Auteur Sujet: Nouvelle N°14 : Elle a peur, peut-être  (Lu 10738 fois)

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Hors ligne La Plume Masquée

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Nouvelle N°14 : Elle a peur, peut-être
« le: dim. 13/01/2019 à 15:49 »
Bonjour à tous ????
14e nouvelle du trophée Anonym’us «Les mots sans les noms» ????
Un retour de plage très particulier... ????
N’hésitez pas à nous dire ce que vous en pensez en commentaires :pouceenhaut:
Bonne lecture :clindoeil:

Elle a peur, peut-être

Sur la plage, je ne l’ai pas vue. Mais dans les bois, si, je la vois. Je la regarde partir vers le parking. Le soleil incendie des lignes rouges et jaunes à travers les pins. Par endroit, l’air semble cramer. L’ombre des troncs s’allonge jusqu’à enfermer ceux qui marchent sur les sentiers de sable.
Je suis en sueur à l’ombre de la forêt.
Pourquoi n’a-t-elle pas attendu le coucher du soleil pour partir ? C’est pourtant super beau le soleil qui tombe dans l’Atlantique. D’habitude, les filles adorent ça, les couleurs chaudes, l’ambiance romantique, la lumière éblouissante, tout ce cinémascope hollywoodien qui se déploie gratuitement dans le ciel tous les soirs avant de se faire foutre dehors par la nuit. Tu t’assois sur le sable et tu mates le truc sans réfléchir. Tu laisses ta tête partir où elle veut. Tu plonges avec le soleil en te demandant si tout ça est bien réel.
Elle s’est rhabillée, elle a replié et rangé sa serviette dans son sac et elle a dû partir sans même se retourner vers la mer laquée d’ambre et de solitude. Elle est brune. Elle porte une robe qui s’enfile d’un coup. Légère la robe. Et un chapeau aussi, avec un rebord si large qu’il cache parfois son visage. Elle a grimpé la dune et s’est enfoncée parmi les pins. Elle préfère rentrer avant la nuit peut-être.
Elle a peur peut-être.
Elle n’a pas vu l’homme derrière elle. Il a gardé ses lunettes de soleil. Il n’est habillé que d’un bermuda bleu. Ses cheveux blonds sont coiffés en arrière. Ils sont mouillés par l’océan et la transpiration.
Il la suit.
Il est encore loin d’elle.
Elle marche en regardant le sol. Sûrement parce qu’elle n’a pas de chaussures et qu’elle ne veut pas se faire mal aux pieds.
Je la vois à travers les pins rougis par le soleil. Des fois, ce n’est plus qu’une silhouette noire et blanche entre les arbres. Comme si elle se dissipait de temps en temps. Dans le bois, la pénombre ruisselle lentement, mais de plus en plus, entre les branches, par nappes de plus en plus sombres et de moins en moins aériennes.
Lui est plus près. Beaucoup plus près. De plus en plus près. Sur le même chemin qu’elle. Il avance plus vite qu’elle. Il va forcément la rattraper, la dépasser.
Elle marche et elle ne l’a pas remarqué. Elle marche et il se rapproche. Elle marche et je la regarde.
Plus personne ne rentre vers le parking. Il est tard, déjà tard et les gens sont depuis longtemps retourné vers leur location, leur tente ou leur maison secondaire. Les gens n’aiment pas quand la nuit se penche sur la forêt. Les gens ont peur du noir.
Il n’y a que nous entre les pins.
L’homme arrive à la hauteur de la femme seule. Je vois tout. Juste avant de la dépasser, il tend sa main et lui prend le bras. Elle se retourne comme on tressaille. Elle se retourne comme on tombe d’une chaise. Le geste n’est pas violent. Il est presque doux. Elle est surprise.
Elle a peur, peut-être.
L’homme lui dit un truc. Il tient toujours son bras. Il ne le lâche pas. Elle ne bouge plus mais il la retient quand même. Son chapeau, blanc et grand le chapeau, est tombé par terre au moment où elle s’est retournée. Des cheveux bruns encore humides de la plage font des lignes noires et fines sur sa joue. La sueur colle sa robe légère à son dos. Je vois tout : ses yeux sont comme des gouffres noirs.
L’homme parle encore. Elle ne répond rien.
La forêt arrête de respirer. L’air brûlé s’écrase contre les troncs longs et durs comme des pylônes de mirador. La lumière rouge du soleil s’aplatit, exténuée et vaincue sous le noir du ciel.
L’homme tend son autre main et attrape l’autre bras de la femme seule. Il la tient des deux côtés et il lui parle toujours. Et elle, comme asphyxiée, reste muette et immobile.
J’entends tout.
— Tu me matais sur la plage tout à l’heure hein ?
—…
— Pourquoi tu pars dans les bois comme ça ? Tu me cherches ?
— …
— C’était pour que je vienne ? Pour que je te rattrape ? Pour qu’on soit plus tranquille ?
—...
— T’as peur ?
—…
Elle est effrayée.
Elle pue la frousse.
Elle sent bon.
L’homme relâche sa main droite et la fait glisser lentement sur le tissu léger. Vers le haut. Sur l’épaule de la femme seule. Puis, plus bas, vers le sein sous la robe. La main dessus, qui reste et qui caresse. La robe si légère qu’il sent le téton qui pointe. Il le prend entre ses deux doigts. Il serre un peu. Et puis beaucoup. Il aime ça. Sa bite commence à durcir. Il n’a pas de slip. Son début d’érection se voit à travers le bermuda. 
— T’aimes hein ? T’aimes ma main sur toi, je le sais.
—…
La main de l’homme sur le sein gauche. Puis sur le sein droit. Le sourire sur les lèvres desséchées de l’homme. L’autre bras qui ne lâche pas la femme seule. Et la sueur sur son front. Comme sur son front à elle. La sueur sur mon front aussi, la sueur dans mon dos, la sueur qui mouille mon tee-shirt, la sueur partout.
L’homme ne dit plus rien. Il regarde sa main toucher le corps de la femme seule. Il se penche vers la gorge. Il pose ses lèvres sur la peau bronzée. Sa langue touche l’épiderme chaud et salé.
Il croit entendre un soupir.
Maintenant il bande. Il bande vraiment.
La main de l’homme lâche le sein droit pour descendre doucement sur le ventre de la femme seule. À plat sa main sur le tissu, comme des ondes sous sa paume, les battements de sa peur à elle sous ses doigts, le pouls de tout ce qui se passe à l’intérieur.
La femme seule comme gelée dehors et bouillante dedans. Tenue par le bras qui étrangle son biceps. Le sang qui n’ose plus circuler. Seule la peur va et vient dans ses veines. Son souffle bute sur la panique.
Il n’y a que nous dans cette forêt capturée par le soir.
La main de l’homme, tremblante la main, douce la main, implacable la main, jusqu’à l’aine et puis entre les cuisses de la femme seule. La main de l’homme, puissante pour écarter les jambes de la femme seule au-dessus des aiguilles de pin jonchant le sentier de sable.
— T’es une belle salope toi… T’es une putain de belle salope…
—…
Sa bite si dure qui frotte contre le bermuda. Sa bite en pleine combustion si près de la chatte de la femme seule. Il la touche avec sa main. Sans même penser à relever la robe. Sans même sentir le nylon du maillot. La toucher comme ça lui suffit. Écouter les vibrations de son haleine lui suffit. La tenir, même, lui suffit.
Et quand je jouis, je ferme les yeux.
Et quand je jouis, mes couilles éclatent de douleur.
« Putain de taré ! »
Son genou si violemment contre ma queue.
« Putain de malade ! »
Plié en deux, à tomber sur le sable chaud.
Plié en deux, à avoir mal, putain, si mal.
Mes yeux ouverts.
Son pied.
« Putain de pervers, tiens connard ! »
Mon crâne comme une vitre qui se brise.
Un parpaing lancé du sixième étage sur ma tempe.
La salope.
Mes yeux ouverts sur la femme seule qui me crache dessus.
« Va te faire couper la bite, espèce de maniaque ! »
Des élancements brûlants dans mon ventre.
Mon cerveau descellé du reste.
Mes yeux ouverts sur la femme seule qui court, loin.
Son chapeau est resté là.
Il fait nuit dans la forêt.
Dans ma tête aussi.
Je vais la rattraper cette pute.



 


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