Auteur Sujet: En quête d'un héritage de valeur de Sophie Herrault  (Lu 29523 fois)

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En quête d'un héritage de valeur de Sophie Herrault
« le: jeu. 18/04/2024 à 17:17 »
En quête d'un héritage de valeur : Et si les réponses étaient ailleurs... de Sophie Herrault




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***
La vie ne se trouve pas toujours là où on le croit.
***
 
Prologue
Le vieil homme contemplait son verre, perdu dans ses pensées. Il ne regrettait pas ses choix, bien au contraire. La vie lui avait offert tout ce qu’elle avait de plus précieux et de magnifique. Et même si les événements ne s’étaient pas toujours présentés de la façon dont il l’aurait voulu, il aurait aimé avoir, malgré tout, plus de temps pour en profiter. L’existence humaine est trop courte, se dit-il, mais c’est ce qui constitue à la fois son charme et son essence.
Quelques questions restées sans réponse le lancinaient encore. Peut-on respirer le parfum d’une rose sans se piquer les doigts ? La vie aurait-elle pu être autre, aurait-elle pu être d'autant plus merveilleuse avec des choix différents ? Ce dont il était certain, c’était qu’une lettre pouvait en changer l’issue. Le passé semblait si proche et si lointain à la fois…
 
Première partie
***
Tu iras là où ton cœur te porte…
***
 
Là où tout commence

« La vie nous laisse le choix d'en faire un accident ou une aventure. »
Anonyme

Je la regardai avec étonnement. Les phrases employées me semblaient incongrues compte tenu des circonstances. Dehors, le soleil s’affichait sur la ville, complètement indifférent à mon sort. Je cherchai à mettre un mot sur les émotions qui me submergeaient : de la tristesse, de la colère, un sentiment de trahison ? Tout cela était confus dans mon esprit. Mes yeux se posèrent de nouveau sur elle. Les questions tournaient en boucle dans ma tête. Pourquoi cela arrivait-il maintenant ? Pourquoi décider de m’apprendre la vérité aujourd’hui de cette façon ? Qu’allais-je choisir de faire ?
Dans le miroir, un homme brun d’une trentaine d’années me regardait, un pli amer au coin des lèvres. La nuit trop brève avait marqué les traits fatigués de son visage et son costume froissé.
J'abandonnai, sur la table, la lettre que je tenais dans mes mains. Les rayons du soleil s’accrochaient à la fenêtre. Chapeau et lunettes attendaient un simple geste de ma part pour sortir.
***
Comment m’étais-je retrouvé dans cette petite ville perdue au fond d’une vallée ? Je n’arrivais plus à me souvenir quand j’avais basculé et pris ma décision. Était-ce la curiosité, l’envie de comprendre ce qui s’était passé en me rendant sur les lieux, le besoin de justifier ma propre attitude ? À bien y réfléchir, cela n’avait plus d’importance maintenant que j’étais sur place.
Amazonia avait été découverte par un explorateur français en 1561. Cette terre bénéficiait d’un climat chaud et humide, propice au développement de sa forêt équatoriale. Comme de nombreux territoires disposant de ressources naturelles et minières, elle avait été colonisée grâce au massacre d'une partie de la population indigène… La convoitise des richesses d’autrui avait toujours primé sur la vie humaine. Il en était ainsi depuis la nuit des temps, et ce lieu n'avait pas fait exception.
Même si la modernité s'était fait une place au fil des ans, cette contrée avait su conserver sa culture et ses traditions. Les autochtones, de la tribu des Yalinem, occupaient en majorité la forêt et tentaient de rester fidèles à leur mode de vie, en dépit de l’occidentalisation croissante. C'était du moins ce qu'indiquait internet lorsque j’avais réalisé quelques recherches pour savoir où je mettais les pieds.
J’étais venu jusqu’ici sans trop savoir à quoi m’attendre, un peu par obligation. Je fus surpris par la douceur de l’air, le parfum et la couleur des fleurs. Était-ce un heureux présage ?
La plaque à côté de la porte indiquait que j’étais au bon endroit. Tant que je n’étais pas entré, je pouvais encore faire marche arrière et retrouver ma vie d’avant. Il y aurait bien sûr le vide laissé par le questionnement et l’incertitude. Étais-je capable d’en accepter le prix ? C’était un tournant dans mon existence. En avoir conscience apportait de la solennité à l’acte que j’étais sur le point de réaliser. Déterminé malgré tous mes doutes, sans savoir quelles seraient les conséquences de mon geste, je sonnai.
***
Tout alla très vite. Je fus de nouveau dehors avec encore plus d’interrogations qu’en arrivant. Des émotions contradictoires se disputaient la place. J’avais l’impression d’être l’objet d’un canular. Pourtant, tout était écrit noir sur blanc. J’avais même signé le document ! À ce moment-là, ma main avait semblé déconnectée de mon cerveau. C’est en voyant mon nom, en bas de la dernière page, que j’avais pris conscience de ce que cela impliquait concrètement. Dans quoi m’étais-je réellement engagé ?
 
La madone

« La foi : une croyance absurde dans l'éventualité de l'improbable. »
H. L. Mencken

Je survolai le document que le notaire m’avait remis un peu plus tôt dans l’après-midi. Ce dernier avait été très clair : si je voulais toucher l’héritage, je devais auparavant remplir toutes les conditions suspensives. Je n’étais pas sûr d’avoir bien compris ce qui m’était demandé et je voyais encore moins comment y parvenir. « Mila acceptera peut-être de vous aider », avait indiqué l’officier public, après avoir recueilli ma signature. Un peu désappointé et énervé, je n’avais pas réussi à obtenir plus de précisions de sa part.
L’après-midi touchait à sa fin et le soleil baissait sur l’horizon. La fatigue me fit bâiller. Encore bouleversé par l’enchaînement des événements qui m’avait précipité ici et les émotions qui continuaient à me peser, le courage me manquait pour me lancer à la recherche de « Mila ».
Le notaire m’avait recommandé un logement, que mon père louait lorsqu’il séjournait dans cette ville. Bien qu’extrêmement spartiate en comparaison de ma propre chambre, la pièce n’étant pourvue que d’un simple lit et d’une commode, elle était joliment décorée avec des tapis de couleur déposés sur le sol. Un tableau représentant une madone en prière était accroché au mur. Pour une raison inexpliquée, je m’y sentais bien, en paix après cette journée éprouvante. Je m’allongeai sur le matelas et fermai les yeux quelques instants.
***
Je me réveillai en entendant le chant d’un coq. Épuisé, je m’étais endormi sans manger et mon estomac se rappela à moi en gargouillant bruyamment. La lumière du soleil était encore tamisée, d’une magnifique couleur dorée. La journée s’annonçait belle. Cela me mit de bonne humeur. La maîtresse de maison m’avait préparé un succulent petit déjeuner et je me sentis ragaillardi. Bien qu’elle soit serviable, elle était peu bavarde. Ma tentative, pour en savoir plus sur Mila, fut rapidement stoppée par un haussement d’épaules signifiant son indifférence ou son désintérêt pour ce sujet. Resté seul, je regagnai ma chambre pour récupérer quelques affaires. Le visage de la vierge recueillie attira mon attention. Sans trop en connaître la raison, je lui adressai une supplique silencieuse pour que je puisse trouver Mila facilement. La sérénité que je percevais dans l’expression de son regard m’apaisa une nouvelle fois, comme si elle soutenait ma quête. Je quittai la pièce avec un regain d’énergie.
***
Dehors, la petite ville s’était animée. De chaque côté de la rue, des vendeurs proposaient des légumes et des fruits de saison, des volailles, des paniers… J'observai ces gens et leur pauvre tentative pour essayer de survivre au quotidien. Quelle vie misérable. J’étais bien heureux d’avoir échappé à cette existence…
Je les questionnai les uns après les autres au sujet de Mila. Ils me regardèrent tous comme si ma demande était extravagante ou que je les importunais. Je me faisais chasser d’un revers de la main comme une mouche indésirable et ils oubliaient tout aussitôt ma présence pour servir, en souriant, la personne suivante. Ma frustration et mon dépit grandissaient au fur et à mesure que je progressais au travers des étals. Ayant interrogé toutes les personnes présentes, fatigué par la chaleur à laquelle je n’étais pas encore habitué, je finis par m’asseoir sur un banc situé à l’ombre. J’étais exaspéré. Pourquoi personne ne me répondait ? Qu’est-ce qui n’allait pas chez eux ?
— En l’occurrence, vous ne vous posez pas la bonne question… insinua une voix féminine.
Je pris alors conscience que j’avais parlé à voix haute. Celle qui m’avait répondu portait une jupe colorée qui soulignait sa taille fine, et une blouse écrue à manches courtes laissant deviner une poitrine ferme et galbée. Brune de peau, ses longs cheveux noirs retenus par une tresse dans le dos, je découvris alors son visage et ses yeux vert d’eau, où je me perdis un instant. Bien qu’elle ne corresponde pas à mon type de femme, je lui trouvai un charme certain et la qualifiai de belle en mon for intérieur. Elle me rappelait vaguement quelqu’un, sans toutefois lui associer un souvenir en particulier.
Son regard intense semblait vouloir lire en moi et cela me mit mal à l’aise. Elle paraissait amusée par la situation, ce qui eut le don de m’énerver encore plus.
— Et selon vous, quelle est la question que j’aurai dû poser ? répliquai-je, crispé.
— Qu’est-ce qui ne va pas chez VOUS… me rétorqua-t-elle, doucement.
— Vous êtes là pour me faire la morale ? Qu’est-ce que vous voulez au juste ? dis-je, de plus en plus irrité par son attitude.
— Votre réaction est intéressante… murmura-t-elle, pensivement.
Elle se mit à rire, me tourna le dos et s’éloigna. J’étais en colère contre elle. Je n’appréciais pas vraiment l’idée que quelqu’un se moque ouvertement de moi de cette façon. Qu’est-ce qu’ils avaient tous ici à réagir comme ils le faisaient ? Qu’elle aille au diable…
La journée s’éternisa sans que j’obtienne plus d’informations. Je retournai voir la propriétaire de mon logement pour négocier une nuit supplémentaire. En pénétrant dans la chambre, le regard de la femme en prière se fit ironique. Qu’est-ce que tu croyais ? Qu’il suffisait de s’adresser à un tableau pour voir ses vœux exaucés ? Non, bien sûr que non ! Je n’étais tout de même pas aussi crédule.
Mon côté cartésien et pragmatique reprit le dessus. Je décidai de retourner voir le notaire le lendemain. Après tout, il semblait être le seul à connaître Mila. Quand nous nous étions vus la première fois, j’étais sur la réserve et un peu secoué émotionnellement. J’avais eu du mal à m’exprimer. Mais demain, me dis-je, je suis sûr que j’arriverai bien à le convaincre de me donner d’autres informations.
 
Mila

« Des inconnus ne sont jamais que des proches que l’on ne connaît pas encore. »
Mitch Albom

– Les cinq personnes que j’ai rencontrées là-haut
Durant mon sommeil, la jeune femme aux yeux verts de la veille était revenue me hanter, répétant inlassablement cette même question : « Qu'est-ce qui ne va pas chez vous ? » Elle repartait chaque fois en riant et, pour une raison que je ne m’expliquais pas, j’attendais impatiemment qu’elle réapparaisse. Le chant du coq suspendit mon rêve. Je me levai cependant, passablement excédé de n’avoir pas su remettre cette fille à sa place, ni dans la réalité ni dans mon rêve de la nuit.
Toujours aussi peu encline à discuter, la propriétaire m’avait juste déposé de quoi déjeuner sur la table et s’en était retournée à ses occupations. Cela m’arrangeait. Je préférais être seul plutôt que de devoir supporter de nouveau son attitude, somme toute méprisante, à mon égard. Vivement que toute cette histoire puisse être conclue rapidement…
Le notaire eut la gentillesse de bien vouloir m’accorder quelques minutes de son temps, très précieux selon ses termes. Dépité, je me retrouvai de nouveau dans la rue en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire. Je n’avais réussi à lui soutirer que ces frugales paroles déclarées sur un ton ironique :
— Je n’ai jamais dit que Mila vous aiderait, seulement qu’elle accepterait peut-être de le faire. D’après ce que je comprends, vous avez questionné tout le monde. Reste pour vous à espérer qu’elle se manifeste. Cependant, vous avez bien fait de repasser. J’ai oublié de vous donner ça hier, me dit-il en me tendant un appareil photo argentique et plusieurs pellicules inutilisées. Cela appartenait à votre père et bien qu’il ne le mentionne pas sur le testament, je sais qu’il aurait voulu que je vous les remette.
J’avais juste eu le temps de le passer autour de mon cou avant qu’il ne me mette dehors.
Le soleil annonçait déjà une journée étouffante. Un petit garçon s’amusait avec une pierre qu’il faisait rouler avec un bâton. Je m’approchai de lui, essayant d’être rassurant, pour éviter qu’il ne me file entre les pattes.
— Bonjour petit. Sais-tu où est Mila ? Est-ce que tu pourrais me montrer quelqu’un qui la connaît ? demandai-je, le plus doucement possible.
Mon cœur bondit dans ma poitrine lorsque je le vis tendre un doigt tremblant pour me montrer quelqu’un de dos, un peu plus loin dans la rue. Je m’élançai aussitôt vers la silhouette désignée, sans plus me préoccuper du gamin.
— Vous ! m’écriai-je en découvrant la jeune femme qui m’avait interpellé la veille.
— Vous ! fit-elle en écho d’un ton un peu hautain.
— Le petit garçon là-bas m’a laissé entendre que vous connaissiez Mila, dis-je sans tenir compte de sa réaction, prêt à tout pour obtenir l’information tant convoitée.
— C’est effectivement le cas.
— Je la cherche. J’ai besoin d’elle pour m’aider à trouver différentes choses.
Elle me regarda comme si elle attendait la suite. J’avais pourtant l’impression d’avoir été clair dans ma demande. Était-elle donc stupide à ce point ?
— J’ai besoin de son aide et a priori, elle seule pourrait le faire, insistai-je.
— Qu’est-ce qui vous fait croire ça ? interrogea-t-elle, curieuse.
— C’est Maître Esperanza lui-même qui m’en a fait part, rétorquai-je un peu méprisant, pensant que ce n’étaient pas ses affaires.
— Charlie ?! répliqua-t-elle, surprise.
— Si Charlie est Maître Esperanza, alors oui, c’est bien lui, dis-je, de plus en plus énervé par ses questions. Vous pouvez m’aider, oui ou non ?
— Changez d’attitude et j’y réfléchirai… déclara-t-elle fermement, comme si j’étais en cause.
— Que je change d’attitude avec vous ?!! Je ne comprends pas, m’écriai-je en serrant les poings. C’est vous qui…
Je ne terminai pas ma phrase. Elle venait de fermer les yeux et expirait lentement l’air de ses poumons, comme si elle cherchait à se calmer. Les traits de son visage s’adoucirent. Mais malgré les apparences, j’eus l’intuition que j’avais provoqué en elle une forme de lassitude. Sa réaction me laissa perplexe. J’avais l’impression d’être redevenu un enfant qui ne réalise pas la faute qu’il a commise et se sent démuni. Elle ouvrit les yeux, sonda le fond de mon âme, à mon grand désarroi, et prit une grande inspiration :
— C’est d’accord, je vais vous aider, dit-elle d’une voix résignée.
— Vous savez où je peux la rencontrer, dis-je en retrouvant le sourire.
— Bien sûr ! Vous suivez ce mur, droite, droite, droite, gauche, gauche et une fois passée la porte bleue, droite, droite. Je suis sûre que vous la reconnaîtrez aisément.
— Merci, du fond du cœur, répliquai-je soulagé, en répétant les consignes données, à voix haute pour mieux les mémoriser.
— C’est bien ça, me confirma-t-elle. Passez-lui le bonjour de ma part.
Elle eut à peine le temps de terminer sa phrase que je m’élançai dans la direction indiquée.
"J'ai décidé d'être heureux parce que c'est bon pour la santé" (Voltaire)

 


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