Auteur Sujet: Quelques maux d'amour de Emily Thibault  (Lu 10626 fois)

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Quelques maux d'amour de Emily Thibault
« le: jeu. 17/06/2021 à 17:11 »
Quelques maux d'amour de Emily Thibault

PRÉFACE


ROXANE BARTHÉLÉMY

Roxane Barthélémy, de son vrai nom Roxane Lecompte, née le 22 novembre 1979 à Biarritz, est une chanteuse et écrivaine française.

Révélée en 2004 par le télé-crochet « Ciblage Star », elle participe à la saison 6, elle compte cinq albums studio.

On la connaît depuis dix ans (2009) comme jury de l’émission «Wild Melody » sur M6.


Biographie

Jeunesse et formation

Roxane Lecompte est la fille aînée de Carole Lecompte, chanteuse de cabaret et Jacques Lecompte, professeur de français. Ce sont eux qui lui font découvrir la musique, notamment en laissant tourner des disques de variété française dans la maison. Roxane habite à Biarritz pendant les dix premières années de sa vie, puis de ses dix ans à ses vingt ans, elle vacille entre la vie parisienne et la vie du sud-ouest, entre la mutation de son père à Paris et le cabaret de sa mère dans sa ville natale. Ses migrations entre le nord et le sud de la France, elle les fait avec son frère Barthélémy, de cinq ans son benjamin.

Titulaire d’un baccalauréat littéraire en 1997, Roxane quitte définitivement Biarritz pour s’installer chez son père cette même année. Elle commence des études dans l’édition, mais elle est attirée par le chant. Depuis son plus jeune âge, bercée par la musique, elle chantonne. Pour se faire de l’argent, elle chante dans le métro. Elle espère la consécration, mais elle ne la connaît qu’après sa participation à Ciblage Star.


Débuts sur scène et révélation Ciblage Star (2004-2007)

Roxane enchaîne les petits concerts sans jamais atteindre la gloire. Poussée par son frère, elle s’inscrit à la nouvelle saison de Ciblage Star. Ciblage Star est une émission ayant débuté au début des années 1990, elle fait émerger de potentielles stars de la chanson. Après cinq saisons entre 1992 et 1998, M6 est contraint d’arrêter son programme. Repris par l’engouement des Français pour les télés-réalités, M6 relance le programme en changeant quelques points de son programme, pour se rapprocher le plus possible des attentes des auditeurs. En 2004, Roxane participe à cette nouvelle saison, son parcours s’arrête au quart de finale.
 
Succès commercial

Le label « Little Light Records » enregistre le premier album « Première heure » de la chanteuse, proposé sous le nom de Roxane. Il devient l’album le plus vendu de 2005, dépassant le nombre de ventes du gagnant de l’émission. Cet album a la tendance rock, contient onze chansons, dont ses singles « Avec nos souvenirs » et « Vol de nuit ». Cet album s’est venu à 500 000 exemplaires et devient disque de diamant. Elle entreprend une tournée de quatre-vingt-deux dates, partagée en la France, la Belgique et la Suisse.
Chansons de l’album : 1. Oublier les problèmes. 2. Les rêves d’une femme. 3. Avec nos souvenirs.
4. Baby, I got you. 5. Chaînes. 6. Frisson d’hier. 7. Vol de nuit. 8. Man of Fame. 9. Jeu de femme.
10. Chemin de vie. 11. Jamais trop tard.

En 2005, pour sa tournée, l’artiste change son nom de scène en ajoutant Barthélémy après Roxane, pour rendre hommage à son frère, décédé d’un cancer quelques mois plus tôt.


Confirmation sur scène (2007-2015)

C’est en 2007 que l’album « Les yeux dans les yeux » de Roxane sort. Un album qui se veut plus intime, tendant vers le blues sur certains titres. L’album réconforte ses fans, mais ses singles ne passent pas à la radio. Seul « Thérapie de nous » s’est fait une place sur les ondes. La tournée, d’une cinquantaine de dates, se fait dans la même optique de l’intime, dans des petites salles pour qu’elles offrent une proximité entre l’artiste et les fans. L’album est réédité en 2008 avec une version live.
Chansons de l’album : 1. Joie de minuit. 2. Demain brisé. 3. Briser les cauchemars. 4. Thérapie de nous. 5. Tu nous manques. 6. Quand tu souris. 7. Le jour où. 8. A bas les codes. 9. Les yeux dans les yeux. 10. Des mauvais choix. 11. Où allons-nous ? 12. Cruel. 13. Le long de la route.

Roxane revient en 2010 avec un album plus rock, exposant les infidélités de ses compagnons. Roxane change son image de petite fille en celle de femme qui s’affirme. « Sans commentaire » est son troisième album, qui est disque de platine quelques semaines après sa sortie. Finis les petites salles de concert, Roxane s’offre des zéniths. La tournée du même nom que l’album se joue à guichets fermés. Son single « Toi, moi, les autres » gagne le sacre de la chanson de l’année.
Chansons de l’album : 1. Stupides moments. 2. Mieux sans toi. 3. Romance. 4. Toi, moi, les autres.
5. Tu l’aimeras. 6. Je m’en fiche. 7. Médailles. 8. Crie le fort.

Brisant un peu plus son image de protégée du label, le quatrième album de Roxane sort en 2014 et s’intitule « Baisers sauvages ». Il porte le nom de son single. Ce dernier tourne sur toutes les chaînes de radio, la promotion autour de cet album est folle. Dans ses chansons, Roxane se dénude complètement, elle offre des performances hors du commun à ses fans lors du « Baisers Sauvages Tour » sur une trentaine de dates. Cependant, cet album est aussi beaucoup critiqué, par les paroles osées, crues qu’offre l’artiste.
Chansons de l’album : 1. Obsession. 2. Chaînes du plaisir. 3. PS : ne reviens pas. 4. Crazy ex- girlfriend. 5. Baisers sauvage. 6. Bang Bang. 7. Folle de nuit. 8. Notre front. 9. Baby, I’m a cowboy.
10. Marvin Gaye.. 11 Cœur froissé. 12. Fauteur de troubles. 13. Femme de demain. 14. Pas de nouvelle, bonne nouvelle. 15. Rejette le démon.

Pour calmer les médias qui s’enflamment, qui l’ont beaucoup critiquée, Roxane sort, en 2015, un album s’intitulant « Commercial Break », comme annonçant sa décision. Même si l’album devient trois fois disque de platine, il signe la fin de la carrière musicale de l’artiste. La tournée attire moins de monde, le public étant méfiant des performances qu’elle peut livrer.
 
Chansons de l’album : 1. La fille de mes pensées. 2. Musique facile. 3. Masques. 4. Je t’envie. 5. Merci. 6. Changer de voie. 7. Liés. 8. Reviens au soleil. 9. Ennuyée. 10. Clopes et tequila.

Coupure musicale et autre œuvre artistique (2015 - 2019)

Roxane Barthélémy n’a pas sorti d’album depuis quatre ans, mais elle ne reste pas éloignée des plateaux télés, des festivals et des concerts de charité. Après deux ans sans nouvelle de la star, elle revient avec un roman humoristique « Chantal peut chanter », où elle se moque avec auto-dérision de sa carrière de chanteuse. Son livre se vend à plus de 100 000 exemplaires la première année. L’artiste utilise sa nouvelle notoriété pour écrire des livres pour enfants, notamment le succès « Le chien d’argent ».


Activité auprès d’associations

Ayant vécu dans un quartier modeste, avec « assez peu d’argent », comme le disait la star en 2011, Roxane s’investit auprès d’association, notamment le Secours Populaire. Les recettes de son roman « Chantal peut chanter » sont reversés à des associations contre le cancer des enfants et des adolescents. Celles du livre « Le chien d’argent » sont reversées à l’association des Pupilles de la nation.



La « Renaissance »

Par surprise, Roxane et son label musical « New Leaf Recordings » lancent la chanson « Souvenirs d’enfant » sur les ondes en janvier 2019. Alors qu’une annonce a été faite pour prévenir d’un projet, les fans s’attendaient à un nouveau roman, mais c’est un nouvel album
« Renaissance » qui est lancé. L’album fait une entrée timide dans les charts, avant de trouver sa place et de devenir disque d’or. La promotion de l’album indique qu’il fallait pour la chanteuse, fêter ses quinze ans de carrière. Le « Renaissance Tour » commencera le 26 septembre 2019 à Biarritz.
Chansons de l’album : 1. Souvenirs d’enfant. 2. Mélodie. 3. Stop chance. 4. Mes troubles. 5. Rappelle-toi demain. 6. Homesick obsession. 7. Secrets. 8. The wild in me.


Vie privée

Roxane a été en couple avec le célèbre chanteur Uriel Lumbroso, de 2004 à 2008.
Leur relation donne naissance à Issam, un petit garçon né le 29 novembre 2006.

On lui a prêté une relation avec l’acteur américain Dough Peters, dont elle se serait inspirée pour écrire les chansons de troisième album.

Par la presse people, on apprend une deuxième grossesse en 2014. Une fille née d’une union avec un homme dont l’identité reste aujourd’hui secrète. Quelques mois après l’accouchement, situé début 2015, les médias arrivent à connaître le prénom de l’enfant, il se nomme « Romy ».
 

Chapitre 1


22 SEPTEMBRE 2019, PARIS



Le train procure une sensation que je n’aime pas. Ou c’est peut-être le stress qui commence à prendre possession de mon estomac qui me fait me sentir bizarre comme ça. Je ne sais pas trop. Mais là, j’ai tout de même l’impression d’être secouée dans tous les sens. On est loin du TGV, je vous le dis. Et encore, je n’ai même pas tenté d’aller aux toilettes dans le train. Dans mes oreilles, l’album « Renaissance » de Roxane Barthélémy. Du moins, les chansons de cet album que nous allons jouer sur scène dans quatre jours et pour les prochains mois qui arrivent. Je n’arrive toujours pas à le croire. Je crois que je n’arriverais pas à m’y faire, jusqu’à ce que je sois devant Roxane, jusqu’à ce que je sois dans la première salle à Biarritz pour notre premier concert. Pourtant, nous avons répété avec les filles, nous nous sommes déjà retrouvées, je me suis déjà retrouvée en face de Roxane, en face de son sourire, sous ses encouragements, mais j’ai toujours l’impression que je suis dupe, qu’on se moque de moi et que je ne vois rien. Parce qu’à mes yeux, c’est trop beau pour être vrai. Qui ne rêve pas de partir en tournée avec une chanteuse qu’on adore ? Vraiment, qui ? Sur la tablette devant moi, mon portable vibre, coupe la musique une dizaine de secondes, ce qui me fait remettre la chanson au début et je regarde ce que j’ai reçu. Un SMS de Roxane.

[SMS DE ROXANE]
Contente de te savoir en route. Les filles le sont aussi. Quelle gare déjà ? Et quelle heure ? Que je t’envoie un taxi.

Message accompagné d’un émoji qui fait un bisou, ça ressemble très bien à Roxane, elle ne peut pas faire un texto sans mettre un émoji. Je me surprends à sourire devant l’écran illuminé de mon téléphone. Comme honteuse, je relève la tête. Tous les autres sont soit focalisés sur leurs propres cellulaires, soit ils dorment. Est-ce que j’ai l’impression d’avoir le rouge aux joues ? Ma main droite se plaque sur ma joue gauche, j’attends quelques instants pour constater. Bon, non, je ne dois pas être rouge. On dirait vraiment que je viens de recevoir un message de mon crush. Sauf que là, le message, il vient de Roxane et… et… et non, ce n’est pas mon crush. C’est juste… Roxane. D’accord, oui, elle est jolie, intelligente, créative… Ça y est, j’ai encore l’impression d’avoir chaud. On ne peut pas ouvrir les fenêtres dans les trains ?
D’un coup, je me souviens que Roxane m’a posé des questions. Alors, je l’imagine devant son téléphone, posant quelques fois son regard sur l’écran, dans l’attente de ma réponse. Mais non. Qu’est-ce que je raconte ? Elle n’attend pas patiemment ma réponse, de toute manière, je ne suis pas là avant deux heures. J’attrape mon portable et j’écris rapidement mon heure d’arrivée, en
 
veillant à prendre en compte le retard de quinze minutes du train. Mais bon, je pense qu’on va avoir quelques minutes de plus de retard, vu la vitesse à laquelle le train roule. J’ai l’impression que l’on fait du vingt kilomètre heures. J’envoie un deuxième message quand je me rends compte que j’ai oublié de lui indiquer la gare à laquelle j’arrive. Elle doit me prendre pour une conne, c’est sûr. Je relis une troisième fois son message et souris en pensant aux autres filles. Elles aussi ne vont pas tarder à arriver. Je crois que Naomi vient en train aussi alors que Cécile et Eugénie viennent en voiture.

Deux heures qui passent en trois minutes. Est-ce que je me suis assoupie ? Je doute. Je pense cependant que mes scénarios imaginaires, qui me font flipper sur la tournée, m’ont fait passer le temps plus rapidement. Le conducteur annonce que nous arrivons en gare et espère que nous avons passé un agréable moment. Sur le deuxième point, j’hésite à aller le voir et lui expliquer A+B que le train ce n’est pas confortable et qu’un mètre sur deux je n’ai pas eu de réseau téléphonique. J’attrape ma valise et suit la file de personnes qui se précipite vers la porte. Trois mois de tournée avant la pause de décembre et tout tient dans une valise. Je ne dois pas être une femme. Le train finit par s’arrêter dans une dernière secousse et on arrive à sortir de l’habitacle. Je prends une grande respiration d’air enfin renouvelé et je cherche du regard l’homme que Roxane a dû envoyer pour me récupérer. Mais il y a beaucoup de monde qui attend et clairement, je ne sais pas qui ça peut être. Je vais m’asseoir, là, sur ma valise, il viendra peut-être à moi. N’empêche qu’il pourrait avoir fait un papier avec mon nom, Maëlle Baron, pour que je sache. Car si je l’attends, qu’il m’attend, on va s’attendre longtemps. Alors que le quai se vide, que je suis immobile, que je gêne tout le monde, mon regard finit par tomber sur la timidité de Roxane. Cachée derrière de trop grandes lunettes de soleil, qui semblent prendre tout son visage, déjà enfermé par ses cheveux laissés libres, Roxane me reconnaît et me sourit. Je m’approche d’elle, ma valise au bout du bras et les siens s’ouvrent pour que je me blottisse contre elle.
—   Je suis si contente de te voir Maé.
Maé. C’est le surnom qu’elle me donne depuis le début et encore plus depuis les répétitions. Je ne me souviens pas l’avoir déjà entendu dire mon prénom en entier. Puis, trouver Maé comme surnom pour Maëlle, il n’y avait que Roxane. Je suis aussi contente de la voir. C’est Roxane. Qui n’est pas heureux de tomber nez à nez avec son sourire, avec ses yeux qui s’illuminent en nous voyant ? Elle réchauffe le cœur quand on la côtoie. Je finis par me reculer, ses mains ne me touchent plus et ce contact commence déjà à me manquer. C’est stupide, car je la connais, elle est tactile, ses mains sur mon corps, j’y aurais encore le droit.
—   Pourquoi c’est toi qui es là ? Tu m’as dit que tu allais faire venir un taxi.
—   Je suis pleine de surprises, répond-elle avec un léger rire.
Je hausse un sourcil pendant qu’elle retire ses lunettes, pour que nos regards se rencontrent. Je sens le rouge me montait aux joues, c’est quoi cette histoire ? Je ne peux même plus la regarder dans les yeux sans devenir une tomate ? Sa main attrape mon avant-bras et elle m’amène avec elle à travers la gare. Nous ne marchons pas longtemps puisqu’au premier café qu’elle voit, on s’y arrête pour attendre les autres musiciennes. Eugénie et Cécile récupèrent Naomi à une autre gare et Roxane impose que l’on se retrouve toutes les cinq ici. Partisane du moindre effort celle-là. Savoir que les autres vont arriver me met un coup de stress, je ne serais plus seule avec Roxane, je me connais.
—   Tu as fait bon voyage ? Demande-t-elle après une gorgée d’un thé brûlant.
—   Ça va, j’ai connu pire.
—   Comme ?
—   Des heures à côté d’un bébé qui pleure par exemple.
Roxane souffle et son sourire ne quitte pas son visage. Elle baisse la tête, honteuse ? Ses cheveux bruns tombent devant ses yeux. Sa frange devient trop grande, elle devrait la faire couper pour le début de la tournée. D’ailleurs, je pensais qu’elle l’aurait fait avant que l’on se revoie.
—   Je connais trop bien ce genre de chose, lance-t-elle enthousiaste.
—   Toi aussi t’as eu envie d’égorger le gosse ?
 
—   Ouais, annonce-t-elle en faisant la moue. Sauf que c’était le mien. Romy était bébé, elle braillait tellement. J’ai cru qu’ils allaient arrêter le train pour qu’on descende.
Merde, j’ai l’air bête maintenant ! Son regard se perd et elle reprend une gorgée de thé. Ça devait être gênant. Puis, elle devait se sentir trop mal, face aux jugements des autres. Même moi j’ai eu des jugements sur cette femme qui n’arrivait pas à faire taire son enfant de même pas trois ans. Et je ne veux même pas imaginer que ceux du train l’aient reconnue. La pauvre.
—   Pas trop compliqué de partir loin de tes enfants ?
Pourquoi j’en rajoute une couche ? Pourquoi les mots sortent de ma bouche avant que je leur autorise à le faire ? Roxane hausse les épaules et finit sa boisson. Je suis la plus douée pour mettre des froids entre nous. Je m’en veux terriblement, j’aimerais qu’elle reprenne la parole, qu’elle me dise un « ça va » même si c’est faux. Le souvenir de son silence va me hanter, j’en suis persuadée. Je la vois qui lève la tête, qui sourit à nouveau, mais ça ne m’est pas destiné. Roxane se lève et va prendre les trois autres musiciennes dans ses bras. Je me lève à mon tour pour les enlacer, pour leur souhaiter la bienvenue. Les filles prennent place autour de notre petite table, choisissent leur boisson, pendant que Roxane en recommande une pour elle. La mienne n’est pas finie. Et là, quand Naomi prend la parole pour raconter son aventure digne d’un film de Denis Villeneuve, je m’efface complètement. Je ne parle plus. J’écoute simplement. La Bretonne a eu le droit à un enfant casse- pied pendant son trajet. Roxane se met à rire et claque sa tasse contre la table.
—   Vous vous plaignez, mais vous ne savez pas ce que c’est de s’occuper de gosses !
—   Je m’occupe de mon neveu, se défend Naomi.
—   Ton propre enfant, c’est une autre histoire que simplement ton neveu.
Elles rient ensemble, mais je doute que ce soient des caractères complémentaires. Je ne sais pas pourquoi Roxane l’a choisi. Peut-être que je me trompe, elles vont devenir les meilleures amies du monde. En tout cas, moi, je ne l’apprécie pas plus que ça. Même pendant les répétitions, j’ai eu du mal à la cerner. Trop ouverte, trop extravagante, parfois même gênante. Tout mon contraire. Et je sais qu’ensemble, les contraires ne s’attireront pas. Cependant, un souvenir d’une soirée lors des répétitions me revient à l’esprit et Roxane peut avoir ce genre de caractère, il faut juste la faire boire le verre de trop. Elle devient pompette et elle se lâche totalement sur « Les lacs du Connerama » de Michel Sardou. Son péché mignon quand elle a de l’alcool dans le sang. Son genou vient taper doucement contre le mien, je relève les yeux vers Roxane qui me fixe.
—   Pourquoi tu rigoles ?
Mince, je n’avais même pas fait attention que je riais, j’étais trop prise par les souvenirs qui me reviennent, par mon incapacité à regarder ailleurs que sur Roxane ce soir-là.
—   Rien.
Je suis sûre qu’elle a compris qu’il n’y a pas rien, mais elle choisit de ne pas m’auditionner plus. Je ne sens plus son genou contre le mien. Les filles continuent leur conversation, sans prêter attention à l’interaction entre Roxane et moi. La chanteuse arrive à reprendre le fil de la discussion. Moi, il m’est incapable de discuter avec elles. Timidité absolue, que je porte comme une croix sur le dos depuis maintenant trop d’années.
 

Chapitre 2


26 SEPTEMBRE 2019, ENTRE PARIS ET BIARRITZ



Histoire de marquer le coup, de fêter comme il se doit les quinze ans de carrière de la chanteuse, le staff, appuyé par Roxane elle-même, a décidé de refaire la même tournée que pour son premier album « Première Heure ». Elle nous a dit que c’était une façon de remercier les fans, surtout ceux qui sont là depuis le début, même si cela ne veut rien dire à ses yeux. Mais elle dit aussi que cette tournée avait moins de moyens, elle était connue, mais pas assez pour les grandes salles, les zéniths ou les stades. Alors, cela offrira la possibilité à certaines villes de la voir revenir, alors qu’elle les avait oubliés pour les tournées plus importantes. Quatre-vingt-cinq dates à avaler, à survivre, à transpirer, à kiffer. Ce sera le « Renaissance Tour ». J’ai hâte, très hâte, même si je suis terrorisée. Quelques fois, j’ai eu envie de parler de ma peur à Roxane, mais j’ai eu l’impression qu’elle allait regretter de m’avoir prise avec elle pour les concerts. Face à des personnes comme Naomi, Eugénie et Cécile, je n’ai pas le droit d’être terrifiée comme je le suis, car elles, ne le sont pas.

Nous sommes en direction de Biarritz, ville natale de Roxane, c’est d’ailleurs pour ça que son sourire ne veut pas quitter son visage. Ça se sent qu’elle aime cette ville, qu’elle adore y revenir. J’espère qu’elle nous fera parcourir ses rues, qu’elle nous montrera ses coins préférés, les bars dans lesquels elle aime aller boire un coup. C’est par le train que nous quittons la capitaine pour la ville du sud-ouest. Alors que je ne suis toujours pas à l’aise dans ce moyen de transport, même si je pense que je vais devoir m’y habituer, mes yeux se posent sur la chanteuse en face de moi. Elle passe son anxiété sur un pauvre paquet de cartes.
—   Tu es heureuse ? Demandé-je comme sorti de nulle part.
—   Pardon ?
—   Je te demandais si tu es heureuse.
Roxane hausse les épaules inconsciemment, je le vois, son corps ne réagit pas comme son cerveau lui dit de faire.
—   Ça va, j’ai hâte que ça commence, souffle-t-elle.
—   Moi aussi.
Elle semble murmurer quelque chose entre ses lèvres, mais je ne parviens pas à entendre ce qu’elle dit. En plus, c’est à ce moment-là que Naomi choisit pour débarquer en nous hurlant que nous sommes bientôt arrivées. Son enthousiasme semble totalement contraire au nôtre. Sacrée Naomi. À peine sa phrase terminée, elle retourne à sa place et Roxane sourit faiblement. Son regard revient sur moi et elle tente un sourire plus large.
 
—   On joue ?
—   Je ne connais que la bataille, avoué-je.
—   Ça tombe bien, moi aussi.
—   Et encore, j’ai un doute. On récupère les cartes quand on a la plus forte ou la moins forte ?
Le regard de Roxane me transperce et je crois qu’elle n’en a aucune idée, tout comme moi.
Elle réfléchit, fronce les sourcils et finalement souffle.
—   On va dire que c’est celui qui a la plus petite carte qui récupère tout.
Si elle veut, faisons comme ça. Au moins, elle ne changera pas la règle en sa faveur pendant la partie. Je ris doucement, je suis sûre que c’est le genre de personne à réinventer les règles pour toucher à ses fins. Dans mon esprit, quelques souvenirs de soirées en famille avec mes deux parents me reviennent. On aimait les jeux de sociétés et quand rien ne nous disait, on optait pour une bataille, le truc interminable qu’on souhaitait tous arrêter quand on avait la partie de notre côté. Roxane mélange les cartes d’un coup de main de maître et je suis comme obnubilée par sa façon de faire.
—   T’as l’habitude de jouer à des jeux comme ça Roxane ?
—   Pas le moindre du monde. Mais j’ai toujours un jeu de cartes sur moi, je ne sais pas pourquoi. De toute façon, je n’ai pas de chance en jeu.
—   Et en amour ?
—   Pareil, aucun bol.
Elle m’offre un sourire et distribue silencieusement les cartes pour que notre partie commence.

Bien sûr, notre jeu n’a pas abouti, comme pour chaque bataille qui commence. Je ne connais aucune famille qui est capable de donner la date et l’heure d’une partie de cartes terminée. De plus, Naomi avait raison, on allait bientôt arriver. Quand le train annonce que nous allons arriver en gare de Biarritz, Roxane range les cartes et nous prenons chacune nos affaires puis nous attendons patiemment de pouvoir quitter le lieu. J’aurais voulu que le train ralentisse un peu, pour profiter encore de ce moment que l’on partageait. Roxane fait la gueule, ça me fait rire. Quand on a arrêté, elle était en train de perdre, alors que cinq minutes avant, elle avait plus qu’une dizaine de cartes en main et elle pensait gagner. Sauf qu’elle a récupéré six cartes après et la poisse ne l’a jamais quitté. Donc en soi, j’ai gagné notre partie. Le train se stoppe, et prises dans une espèce d’euphorie, on quitte l’habitacle pour nous avancer dans la gare et partir en direction de la salle de concert de ce soir.


Chapitre 3


26 SEPTEMBRE 2019, BIARRITZ



Assise sur le parking derrière l’Atabal pour déguster un sandwich, synonyme de déjeuner pour moi, je regarde les filles. Nous sommes arrivées là il y a une heure, peut-être deux. Nous avons visité ce lieu et j’ai trouvé qu’il allait parfaitement nous convenir pour ce soir. Une grande salle, mais pas trop pour que ça plaise à Roxane. Alors que les filles parlent de tout et de rien, de choses qui ne m’intéressent que très peu, je me souviens de la réaction de la chanteuse en entrant dans ce lieu. Elle était excitée, elle était anxieuse aussi, mais elle avait des étoiles dans les yeux. Cette salle, elle l’a fait il y a un peu moins de quinze ans, pour sa première tournée. C’est sa ville, son premier public qui l’a accueilli et ce soir, avec sa nouvelle notoriété, c’est toujours lui qui a le privilège de l’applaudir en première. Comme si Roxane lisait dans mes pensées, elle coupe la conversation pour parler.
—   En 2005, quand la salle a ouvert, j’étais l’une de premières artistes, un tremplin pour la salle. Mais en tout cas, elle était remplie.
Je lis toujours cet éclat dans son regard et je souris. Elle me fait me sentir bien, c’est fou,
non ?
—   Tu crois que ce sera pareil ce soir ? Demande Naomi.
—   Je l’espère.
Naomi hausse les épaules et je devine de la peur en Roxane. Et si ça ne marchait pas ? L’album a fait des ventes, certes, mais est-ce que tous les billets se sont vendus pour ce soir ? Roxane doit le savoir, moi, je n’en ai aucune idée. Mais même, même si tout s’est vendu, je pense qu’elle a peur de leurs réactions. Les critiques des années précédentes la collent toujours à la peau et elle angoisse à l’idée que tout resurgisse ce soir, qu’elle panique en entrant sur scène. Naomi dit quelque chose à laquelle je ne prête pas attention, pourtant, ça fait rire Roxane.
—   Après, la salle est petite, ça se remplit facilement, dis-je un peu contre mon gré.
Le regard des quatre autres filles se pose sur moi et je panique. Quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit ? Je n’ai pas tort, ce n’est pas le stade de France non plus.
—   Elle a toujours les mots pour faire plaisir Maëlle ! S’amuse Roxane.
Là que j’y pense, ce n’était peut-être pas à dire. Est-ce que je lui ai fais du mal ? Moi qui la sentais déjà fébrile à l’idée de refaire des concerts, j’enfonce le clou avec mes blagues pas drôles. Je m’en veux. Je veux disparaître. Qu’est-ce que je pourrais dire pour partir d’ici ? Même si je suis sûre que Roxane me retiendrait.
Le soleil tape sur nos peaux, sur nos têtes, je suis sûre qu’on pourrait choper une insolation.
Il fait anormalement chaud en cet fin septembre. L’été indien comme le disait Joe Dassin.
 
—   Pourquoi on mange dehors là ? S’aventure Cécile. Je suis en train de cramer, en plus, je me suis habillée en noir.
—   Lors de mon premier concert, en 2005, on a fait un pique-nique comme ça. C’est simplement de la superstition, avoue la chanteuse.
Elle enfourne son sandwich dans sa bouche et en croque un morceau. Les superstitions. Elle espère qu’aujourd’hui, ça se passe aussi bien qu’à l’époque. Je suis sûre que ça se passera bien.
—   Comment vous avez réagi quand on vous a appelé pour vous dire que vous veniez en tournée avec moi ?
Je prends une nouvelle bouchée de mon sandwich pour que la question ne me tombe pas en première dessus. Sur le coup, je n’ai pas vraiment envie d’en parler. Ce qui m’attire dans sa phrase, c’est son « on ». Pourquoi on ? Je regarde les autres filles qui réfléchissent à comment tourner leur phrase. Eugénie raconte que le manager de Roxane l’a appelé pour lui proposer, Cécile dit la même chose. Toutes les deux étaient heureuses, honorées. Je baisse la tête et regarde mes pieds. Pourquoi c’est Roxane qui m’a personnellement téléphoné pour me le proposer ? Est-ce que c’est parce qu’on se connaît toutes les deux ? On s’est rencontrée en 2016, il y a trois ans, lors de « Wild Melody », l’émission de télévision à laquelle j’ai participé. On passe une audition devant un jury de quatre personnes. Deux femmes et deux hommes. Roxane faisait partie de cette belle brochette. Le principe est de convaincre le jury grâce à nos voix. Ils disent si oui ou non on peut aller à l’étape supérieure, mais il faut l’unanimité, sinon, on rentre chez nous. Après, le jury choisi les candidats pour l’épreuve d’après puisqu’ils ont une vue globale de ce que la saison leur propose. De semaines en semaines, on est coaché par un membre de jury différent. J’ai dû partir de l’émission après juste une prestation en direct, pour des raisons personnelles. Nous avons gardé contact, Roxane et moi, un peu, mais je dois avouer que le rouge me monte aux joues quand je repense à son appel.
—   Et toi Maëlle ?
Mais non, oubliez-moi. Même si je mange, la sudiste arrive à m’interroger. Je ne veux pas y répondre. Je fuis leurs regards, même si du coin de l’œil, je vois Roxane sourire. Elle aussi sait que notre appel a été différent des appels des autres. Mais bon, après elle veut juste connaître ma réaction.
—   J’étais heureuse. Je l’ai dit à mes parents, ils étaient contents pour moi.
Mon discours est tout le contraire de celui des autres filles, limite on dirait que ça me fait chier de venir faire la tournée avec elle. Alors que c’est tout l’inverse. J’ai le cœur à l’envers, l’estomac retourné. Je sens que je transpire quand je la vois, quand Roxane me parle. Parce que, quand on a raccroché, j’ai hurlé, j’ai couru dans toute la maison de mes parents, les bras en l’air ! Et le plus important, j’ai offert à mes voisins un concert privé de la nouvelle drummeuse de Roxane, sauf que je n’ai pas du tout la voix de Roxane. C’était donc une version approximative de
« Obsession » que je leur ai livrés. Quand j’y repense, ils ont dû me haïr. Mais personne n’est venu se plaindre à mes parents.
—   C’est cool.
Je pense qu’elle aurait préféré que l’on sente mon enthousiasme de vivre cette aventure avec elle. Ça se sent dans sa voix. Cependant, je ne peux pas lui dire que j’ai couru partout, que j’ai hurlé, que je me suis défoncée la voix sur sa chanson. Ce serait déplacé. Surtout que les autres filles sont restées sobres, enfin, façon de parler car selon elles, elles sont allées célébrer l’annonce en allant boire des coups. Peut-être que plus tard, je pourrais faire l’aveu que j’étais complètement folle à cette annonce. Peut-être…
"J'ai décidé d'être heureux parce que c'est bon pour la santé" (Voltaire)

 


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