Une méthode quelque peu déconcertante qu’utilisait le jeune agent pour obtenir ce qu’il voulait même si dans le cas présent, Mac n’était pas d’humeur à parler. Pourtant, celui-ci céda d’un soupir agacé.
– On m’a refilé une affaire de merde à Chicago, laissa-t-il entendre en se massant les tempes douloureuses.
– Chicago ! Mais ce n’est pas là où…
– Si ! Coupa net Mac afin d’éviter le sujet.
Il adressa un regard noir à son interlocuteur pour le dissuader d’aller plus loin dans ses pensées.
– Ah bah, ce n’est pas cool ! Se contenta de dire Jerry en se grattant nerveusement la tête.
Le bruit de l’ascenseur retentit dans les locaux, suivi d’un claquement de talons aiguilles qui foulaient le carrelage. Joanna, la co-équipière de Jerry, apparut quelques secondes plus tard, deux grands cafés dans les mains. La jolie brune afficha un large sourire et se planta devant le bureau de Mac.
– Voilà ! Un grand moka avec crème, deux doses de sucre et double expresso pour mon héros du jour, dit-elle en posant le gobelet sur le bureau.
Mac leva la tête vers la jeune femme et la gratifia d’un sourire reconnaissant.
– Tu es mon sauveur, la remercia-t-il avant d’avaler une gorgée du liquide chaud.
Plutôt fière de son entrée, Joanna rencontra le regard étonné de Jerry.
– Quoi !
– Bah et moi ? Je n’ai pas droit au café encore une fois !
Sa collègue haussa les épaules sans masquer son indifférence.
– Prends l’ascenseur et descends ! C’est juste en face de l’immeuble, lâcha-t-elle d’un air détaché avant de foncer vers son bureau. Demande Greg. C’est mon barista préféré.
Elle s’installa sur son fauteuil tout en dégustant son moka puis prit la peine de rehausser ses longs cheveux avec une pince avant d’entamer son travail. Jerry pinça les lèvres de mécontentement en se penchant vers son collègue. 
– Tu es certain qu’il n’y a rien entre vous, murmura-t-il sans lâcher la jeune femme du regard, parce que je trouve qu’elle est drôlement aux petits soins pour toi. Je me demande si ce n’est pas pour ça que…
Mac lâcha un soupir accentué d’un léger grognement qui dissuada son collègue de poursuivre. Celui-ci n’insista pas davantage. Il se redressa lentement tout en détaillant l’un après l’autre les deux agents, puis croisa les bras devant lui.
– J’ai compris. Je vais aller me servir une tasse de ce café infect que nous fait cette machine hideuse et bruyante.
Il tourna les talons vers la pièce de repos, se grattant nerveusement la tête. Un sourire espiègle sur les lèvres, Joanna le suivit des yeux jusqu’à ce qu’il ne soit plus dans son champ de vision puis reporta son attention à son voisin d’en face.
– Alors ? Je vois ton insigne sur ton bureau. J’en déduis que tu n’es pas viré.
Relevant la tête de ses dossiers plutôt macabres, Mac se frotta négligemment le visage. Il n’avait pas beaucoup dormi ces derniers temps à cause du tueur de vieilles dames et sa seule nuit de repos, il l’avait passé à siffler des bières jusqu’à pas d’heures.
– J’ai hérité d’un autre tueur en série, lâcha-t-il après avoir avalé une gorgée de café, encore plus malade que le précédent.
Joanna pouvait aisément voir une partie des photos étalées devant le jeune homme. 
– Ça a l’air tout aussi dégueu ! Observa-t-elle en se calant dans son fauteuil.
Jerry revenait avec une tasse dans la main, la mine toujours boudeuse. Il traversa la grande salle des bureaux, passant devant plusieurs collègues.
– Nathan et Richard pataugent toujours avec cette affaire d’enlèvement, grimaça-t-il, le gamin a disparu depuis quatre jours déjà.
Mac se pencha légèrement pour regarder les deux agents affalés sur leurs bureaux, rassemblant tout ce qu’ils avaient amassé durant leur enquête. C’était une des choses qu’il détestait dans ce métier. Ne rien trouver, ne rien savoir, perdre le contrôle de soi devant une affaire déconcertante, la frustration de l’échec.
Au même moment, le chef Anderson apparut en haut, les mains posées sur la barrière.
– Miller ! Benson ! Il vient ce rapport ? Cria-t-il d’une voix grave.
– Oui monsieur ! Lança Jerry qui se dépêchait de mettre des papiers dans une chemise.
– Et toi Campbell ? Qu’est-ce que tu fais encore là ?
Mac leva les yeux vers son chef en agitant le dossier de son futur équipier comme pour montrer qu’il y jetait un œil.
– Prends ta journée ! Décréta Paul sans prêter attention au regard étonné des deux autres agents. Tu pars pour Chicago demain matin.
Il n’y avait donc plus aucune échappatoire pour Mac qui esquissa une grimace à cette idée. Tout semblait avoir été décidé à l’avance comme pour le sanctionner. Il avait débarrassé la ville d’un dangereux criminel et son supérieur le remerciait en l’envoyant là où il s’était juré ne jamais revenir.
Alors qu’elle grimpait les escaliers qui menaient au bureau du chef, Joanna agita discrètement la main en guise de salutation. Jerry quant à lui, toujours à la traîne, tapota amicalement l’épaule de son collègue.
– Fais gaffe à tes fesses, lui conseilla-t-il avant d’imiter co-équipière.
Mac se leva lentement et prit les dossiers. Comme il ne savait pas quand il serait de retour, il rangea grossièrement ses affaires. Après un dernier coup d’œil autour de lui, il mit ses lunettes de soleil et fonça en direction de la sortie.


Walter Abbott, directeur du FBI de Washington, finissait un entretien avec son meilleur agent, Takano Murakami, vivement recommandé par son chef pour une enquête sur de violents meurtres.
– Je ne vous cache pas que cette affaire est plutôt étrange, reconnut-il sans détour. Le tueur est très méticuleux. Il ne laisse rien au hasard et, comme si on en avait vraiment besoin, il semble avoir un certain goût prononcé pour l’informatique. Sinon, je ne vois pas comment il aurait pu détourner les caméras de cette banque ainsi que celle de l’ascenseur.
Takano avait déjà pris connaissance des dossiers. Les photos n’étaient pas agréables à regarder mais l’agent semblait avoir l’habitude.
– Il y a un intervalle de cinq jours environ entre chaque meurtre, continua Walter, les victimes n’ont aucun point en commun. Inutile de vous dire que la police de Chicago patauge complètement. Des questions ?
L’agent posa les papiers sur le bord du bureau.
– Pourquoi la criminelle de Chicago ? Demanda-t-il en fronçant les sourcils.
– Tout d’abord parce qu’il y a eu deux meurtres dans cette ville et ensuite parce que le maire en a demandé la primeur. Toledo n’a émis aucune objection. De toute façon, c’est le FBI qui se charge de l’enquête et vous disposez de toute l’aide nécessaire, bien entendu.
Walter poussa un soupir puis se laissa aller contre le dossier de son large fauteuil en cuir.
– Encore deux choses ! Fit-il en fouillant dans un tiroir, le lieutenant Chester Bading ne porte pas les agents fédéraux en haute estime.
– Pourquoi ?
– Il y a une quinzaine d’années, alors qu’il venait tout juste d’être nommé lieutenant, sa femme et son fils aîné ont été pris en otage avec trente autres civils à la Fédérale Réserve Bank de Chicago. Le FBI est intervenu ainsi que le SWAT malgré le désaccord du négociateur. Le fils de Bading et un banquier sont morts pendant l’intervention. Nous avons eu de grosses pertes aussi.
– Oh, je vois, comprit Takano, je m’efforcerai de rester très discret… et la deuxième chose ?
Le directeur Abbott esquissa une petite moue puis jeta une chemise verte sur le bureau.
– Vous aurez un équipier pour cette enquête.
Son interlocuteur ne parut pas apprécier cette perspective.
– Mais monsieur, sauf le respect que je vous dois, je travaille toujours seul, protesta-t-il poliment.
– Je sais mais cette affaire commence à prendre des proportions qui font parler d’elle en haut lieu et nous devons y mettre un terme au plus vite, avança Walter en se redressant, vous êtes mon meilleur agent et un excellent profiler. Je sais également que vous garderez la tête froide quelle que soit la situation comme toujours. Ce qui ne sera certainement pas le cas de votre partenaire.
Après avoir bien assimilé la dernière réflexion de son patron, Takano hésita quelques secondes avant de prendre le dossier.
– Michael Alexander Campbell ! Déclara Walter, trente-deux ans, né à Sioux Falls dans le Dakota du Sud. Il a été policier à la criminelle de Chicago pendant cinq ans avant de faire une demande d’affectation au FBI.
– A Chicago ! C’est un peu gênant non ? Ça ne va pas poser de problème ?
– Pas plus qu’à vous ! Bading a reçu des ordres de ses supérieurs. Il devra s’y tenir, répondit le directeur en agitant la main vers le dossier, les tests de Campbell à Quantico sont très impressionnants, presqu’aussi bons que les vôtres. Sa dernière affaire remonte à deux jours. Le tueur de vieilles dames.
– On en a parlé dans les bureaux, déclara Takano en faisant mine de se rappeler ce qu’il avait entendu. Un tueur qui enlevait des dames âgées. Il leur rasait le crâne, leur arrachait les ongles et faisait un trou dans chaque talon. Une fois que les pauvres femmes étaient vidées de leur sang, il les jetait dans une ruelle.
– C’est exact ! Campbell a mis fin à ses agissements en lui mettant une balle dans la tête au beau milieu d’une foule, expliqua Walter, ce qui n’a pas été du goût du directeur Farrell. Pourtant, on a retrouvé en vie la dernière victime de ce malade grâce à une clé qu’il gardait sur lui. Le tueur louait un box dans un entrepôt.
L’agent Murakami prit le temps de bien lire les états de service de son futur équipier.
– Je vois que notre homme a un sérieux problème avec la hiérarchie, remarqua-t-il en levant les sourcils.
Il échappa un long soupir sachant pertinemment que tout n’était pas noté dans ce genre de dossier.
– Qu’est-ce que je dois savoir à propos de ce Campbell ? Demanda-t-il d’emblée.
La question fit sourire Walter Abbott qui, apparemment, s’attendait à cette réaction. 
– J’ai longuement parlé avec Paul Anderson ce matin, avoua-t-il en croisant les bras devant lui.
Impatient de connaître un peu plus de détails, Takano demeurait attentif.
– D’après lui, Campbell est un bon agent qui opère par instinct. Hormis un sale caractère et un franc-parler, il est intègre et met un point d’honneur à clôturer une affaire quel que soit le temps que ça peut lui prendre. C’est un excellent tireur. Il est brillant. Ses capacités physiques sont impressionnantes. D’ailleurs, il a un dossier médical plutôt vierge. Jamais malade, pas même la varicelle. On parle seulement d’une maladie qu’il aurait contracté quand il avait sept ans et qui a bien failli le tuer mais depuis…
Walter se gratta nerveusement la tête, l’air quelque peu confus.
– Vu comme ça, ce type a l’air énigmatique mais Anderson semble beaucoup l’apprécier, continua-t-il en se levant, il m’a demandé de ne pas le juger en fonction de son dossier. Donc, je vous recommande ce conseil. Un avion vous attendra demain matin à l’aéroport.
Takano imita son directeur sans dissimuler son inquiétude quant à cette nouvelle enquête. Il allait quitter Washington pour plusieurs jours, peut-être plus.
– Si cela ne vous ennuie pas, j’aimerais partir demain soir, sollicita l’agent, comme vous le savez sûrement, mon divorce a été prononcé la semaine dernière et j’aimerais profiter de ma fille avant mon départ.
Le directeur Abbott ne prit pas la peine de réfléchir. Il accepta aussitôt la requête de son agent.
– Je ne connais que trop bien cette situation, confia-t-il d’un sourire gêné, avec cette fonction qui me prend le plus clair de mon temps, je vois très peu mes enfants. Un reproche que me fait constamment mon ex-femme.
Il tapota amicalement sur l’épaule de son interlocuteur.
– Prenez votre journée, Takano ! Profitez de votre petite Alicia au maximum ! J’appelle le pilote pour reporter le vol à demain soir.
L’agent Murakami le remercia d’un simple signe de tête puis quitta le bureau avec les dossiers en main.
"J'ai décidé d'être heureux parce que c'est bon pour la santé" (Voltaire)

 


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