Résumé : Le miracle écologique a eu lieu. Partout sur la planète, des recycleurs démontent l'ancien monde et la nature reprend ses droits. Seuls subsistent les hypercentres où chaque acte de la vie est piloté par huit plateformes numériques.
Mais que se passe-t-il lorsqu'il ne reste plus rien à démonter et que les dirigeants de ces plateformes fomentent des projets génocidaires ?
Quel destin attend John, le recycleur désabusé, Futhi, la jeune aveugle presciente, Olsen, le policier subversif, Ousmane, l'homme qui en sait trop, et Rosa, la ravisseuse du petit Willy ?
Tous seront entraînés dans le tourbillon d'un monde s'écroulant dans un grand fracas d'octets.
Mon avis : Tout d’abord, je tiens à remercier Joël des éditions Taurnada pour sa confiance et pour m’avoir fait découvrir en avant-première ce nouveau roman à la quatrième fort inquiétante.
Ayant déjà lu et apprécié certains des précédents romans
"La peine du bourreau",
"Les eaux noires",
"Digital way of life",
"Il était une fois la guerre",
"Le dernier festin des vaincus", avec leurs ambiances uniques et si particulières, j’étais curieuse et impatiente de voir ce que l’auteur allait nous réserver pour son dernier opus ^^
Et une fois n’est pas coutume, l’auteure a décidé de laisser le thriller de côté, et de se lancer sur un format long dans un genre complètement différent. Ayant été initié par ses nouvelles gratuites d’anticipation publiées sur le site de Taurnada, séduite par les sujets choisis, la crédibilité des intrigues, je savais à peu près à quoi m’attendre et je doit dire que je n’ai pas été déçue du voyage par ce nouvel exercice d’écriture.
Dans le futur, au prix d’un sacrifice sans nom, le miracle écologique a enfin eu lieu. Sur toute la planète, des équipes de recycleurs démontent une par une la totalité des villes afin de permettre à la nature de reprendre ses droits.
Désormais, seuls ne subsistent que les hypercentres (très grandes villes actuelles en déliquescence, ou vestiges fantomatiques d'un ancien monde révolu).
Pour prétendument rendre la vie plus facile et plus écologique, ces derniers sont ultra-connectés, chaque aspect de la vie y est orchestré à l’aide de huit plateformes numériques dématérialisées : éducation, médecine, nourriture, loisirs, culture…. Les livres papier n'existent plus, il n'y a plus de jouets, tout s’exécute par écrans interposés ou au moyen de robots. Bref, l’homme ne décide, n’exécute plus rien par sa propre initiative.
Au sein de ces cités, après une purge drastique, sont regroupés les être humains restants. Les plus fortunés ou ceux ayant eu les meilleurs résultats au « scoring », (sorte de test d'intelligence), ont la chance de mener une vie confortable. Les autres sont condamnés à végéter, et accomplissent de fait les tâches les plus ingrates, ou pire, sont carrément exclus. Une puce, implantée dans le bras de chaque personne, permet ainsi de tracer tous leurs faits et gestes. Elle leur donne accès à tout un tas de choses, et n'est désactivée qu'au moment de leur décès. Si jamais l’envie leur prend de l'extraire, ils se condamnent eux-mêmes à une vie de clandestinité.
Un jour, à l’aide d’une radio pirate, un homme prévient la population qu'un drame va survenir, on ne sait pas quand vu que le roman est assez vague sur ce point, mais apparemment dans une échéance plus ou moins rapprochée. Il informe ses auditeurs comment l'humanité en est arrivée au stade où elle en est, parle des GAFA, de l'intelligence artificielle etc. Il éveille également les consciences sur l’absence et le manque de réaction des états… et explique que l’engrenage est tellement bien huilé, que face à la main mise de ces plateformes, ils ne peuvent plus reprendre la moindre parcelle de pouvoir.
Info, intox ? Qui dit vrai ? Où se situe la vérité ?
Que faire ? Agir ou se résigner ? Se battre ou détourner les yeux ?
Et puis un jour, il ne reste plus grand chose à démonter. En effet, le nombre de villes à recycler s’est réduit comme peau de chagrin. C'est alors que les dirigeants des 8 plateformes numériques fomentent de nouveaux projets à but génocidaires…
Je n’en dirai pas davantage afin de ne pas spoiler l’histoire, juste que le récit va prendre une tournure des plus inquiétantes.
Au travers du parcours de personnages passionnants, en récits alternés, nous allons être happés, enferrés, engloutis au cœur de ce monde apocalyptique, fou et destructeur. Les pages se tournent à toute allure ; nous voulons savoir, connaître la conclusion que nous a concoctée l’écrivain. Il nous faudra cependant rester bien attentif afin de ne pas perdre le fil devant la complexité et la densité des informations distillées. Les chapitres courts et rythmés renforcent grandement le suspense, donnant une sensation d’immersion totale.
Alors, comment John un ancien militaire devenu recycleur, Rosa une domestique qui refuse d'abandonner Willy un enfant dont elle s'occupe et va jusqu’à le kidnapper, Futhi une jeune aveugle au scoring exceptionnel pris en charge par Ousmane qui pressant le danger à venir et enfin Olsen un policier qui va tenter du mieux qu'il peut, de maintenir l'ordre dans sa ville vont-ils affronter leur destin ?
Ce roman est-il une dystopie possible ou une fiction exagérée ?
C’est ce que l’auteure, grâce à une écriture tantôt fluide et percutante, tantôt acérée et entraînante, souhaite aborder, avec ce sujet des plus sensibles. Cette dystopie dure, très noire, et ultra violente, traite sans concession aucune, des thèmes forts et d'actualité : l'écologie - ici poussée à son extrême -, le tout numérique, la surpopulation, la déshumanisation de notre monde, l'argent, le pouvoir, le laisser-aller égoïste qui mène à la dictature…
Alors, même si l’on se dit que ce roman n’est qu’une fiction sur la distorsion de notre usage numérique, il a le mérite de questionner, de tirer la sonnette d'alarme sur des abus en tout genre, repoussant une réalité qui pourrait survenir à tout moment si nous n’y prenons pas garde.
Ici, les sentiments, les contacts humains, la vie privée et même la mort sont piétinés, étouffés, déchiquetés.
Ici, ce monde est vide de chaleur humaine et d'empathie envers autrui.
Ici, l’affectif semble être mis au placard…
Seule la connectique règne en seigneur implacable, dictant ses règles, planifiant votre journée, muselant votre individualité. Des futurs possibles qui n'ont rien de réjouissant pour notre humanité, bien au contraire.
D’ailleurs, qu’arriverait il à l’humanité si une menace plus destructrice survenait par la simple envie ou volonté de quelques hommes bien-pensant?
Quel serait notre avenir si jamais ces dirigeants décidaient soudain de se prendre pour Dieu ?
Jusqu'où serions-nous capables d'aller pour soit disant sauver notre planète ?
Vouloir tout lisser, tout uniformiser, tout régenter, tout réguler, est-ce ce que nous voulons pour nos enfants, nos petits-enfants ?
Une telle domination est-elle bénéfique pour l’avenir de l’Homme ?
Au final, après cette lecture qui secoue, qui aide à prendre conscience d’un possible trou noir absorbant ce qui fait de nous des humains, n’êtes vous pas nostalgiques de la vie d'avant sans les portables, la téléréalité et l'époque où les gens se parlaient en face-à-face et non cachés derrière des écrans ?
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