Auteur Sujet: Les enquêtes de Marie Rose Bailly - Le souffle du diable de Julie JKR  (Lu 5596 fois)

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Les enquêtes de Marie Rose Bailly - Le souffle du diable de Julie JKR




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1

« Je sais que je suis mort, mais deux questions ne cessent de me tourmenter. La première, de quelle manière ai-je été tué ? Car il ne fait aucun doute dans mon esprit que mon décès résulte d’un meurtre. Quant à la seconde, j’aimerais découvrir qui en est à l’origine. Qui est celui ou celle qui s’est permis de m’ôter la vie ?
Je suis dans un entre-deux entouré par d’autres âmes égarées. Elles me terrifient, et je n’ai aucune idée de comment en sortir. »

Une semaine après notre retour à Londres, la voix d’un jeune homme s’est présentée à travers ma perception. Il semblait désorienté, ce que je pouvais tout à fait comprendre, mais il y avait autre chose, comme une sorte d’inquiétude grandissante. Je l’ai laissé parler, il avait l’air d’en avoir besoin, car contrairement à Lizzie Williams, lui était au fait de sa condition. Ce n’était pas toujours vrai d’après ma grand-mère, mais parfois les morts savent qu’ils le sont, et c’était le cas avec lui. En ce qui concernait les raisons de son passage de l’autre côté, il n’en avait aucun souvenir. Il était capable de me dire qui il était, ce qu’il faisait dans la vie, mais la cause de son décès restait un mystère que j’allais devoir résoudre.
Dorian a mis ses talents de recherches au service de mon nouvel hôte, et ensemble, nous nous sommes lancés dans cette deuxième enquête qui promettait d’être terrifiante à souhait.

David Guillot, vingt-trois ans, résidait à Argenteuil et étudiait l’histoire à la Sorbonne, université parisienne. Ce sont les informations que Dorian a pu confirmer en effectuant ce qu’il faisait de mieux, enquêter, chose que j’apprenais encore à faire. Pour le reste, David a été ma source. Il avait perdu ses parents à l’âge de neuf ans, sa tante s’était alors chargée de l’élever. Il n’avait pas d’autre famille, du moins c’est ce qu’il m’a dit. Il ne s’est pas étendu sur le sujet, et je n’ai pas cherché à le faire non plus.
Il venait d’entamer sa deuxième année de master, et depuis quelque temps, il avait envie d’étoffer ses connaissances sur une matière qu’il affectionnait tout particulièrement, les croyances et sciences occultes des civilisations anciennes. J’avoue que ça avait l’air passionnant comme intitulé, mais en même temps l’information provenait d’un mort qui ignorait comment il en était arrivé là. 
Est-ce que son décès résultait directement de son envie d’apprendre de nouvelles choses ? Où est-ce qu’il s’était simplement retrouvé au mauvais endroit, au mauvais moment ? Pour pouvoir répondre à mes nombreuses interrogations, j’allais devoir obtenir plus de détails, mais avant tout, je devais entrer en contact avec la tante de David pour essayer de glaner quelques indices supplémentaires.
J’aurais voulu lui annoncer la terrible nouvelle, mais le corps de David n’avait pas été localisé, et nous ne savions pas où il se trouvait. Et puis à part Dorian, personne ne connaissait mes capacités, alors comment leur expliquer que David était mort ?
En revanche, elle pourrait m’en apprendre plus sur son neveu. Aucun signalement de disparition n’avait été émis, soit sa tante ignorait tout, soit elle n’avait tout bonnement pas prévenu les autorités. Il fallait éclaircir ces deux cas de figure si je comptais avancer dans notre enquête. Nous n’aurions aucun mal à la rencontrer, nous étions dans la tranche d’âge de David, nous nous ferions passer pour des amis à lui.     
Deux jours plus tard, le vingt-huit janvier deux mille dix-huit, je recevais l’appel d’une mère inquiète, qui souhaitait nous engager pour retrouver son fils, dont elle n’avait aucun signe depuis une semaine. Notre notoriété s’était étendue à l’internationale, l’affaire des petites filles de Londres n’était pas restée dans l’enceinte du pays.
 À présent, Noah Janssens faisait également partie de la liste où le nom de David Guillot se trouvait. Deux disparitions, et deux histoires similaires. Aucune chance que ce soit une coïncidence.

2

– Marie Rose ?
David m’a réveillée sur les coups de sept heures du matin, sa voix grésillait dans ma tête.
– Je suis là David.
– Tu te souviens l’autre jour quand je t’ai dit que je ne me rappelais rien, et bien ce n’est pas tout à fait vrai. Seulement, voilà, je ne sais pas si c’est réellement arrivé.
Je comprenais très bien de quoi il parlait, ma première enquête avait été assez bizarre sur le sujet, pour que les paroles de David me troublent.
– Qu’est-ce que c’est ?
– Je suis drapé dans un tissu blanc et allongé sur quelque chose de dur, comme de la pierre. Je suis transi de froid et j’ai l’impression que je baigne dans un liquide gelé.
– Est-ce que c’est toujours le cas ?
– Non, là j’ai la sensation d’errer dans un brouillard permanent. Je suis immobile, et la seule chose que je peux faire, c’est communiquer avec toi.
La mort, quel étrange phénomène. Il semble différent d’un individu à l’autre ! Vous pouvez être mort et pourtant continuer à évoluer parmi nous, ou alors être coincé à l’endroit exact où vous avez poussé votre dernier soupir. David, lui, était figé dans une sorte de néant sans fin.
– Je suis parfaitement conscient que ça ne va pas vous aider à comprendre ce qu’il m’est arrivé, mais ça défile devant mes yeux, sans que je puisse l’arrêter.
– Tu veux dire que les images passent en boucle ?
– Oui, comme si mon cerveau essayait de me montrer quelque chose, mais je ne parviens pas à mettre le doigt dessus.
Est-ce qu’il le pouvait seulement ? Pouvoir se remémorer des choses faisait partie du monde des vivants, les morts étaient-ils capables d’en faire autant ? Je n’en avais aucune idée, mais si l’enquête sur la petite Lizzie m’avait appris une chose, c’était bien que les voix pouvaient nous surprendre bien plus qu’on ne le soupçonnait.
– David est-ce que tu vois autre chose sur ces images ?
– Non, mais j’entends des sons, comme des voix que je ne connais pas, et qui parlent une langue dont je ne comprends pas le sens.
– Pourrais-tu me répéter un mot ou deux ?
– C’est un bruit de fond, trop lointain pour qu’il soit clair.
– Ça ressemble plus à une conversation, ou à un chant ?
– Aucun des deux, on dirait que les voix récitent quelque chose. De plus en plus vite, mais de plus en plus bas aussi.
Soudain, une vibration grave et lancinante a envahi ma tête, elle a même fait siffler mes appareils. Elle ne provenait pas de mon environnement immédiat, mais bien de ma perception. Voilà que ça recommençait, mais bien plus fort, et cette fois, je me suis senti mal à l’aise, puis mal tout court. Dorian est apparu la seconde d’après, l’air inquiet, une serviette humide à la main.
– Marie Rose ça va ? Que s’est-il passé ?
– Comment ça ?
– Je t’ai trouvé inconsciente sur le sol du salon.
Mais de quoi parlait-il ?
– J’ai entendu un bruit sourd, et quand je suis arrivé, tu étais allongée par terre, les yeux révulsés.
C’était quoi encore cette histoire ? Je n’avais aucun souvenir d’avoir perdu connaissance. Je parlais avec David, puis j’ai entendu ce bruit et ensuite Dorian était là, à mes côtés. Je n’avais pas eu de trou noir, je me rappelais de tout.
– Je ne comprends rien, je suis pourtant certaine que tout va bien. Il est vrai que je me suis sentie un peu mal après mon échange avec David, mais sinon rien d’autre.
– Marie Rose, tu n’as plus adressé la parole à David depuis au moins une heure.
Qu’est-ce qu’il racontait ? Je venais de discuter d’informations avec lui, il n’y avait pas deux minutes.
– Tu plaisantes ? C’est ça ?
– Tu es entrée dans le bureau et tu m’as fait part des dernières nouvelles concernant David et de ses dernières paroles. Ensuite, tu m’as dit que tu devais appeler ta mère, et il y a cinq minutes, je t’ai trouvé inanimée. Notre conversation remonte à presque une heure Marie Rose.
Une heure. Soixante minutes manquantes. Un laps de temps pendant lequel je n’avais aucune idée de ce que j’avais fait, ni même de ce qu’il s’était passé. J’ai jeté un œil sur ma montre, non pas par manque de confiance en Dorian, mais j’avais besoin de me rassurer. Lorsque j’ai vu qu’elle affichait huit heures dix, mes yeux se sont ouverts en grand, et il a compris immédiatement que je ne me souvenais de rien, et qu’il venait par la même occasion de me faire peur.
– Je ne voulais pas t’effrayer, je suis désolé Marie Rose.
Dorian n’y était pour rien, ce n’était pas sa faute si mon cerveau avait effacé un bout de ma mémoire.
 
3

L’épisode de ce matin restait toujours un mystère pour moi. Il occupait toutes mes pensées, même si je m’efforçais de l’occulter. Avec Dorian, nous avions une enquête à mener, et ce genre de contretemps ne devait pas prendre le pas sur nos recherches. Étant donné que nous avions une affaire similaire à celle de David, le temps était quelque chose de précieux, et il était hors de question de le gâcher en problème personnel. Problème dont je n’avais de toute évidence pas la solution pour le moment. 
La tante de David avait accepté de nous recevoir en fin d’après-midi, elle n’avait pas eu l’air triste ou soupçonneuse, ce qui m’a conforté dans mon idée qu’elle n’était pas au courant que son neveu manquait à l’appel. Je n’ai rien dit au téléphone qui puisse lui suggérer une quelconque information contraire, je préférais être face à elle pour lui apprendre la nouvelle.

Installé dans l’avion, Dorian n’arrêtait pas de me jeter des regards inquiets.
– Tu as envie de me dire un truc peut-être ?
– Non pas vraiment, enfin si, mais je ne sais pas…
Voilà qu’il se mettait à bégayer, ça devait être quelque chose de perturbant. Je ne l’avais jamais vu comme ça, pas même lorsque nous avions découvert les cadavres des petites filles dans le musée de l’Horreur.
– Dis-moi, tu commences à m’inquiéter.
Je l’ai vu hésiter, puis après deux grandes inspirations, il s’est lancé.
  – Je ne crois pas que ce soit une bonne idée que tu continues d’écouter David.
– Ah bon ? Et pourquoi ça ?
– Eh bien, parlons de l’épisode de ce matin. Je t’ai déjà vu perdre connaissance, mais cette fois c’était différent.
– Comment ça ?
– J’ai mis au moins dix minutes à te réveiller, et quand tu as enfin ouvert les yeux, on aurait dit que tu n’étais pas vraiment là. J’ai eu la peur de ma vie.
Il était soucieux et attentionné, mais la lueur dans son regard m’indiquait autre chose que je n’arrivais pas à identifier.
– Marie Rose, l’enquête débute à peine, qui nous dit que ce genre de crise, je ne sais même pas comment appeler ça…
– Moi non plus…
– Si ça se reproduit qui nous dit que ce ne sera pas plus grave ? Tu ne te souviens de rien, alors ne me dis pas que j’ai tort de réagir ainsi.
Je le comprenais plus qu’il ne l’imaginait, mais je n’allais pas renoncer à aider David et Noah simplement à cause d’une amnésie temporaire.
– Ça va me revenir ne t’en fais pas. Tu es bien placé pour savoir que le cerveau est capricieux par moment.
– Si tu veux parler de ce qu’il m’est arrivé, je souffrais d’une commotion cérébrale, ce qui n’est pas ton cas.
Touchée.
– Oui enfin tu m’as comprise.
– Oui, mais on dirait qu’à l’inverse, toi, tu ne saisis pas ce que j’essaye de te faire comprendre.
– Écoutes Dorian, on va faire un marché, si je dois à nouveau me trouver dans la même situation que ce matin, je te promets de réfléchir à lever le pied.
J’espérais sincèrement que ça lui suffirait.
– Réfléchir à lever le pied ? Ce qui signifie dans ton langage, je continuerai jusqu’à découvrir le fin mot de l’histoire.
Il me connaissait un peu trop bien. Je lui ai pris la main et j’ai déposé ma tête sur son épaule. Il s’est légèrement détendu, et nous n’avons plus évoqué le sujet.

Sylvie Hubert vivait dans un petit appartement au dixième étage d’une tour qui en comptait quinze. Les portes de l’ascenseur étaient barrées par une chaîne où pendait une pancarte « En panne » et juste en dessous quelqu’un avait ajouté la mention « comme toujours ». La perspective de devoir gravir des dizaines de marches ne m’enchantait pas plus que Dorian, mais nous n’avions pas le choix.
La cage d’escalier en colimaçon donnait l’impression de tourner autour d’un serpent de béton. Très vite, j’en ai eu le tournis, et il nous restait encore six étages à monter. Dorian était passé le premier, et je sentais que pour lui aussi, ça commençait à faire beaucoup. Nous étions certes jeunes et en bonne santé, cela ne nous empêchait pas d’être à bout de souffle.
Arrivés sur le palier, la porte de l’appartement de madame Hubert se trouvait face à nous. Nous avons d’abord repris notre respiration, je me suis essuyée le front, et ensemble nous avons frappé.
Une femme d’une cinquantaine d’années nous a ouvert. Souriante et accueillante, ce qui a immédiatement confirmé ce que je pensais, elle n’était au courant de rien.
– Bonjour, madame Hubert, je suis Marie Rose Bailly et voici Dorian Anderson.
Ça semblait si formel, et en même temps c’était le cas, mais elle l’ignorait encore.
Elle nous a invités à entrer, nous a escortés jusqu’au petit salon sur la droite, et nous nous sommes installés pendant qu’elle nous servait un verre d’eau bien mérité.
– Vous êtes des amis de David ? Il n’est pas très bavard comme garçon.
– Oui, c’est exact.
Toutes les conversations que j’échangeais avec un membre de la famille des voix que j’entendais commençaient toutes par un mensonge. Petit, mais mensonge tout de même.
 – Je suis contente qu’il ait des amis, j’étais persuadée que c’était un solitaire.
Elle a continué à nous expliquer comment David paraissait secret, et à quel point il était renfermé sur lui-même.
 – Madame Hubert, est-ce que vous savez où est David actuellement ?
Elle a eu l’air surprise par ma question.
– Vous êtes ses amis n’est-ce pas ?
– Oui.
– Mais vous ignorez où il se trouve ?
Maintenant, elle semblait carrément méfiante.
 – Écoutez madame Hubert, on s’inquiète parce que cela fait un moment que nous n’avons pas eu de ses nouvelles, et nous nous disions que vous seriez sans doute en mesure de nous aider.
Mon plan de départ avait changé, je n’allais pas lui faire part de sa disparition de but en blanc. Sa méfiance à notre égard venait de choisir à ma place.
– Il est parti étudier à l’étranger, un échange, ou quelque chose comme ça, c’est bizarre qu’il ne vous ait rien dit.
– On a été pas mal pris avec les cours ces derniers temps.
Le deuxième mensonge. La liste allait s’étoffer, c’était une certitude.
– Votre ami ne parle pas beaucoup.
Elle lança un regard suspect à Dorian.
– Il fait également partie d’un échange entre universités, il vient d’Angleterre et son français laisse quelque peu à désirer. En revanche, il comprend très bien ce que nous disons.
Ma petite remarque sur son français médiocre a fait sourire Dorian, et la tante de David s’est légèrement détendue.
– Vous disiez qu’il est à l’étranger. Est-ce que vous savez où exactement ?
– Pas vraiment, nous n’avons pas ce genre de relation. Nous ne discutons pas beaucoup, vous savez. Il est là plus par obligation, que par plaisir.
Elle a détourné les yeux, puis elle a continué.
– David a perdu ses parents très jeunes, et je suis la seule qui s’est proposée pour l’accueillir. Sa mère était ma sœur après tout, je n’allais pas laisser ce petit garçon livré à lui-même. Il n’a jamais fait le deuil si vous voulez mon avis, et je ne l’en blâme pas, mais il n’a pas non plus réussi à développer de l’attachement pour moi.
Debout devant la fenêtre, nous l’avons vu s’essuyer le visage avec la manche de son gilet. J’ai eu de la peine.
– Alors, pour tout vous dire, nous sommes plus comme des colocataires, que comme une famille. J’ai appris à vivre avec.
Je l’ai laissé reprendre ses esprits.
– Je suis désolée si nous avons fait émerger des souvenirs douloureux, il ne nous a jamais dit tout ça.
– Ça ne m’étonne pas.
J’accumulais les mensonges, mais ils commençaient à faire leur preuve, madame Hubert semblait encline à me croire.
– Depuis combien de temps est-il parti ?
– Attendez voir que je réfléchisse… je pense que je l’ai noté sur le calendrier.
Elle s’est absentée un instant, Dorian a chuchoté.
– Tu vas devoir faire diversion.
– Pourquoi ?
– Elle ne sait rien, nous allons devoir trouver des indices tout seul.
– Oui, et qu’est-ce que tu comptes faire ?
– Tu vas lui parler, pendant que j’irai fouiller dans sa chambre.
Madame Hubert est revenue au moment où Dorian se levait, lui demandant avec son charmant accent, s’il pouvait utiliser ses toilettes.
– Il ne se débrouille pas si mal.
Quand il voulait quelque chose, il arrivait toujours à se faire comprendre.
J’ai suivi les consignes de Dorian, j’ai tenu la conversation jusqu’à ce qu’il réapparaisse, puis nous avons quitté l’appartement sans nous retourner.

 4

– Marie Rose, tu m’entends ? Mon corps flotte.
–…
– C’est glacial, mais c’est visqueux aussi.
–…
– Marie Rose ? Je ne suis pas sûr, mais je crois que le liquide… c’est du sang.
"J'ai décidé d'être heureux parce que c'est bon pour la santé" (Voltaire)

 


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