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Mise en avant des Auto-édités / Tiarz de Frédéric Faurite
« Dernier message par Apogon le jeu. 13/06/2024 à 17:46 »
Tiarz de Frédéric Faurite



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Résumé :
Adolescent ordinaire profitant de ses vacances d’été, Baptiste va se trouver confronté pour la première fois à l’injustice lorsque ses parents le punissent pour une bêtise qu’il n’a pas commise. À la suite d’une violente dispute, le garçon s’enfuit et, par défi, s’aventure en mer à la nage jusqu’à une île proche.
Malheureusement, tout ne se passe pas comme prévu : Baptiste est aspiré dans un mystérieux sanctuaire sous-marin gardé par une prêtresse depuis des temps immémoriaux. Cette entité, nommée Enthea, attend qu’un Élu prenne possession de la relique sacrée scellée dans ce temple.
Qu’importe si Baptiste n’a pas le profil de l’Élu ! Lassée par son enfermement, la gardienne tient absolument à l’accompagner pour découvrir le monde. L’adolescent obtient donc la Tiare de Réflexion, capable de déceler la moindre injustice et d’en identifier les causes. Source de pouvoir, sujet de convoitise, cet objet chargé de souvenirs douloureux pourrait bien porter sa propre malédiction.
C’est le début d’un parcours initiatique effréné qui aura de lourdes conséquences sur la vie de Baptiste et lui vaudra les pires ennuis comme les plus belles rencontres.



Chapitre I
FAUX AMIS, VRAIS ENNUIS

Tout commença par une injustice. Banale en apparence, mais lourde de conséquences. Car un cœur de douze ans bat et ressent avec davantage d’intensité. Et les injustices les plus anodines constituent d’infâmes trahisons, surtout si elles sont commises par des proches.

Ce jour-là, des nuages gris et pesants défiguraient le ciel de Provence. À la limite du grotesque sur l’azur unique. La chaleur se cramponnait à la dernière semaine d’août, luttant contre cette fatalité qui ramène septembre et ses caprices. Nul ne se faisait d’illusions quant à l’issue de l’affrontement, à part peut-être Baptiste Morvan. Sous ses boucles châtaines et ses yeux noisette pétillants, le garçon arborait le lumineux sourire de ceux qui croient en un été éternel.

En alliant chance et vigilance, on pouvait apercevoir l’adolescent à La Ciotat. L’espace de quelques secondes. Poursuivant le soleil. Dans le labyrinthe blanc de ces lotissements où même la plus étroite des rues est qualifiée d’« avenue ». Parmi les allées parfumées du parc du Mugel. Sur les sentiers tortueux des pinèdes environnantes.
— Un véritable lièvre, ce pitchoun … soupiraient les placides Ciotadens.

Baptiste mettait toute son énergie dans la moindre activité qu’il entreprenait. Se serait-il modéré s’il avait su que sa partie de football d’aujourd’hui tournerait au drame ? Difficile à dire… Les conditions de jeu déjà défavorables lui apparaissaient comme autant de défis à relever. Le terrain ? Une friche pentue et caillouteuse à l’intersection de l’avenue du Capitaine Marchand et de l’avenue du Mugel. L’équipe adverse ? Des ados plus grands, plus forts et en surnombre. Son unique équipière ? Noémie, sa petite sœur de neuf ans.

Non, Baptiste ne renonçait pas. Même menacé par un ballon tiré à pleine vitesse ! Le projectile fendit l’air si vite que le garçon ne parvint qu’à le ralentir lorsqu’il lui laboura le torse.
— Attrape-le, Noémie !

La fillette eut le temps de lui lancer un sourire complice avant de plonger sur la balle et de la bloquer à quelques centimètres des cages, délimitées par deux tas de cailloux.
— Bien joué ! la complimenta brièvement Baptiste avant de reporter son attention sur leurs adversaires.

Depuis l’autre bout du terrain, Kylian alias « Bulldozer » les contemplait avec une arrogance mêlée d’agacement. L’adolescent devait son surnom tant à sa corpulence qu’à son caractère autoritaire. Régnant en maître sur le quartier, il supportait mal d’être tenu en échec par deux mioches qui n’étaient même pas du coin. Son équipe ne parvenait pas à inscrire le moindre but, malgré les efforts de ses amis Solal et Théo. Leurs cheveux, respectivement bruns et roux, sculptés en crêtes, semblaient pourtant présenter un avantage aérodynamique… Le duo de comparses multipliait les tentatives. En vain !

Rien ne déstabilisait cette blondinette déterminée qui bondissait dans tous les sens, épaulée à merveille par son frangin, à la coupe d’épagneul d’eau irlandais, dont la course légère donnait l’impression qu’il était présent en deux voire trois exemplaires sur le terrain.
— Qu’est-ce que vous en dites ? leur lança Baptiste. On se défend bien pour des gamins, non ?

Les trois intéressés se renfrognèrent et les deux faire-valoir adressèrent un regard  questionneur à leur chef. La situation était grave ! Un match qui avait commencé comme une rigolade… Parce que seuls les deux plus jeunes avaient apporté un ballon… Maintenant que la partie tournait à l’humiliation, il s’agissait pour les grands de s’en sortir sans y laisser trop de plumes.
— On fait quoi, Kylian ? lui lança Théo.

Du haut de ses quatorze ans et de son mètre soixante-treize, fort de ses soixante-quinze kilos, le chef avait une pleine confiance en ses capacités physiques et une farouche envie de défendre sa réputation auprès de sa bande. Sa main aux doigts charnus se dressa soudain.
— Une seconde ! On doit mettre au point une stratégie…

Un brin moqueurs, Noémie et son frère les virent se regrouper pour tenir conciliabule.
— Tu crois qu’ils vont abandonner, Titi ?
— Ce n’est pas le genre de Bulldozer. Profitons-en pour souffler, on risque d’en avoir besoin.

Si seulement Sophie, Karim et Marc se trouvaient avec nous ! Avec les copains, on aurait plié le match en moins de dix minutes et on serait peut-être déjà en train d’aller nager…

Ce moment de répit laissa au garçon le temps de goûter à la joie d’être là, avec pour seule distraction de courir en s’emplissant les poumons d’air marin. Tous les ans, ses parents s’arrachaient à la douce torpeur estivale du Finistère pour un voyage en direction des chaleurs du Sud. Les quatre membres de la famille Morvan embarquaient dans leur monospace Citroën dont les kilomètres se chiffraient en centaines de milliers. Francis, le paternel, prenait toujours cinq minutes pour consulter une carte routière comme s’il avait oublié l’itinéraire tandis que sa femme Sandrine choisissait quels CD défileraient sur l’autoradio, alternant Tri Yann, Hugues Aufray ou encore Graeme Allwright. De son côté, Noémie jouait avec le petit chat qui lui tenait lieu de doudou, chantonnait au rythme de la musique ou dormait. Baptiste se jugeait un peu trop vieux pour roupiller alors que la contemplation du paysage avait tant à offrir et il gardait sous la main un ou deux albums de bande dessinée en cas de lassitude. Feuilleter un Thorgal ou un Blueberry constituait l’assurance de s’évader plus loin et plus vite encore.

Malgré toutes ces occupations, le voyage était long et entrecoupé de multiples arrêts : passages aux toilettes, repas, jeux, rapides détours ou visites touristiques… Un périple habituel et sans cesse renouvelé. Une aventure de chaque instant pour parents et enfants. Une épopée familiale riche en émotions et en images qui se concluait dans la fatigue et le plaisir : cette joie d’arriver enfin à destination ! Baptiste et Noémie bondissaient hors de l’auto en poussant des cris exaltés, sous l’œil amusé de papa et maman Morvan. Sans mot dire, ceux-ci échangeaient un furtif baiser, valeureux capitaines de voiture se félicitant de s’être relayés pour mener à bon port leur vaisseau sur roues.

Deux êtres hors du commun et presque hors du temps les attendaient avec des embrassades, des sourires et un succulent repas.
— Vous avez encore poussé, les enfants ! s’extasiait Mamicha, forte de son superpouvoir oculaire de mesure de taille au centimètre près.
— Mais vous êtes pâles comme des fromages frais ! plaisantait Papicha en leur ébouriffant les cheveux. Vous n’avez pas de soleil dans le Grand Nord ?

Mamicha et Papicha – plus connus de l’État civil sous les noms de Paule et Georges Ribes, parents de Sandrine – habitaient dans une confortable maison blanche située dans l’Impasse du Mugel. À l’intérieur de cette bâtisse douillette et inondée de lumière, des générations s’étaient succédé, laissant derrière elles une profusion de souvenirs et de bibelots. Baptiste et Noémie passaient de longues heures à explorer les placards et le grenier, découvrant sans cesse de nouveaux trésors : jouets d’un autre siècle tels que le Télécran , livres jaunis aux aventures avides d’être lues, instruments de navigation venus d’ancêtres mystérieux... Un jour, les mains des deux enfants se posèrent même sur de vieux cahiers scolaires où s’étalait l’écriture appliquée de leur maman. Cahiers bien vite récupérés par leur propriétaire, cela va sans dire.

Un jardin, aussi verdoyant que le permettait le climat, entourait la propriété et s’ouvrait sur la colline. Quelques dizaines de mètres plus loin, s’étirait la grande bleue dont les flots parsemés de perles solaires taquinaient les parois rocheuses. Si, par beau temps, les vagues caressent le rivage, la Méditerranée sait aussi se montrer capricieuse quand on lui retire le soleil. On la voit alors s’agiter avec énergie jusqu’à ce que revienne cette lumière qui n’appartient qu’à elle.

Baptiste adorait se promener le long des falaises Soubeyranes, plus hautes façades maritimes de France, muraille titanesque vers le cap Canaille de Cassis. Depuis ces crêtes imprenables, le garçon se plaisait à humer les mille senteurs de l’éternel dialogue entre la terre et la mer. Vers l’ouest, on pouvait contempler le contour sinueux des calanques reliant Cassis à Marseille. En tournant la tête, le regard embrassait toute la baie de La Ciotat, les arches blanches du chantier naval et, surtout, l’éperon rocheux du Bec de l’Aigle qui semblait en permanence sur le point de s’envoler vers l’horizon. Exactement comme le grand condor mécanique et scintillant piloté par Esteban, Tao et Zia dans Les Mystérieuses Cités d’or …
— On est prêts ! annonça soudain une voix forte, arrachant l’adolescent à sa rêverie.

Bulldozer et ses deux lieutenants s’étaient repositionnés sur le terrain. Tous paraissaient confiants. Peut-être même un peu trop. Baptiste n’aimait pas le sourire qu’il lisait sur les lèvres de son principal adversaire. Il se fustigea de ne pas avoir tendu l’oreille pour saisir un mot ou deux de leur stratégie. Comment anticiper à présent ?
— Sois sur tes gardes, frangine ! lui recommanda-t-il en trottinant pour s’échauffer après avoir récupéré la balle.

Son pied dialoguait avec la sphère, élégante réplique des ballons de Ligue 1 aux coutures invisibles, arborant des hexagones déstructurés bleus et noirs. Baptiste la heurtait, l’effleurait, la faisait bondir avec facilité et presque sans y songer, incapable de se départir de son mauvais pressentiment.

Ces trois-là ont une idée derrière la tête. Il faut à tout prix que je marque un but et que ça me serve de prétexte pour interrompre ce match. Noémie pourrait se faire mal si ces idiots se mettent à jouer violemment. C’est parti !

Survolté, Baptiste s’élança à l’assaut. Fendant l’air. Les motifs du ballon se muèrent en cercles psychédéliques.
— Prends ça ! hurla Théo qui dérapait vers lui arrachant des touffes d’herbe sèche.

D’une simple rotation des hanches, Baptiste esquiva le tacle glissé de son premier adversaire, désormais figé au sol sans motivation. Déjà, le second fondait sur lui.
— Je vais te bloquer !

Leurs pieds se disputèrent le ballon. Pressant. Forçant. Frappant. Le cuir couinait sous leurs coups. Solal, plus robuste, sembla un instant devoir l’emporter. Baptiste tournoya alors sur lui-même pour le dribler avec tant d’aisance que l’autre renonça à le poursuivre. Enfin, l’attaquant solitaire se retrouva face à Bulldozer qui gardait pesamment les cages. Le mastodonte n’aimait guère la course. Il préférait camper à sa place de goal, en hurlant des ordres à ses seconds, avant de s’octroyer le plaisir d’arrêter les balles… et de les dégager à pleine puissance ! Il souriait en observant ce gamin de presque treize ans tenter de le feinter, courant de part et d’autre de leur terrain de jeu improvisé.

Menant son ballon comme un beau diable, Baptiste finit par pivoter et lâcher du pied gauche un tir aussi explosif que maîtrisé. La balle partit dans une trajectoire rectiligne qui l’amenait à peine au-dessus de la tête de Kylian. Ce dernier, un instant surpris, leva une de ses pattes d’ours pour bloquer impitoyablement l’attaque. La sphère tournoya deux fois sur elle-même, puis retomba au pied du gardien.
— Ça chatouille comme une piqûre de moustique ! se moqua Bulldozer en agitant la main de gauche à droite avec le geste de celui qui vient de se brûler.

« Ferme ta goal ! » faillit lui rétorquer Baptiste, se contenant de justesse pour ne pas envenimer la situation.

Il songeait aussi à la punition que lui auraient ménagée ses parents si on leur avait rapporté ses paroles. Pour les Morvan, un jeu de mots ne servait pas d’excuse à la vulgarité. De rage, le garçon donna un coup de pied dans le vide, labourant la poussière ocre du terrain.

Le dépit de voir le ballon lui échapper céda la place à l’étonnement. Bulldozer abandonnait son poste de gardien ! Remplacé en urgence par son lieutenant Solal, il venait de relancer la balle et fonçait vers Noémie en profitant de l’absence de son frère. Baptiste se précipita, mais se trouva bloqué par Théo qui freinait délibérément sa course en sautillant devant lui, bras écartés.
— Tu triches ! hurla Noémie depuis sa cage.
— Dégage ! s’écria Baptiste.

Il redoubla de vitesse tout en virevoltant pour contourner Théo, dans l’espoir ténu de neutraliser la menace.

Je ne le rattraperai pas ! Il va vraiment lui tirer dessus de toutes ses forces !

Déjà, Bulldozer se présentait en face d’une gardienne deux fois moins imposante que lui. Le temps parut se figer tandis qu’il armait son coup. Baptiste s’était tant focalisé sur la scène qu’il s’emmêla les pieds et roula à terre. Plus aucun espoir d’intervenir à temps ! D’un moment à l’autre, le ballon filerait en direction de sa petite sœur…
— Ne l’arrête pas, Noémie !

Le tir partit. Rapide. Pas aussi puissant toutefois que Baptiste l’avait prévu. Sa sœur parvint aisément à intercaler son pied pour le contrer, elle qui se ruait sur les balles depuis sa plus tendre enfance avec la ténacité d’un chat poursuivant une pelote de laine. Le projectile revint vers le tireur qui l’immobilisa du pied.

Quelques secondes durant, Noémie toisa la brute d’un air plein de défi. Alors, Bulldozer leva la main.

Il ne va quand même pas la frapper ?

Baptiste s’était relevé et se précipitait pour s’interposer. Éprouvant l’étrange impression que leur pitoyable terrain s’étirait sur des kilomètres.

Le bras épais de Bulldozer partit comme pour administrer un coup de poing, mais ses doigts se desserrèrent et Noémie se trouva entourée d’un nuage ocre. Elle se mit à hurler en se tenant le visage tandis qu’un Kylian triomphant amenait le ballon dans la cage. La balle y entra presque de mauvaise grâce, rebondit contre la portière d’une Clio blanche stationnée en bordure de la friche, puis revint vers le terrain.
— Qu’est-ce que tu dis de ma technique spéciale ? demanda la brute entre deux essoufflements, les doigts encore maculés de poussière.

Noémie n’avait guère le loisir de répondre. Le visage couvert de terre roussâtre, elle se roulait à terre en sanglotant.

Baptiste et les deux autres garçons, peut-être conscients que leur chef avait commis une faute grave, se précipitèrent auprès de la blondinette. Son frère tira de sa poche un paquet de mouchoirs jetables et entreprit de lui nettoyer la figure tout en la consolant. Il ne se préoccupait pas de l’agresseur. Pour l’instant.
— J’ai mal aux yeux ! geignait Noémie qui n’arrivait même pas à les entrouvrir. Ça me brûle !

Un mouchoir ne suffirait jamais. De l’eau ! Voilà ce dont Baptiste aurait eu besoin pour lui venir en aide. Rien à espérer sur ce terrain vague… Prenant les devants, il se tourna vers le moins irresponsable de la bande :
— Solal ! Tu sais où vivent mes grands-parents ?
— Bien sûr !
— Cours là-bas chercher mes parents et dis-leur de rapporter de l’eau ! Et aussi un gant !

Le gamin hésita un instant, puis finit par détaler le long de l’avenue du Mugel. Après avoir réconforté Noémie de son mieux, Baptiste laissa Théo s’occuper de sa sœur et reporta son attention sur Bulldozer. Celui-ci n’avait pas bougé. Vissé sur ses lèvres, s’étirait encore son agaçant sourire satisfait.
— Qu’est-ce qui t’a pris de faire ça à Noémie, Kylian ? Tu n’as pas honte ?
— On ne va pas en faire un drame… Tout est bon pour gagner dans un combat !
— Même aveugler une fille en lui balançant de la terre au visage ? Si c’est le genre de victoire que tu recherches, tu n’es qu’un pauvre minable !
— Fais gaffe à comment tu me parles, petit bouffon ! Ta sœur n’avait qu’à l’éviter, ma technique spéciale !
— Arrête avec ça ! Tu t’es cru dans Naruto , gros crétin ?

Hors de lui, Baptiste voulut se jeter sur Bulldozer. Il se ravisa en le voyant fouiller dans l’une de ses poches. Bien lui en prit. Son hésitation lui permit d’échapper à un nouveau nuage de poussière fauve.

De justesse ! Ce débile avait prévu une large quantité de terre pour commettre son sale coup !
— Alors tu veux te la jouer comme ça ? fulmina Baptiste. Eh bien, tu vas voir ! Je vais t’en donner, moi, de la technique spéciale !

Le garçon courut jusqu’à son ballon qui patientait à quelques mètres de là et frappa dedans de toutes ses forces. Kylian tenta de bloquer ce missile de colère. La balle patina sur ses mains poussiéreuses et vint l’atteindre en plein ventre. Le souffle coupé, il émit un cri étouffé tandis qu’il titubait à reculons, tanguant de façon dangereuse. Baptiste crut un instant qu’il allait s’écrouler même si Bulldozer luttait pour garder l’équilibre. Sa main épaisse vint rencontrer la lunette avant droite de la Clio blanche et, fait extraordinaire, le verre parut se volatiliser ! Plus exactement, sous le choc et le poids de l’adolescent, le verre Securit joua son rôle à la perfection et fut pulvérisé en des centaines de fragments inoffensifs.

Baptiste aurait pu trouver comique de voir son adversaire disparaître à moitié dans une voiture. Pourtant, il n’avait pas le cœur à rire : ce dernier évènement marquait encore un cran dans l’escalade des ennuis. Le propriétaire du véhicule réclamerait le remboursement des réparations. Subitement, le garçon n’était plus tout aussi sûr de désirer l’arrivée de ses parents qui mettaient un point d’honneur à ce que leur fils respecte à la lettre leurs principes d’éducation. Les Morvan avaient déjà assez de dépenses comme cela au quotidien sans avoir à y rajouter des frais de garage. Malgré sa colère, il décida donc de cesser cette dispute et d’apaiser ce qui pouvait l’être encore.

 Tandis que Théo achevait de nettoyer le visage terreux de Noémie, au moyen de ses pleurs, Baptiste courut auprès de Bulldozer et l’aida à extraire de la voiture son bras gauche et sa face empourprée.
— Merci… grommela l’autre.
— Nous sommes allés trop loin, reconnut humblement Baptiste. Je suis désolé si…

Il n’eut même pas le temps de terminer sa phrase. Bulldozer le repoussa avec une telle force qu’il tomba à terre. Le garçon roula sur lui-même et leva les bras pour se protéger, croyant à un nouvel assaut. Cependant, Kylian lui tournait le dos et courait comme un dératé. Un flot de colère submergea de nouveau Baptiste.
— Tu t’enfuis, Kylian ? Tu n’es même pas capable d’assumer tes actes ?

Mais Bulldozer ne fuyait pas. Son esprit fourbe avait tout autre chose en tête et Baptiste ne tarda pas à le comprendre en voyant vers quoi – ou plutôt vers qui – son adversaire se hâtait.

Les parents !

L’imposant Kylian, le visage défait et des larmes plein les yeux, vint s’échouer dans les bras de Francis et Sandrine Morvan. Venus au secours de leur fille Noémie, ces derniers ne s’expliquèrent pas pourquoi cet adolescent plus âgé que leur Baptiste les apostrophait en geignant.
— Madame… sanglota-t-il. Monsieur… Il n’arrête pas… J’ai eu beau lui dire… M’a pas écouté… On ne joue pas au foot contre les voitures… J’ai voulu l’empêcher… Il n’arrêtait pas de tirer sur la Clio…

Inquiet, l’accusé se releva et se hâta vers sa famille. Baptiste avait tout entendu de ce lamentable réquisitoire. Bulldozer s’était montré assez malin en alternant mensonge et vérité. Difficile de dire si ces paroles accusatrices trouvaient preneurs chez les parents : son père tentait de réconforter Kylian en s’efforçant de ne pas le laisser tremper sa chemise à force de larmes pendant que sa mère accourait auprès de Noémie pour la serrer dans ses bras. Sans doute inquiet de ce que les parents de la fillette pourraient lui reprocher, Bulldozer reprit en pleurnichant :
— Je lui ai même lancé de la terre pour le stopper, mais il a cassé la vitre avec le ballon et c’est votre fille qui a tout reçu… Je suis désolé… Je ne voulais pas…

De nouveau, Kylian menait son auditoire en bateau : il avouait des fautes à sa manière avant qu’on ne l’en blâme afin de brouiller les pistes et de se disculper. Ne pouvant se contenir devant tant de mensonges, Baptiste explosa :
— Comment oses-tu mentir à mes parents, espèce de sale con ?

Emporté par l’élan de sa course frénétique, il bondit et arma son pied, prêt à se servir du visage de Bulldozer comme d’un ballon. Obstacle inattendu, le bras costaud de son père se dressa devant sa cible et bloqua net son mouvement. Francis Morvan était technicien en chaudronnerie industrielle, spécialisé en construction navale. La force et la rigueur de son métier le suivaient dans ses pensées comme dans ses actes. Pour l’heure, ses cheveux ondulés et sa fine moustache frémissaient sous la fureur.
— Papa… murmura son fils avant de recevoir en plein visage une gifle qui le fit basculer à terre.
— Baptiste ! Entre l’insulte et la violence, je ne te reconnais pas ! Tu t’imagines que je vais te laisser lever la main sur un de tes camarades ? Et en notre présence, par-dessus le marché ?

La rage qui s’empara alors de Baptiste ne connaissait plus de limites. Elle ignorait tout, y compris la douleur.
— Cette ordure n’est pas mon camarade ! Il a fait mal à Noémie !
— Silence ! lui lança son père d’une voix à faire trembler les murs. Je suis venu ici en urgence pour m’occuper de ma fille et voilà que je tombe sur une dispute entre petits voyous ! Avec une vitre de voiture en morceaux ! Vous vous imaginez que vos parents n’ont rien d’autre à faire que de couvrir vos dégâts de gosses irresponsables ?

Délaissant la conversation, il releva Baptiste et l’entraîna avec lui pour que la bagarre ne reprenne pas. Père et fils se dirigèrent jusqu’à l’endroit où Sandrine Morvan dorlotait sa fille après l’avoir débarbouillée. Tout en prenant soin de Noémie, elle avait parcouru toute la scène de son coup d’œil d’expert-comptable, estimant, soupesant, évaluant ce qui devait être fait.
— Noémie, l’interrogea son papa lorsqu’elle se fut calmée, sais-tu qui a endommagé la vitre de cette voiture ?
— Non, papa ! J’avais les yeux pleins de terre à cause de ce gros débile de Kylian !
— Je suis désolé ! répéta plaintivement l’intéressé que Baptiste fusillait du regard.
— Titi m’a juste défendue contre lui ! ajouta Noémie. Rien d’autre !
Les sourcils de Francis Morvan se froncèrent aussitôt.
— En se servant du ballon ?
— C’est ça ! la coupa Kylian. Il m’a tiré dessus.
— Est-ce que c’est vrai, Baptiste ? s’enquit sa maman, la voix emplie de déception.
— Je l’ai fait parce qu’il avait lancé de la terre sur Noémie et qu’il menaçait de m’en jeter aussi.
— Et c’est donc ton ballon qui a provoqué le dégât sur la vitre de la voiture ?

Baptiste ne trouva rien à ajouter, non par manque d’envie de se justifier, mais plutôt parce qu’il mesurait à quel point les ennuis dévalaient vers lui. Comment tourner ses phrases pour expliquer de façon claire ce qui s’était passé ?
— Ton embarras fait peine à voir ! commenta son père en se dirigeant vers Théo qui ne pipait mot, terrorisé par les conséquences. Toi ! Tu étais là aussi et tu t’es occupé de ma fille ce qui mérite ma confiance. Mon fils a-t-il tiré le ballon qui a causé ce dommage ?

Le malheureux Théo dévisageait par alternance monsieur Morvan et Bulldozer comme s’il tentait de jauger quel était le camp le plus menaçant. Finalement, entre une famille de vacanciers présente une fois l’an et une brute épaisse prête à le persécuter au quotidien, son cœur le guida vers la décision la plus prudente. La plus lâche, à vrai dire.
— C’est Baptiste qui a tiré le dernier ballon…

Le garçon crut rêver devant un tel faux-fuyant qui effleurait la vérité pour n’en dévoiler que sa part la plus accablante.
— Pourquoi tu ne lui dis pas que…
— Tais-toi, Baptiste ! lui ordonna son père. J’en ai assez entendu. Même si tu as pensé agir au mieux en défendant ta sœur, ta conduite est inexcusable ! Je vais faire le tour des voisins pour connaître le propriétaire de cette voiture et nous prendrons sur tes économies pour remplacer cette vitre !

Du haut de ses douze ans, Baptiste contemplait ce tribunal improvisé qui venait non seulement de le déclarer coupable, mais aussi d’énoncer sa sentence. Noémie, en pleurs. Ses parents, en colère et déçus. Solal et Théo, le visage défait. Kylian, toujours campé dans sa posture de victime en sanglots malgré une esquisse de sourire narquois au coin des lèvres. Quelques voisins s’approchaient également, attirés par le bruit. Partout, des regards accusateurs et des murmures de réprobation.

Ils pensent tous que c’est moi. C’est injuste ! Je ne peux rien dire pour me défendre… Ils ont déjà pris leur décision… Je suis seul. Seul. SEUL !

Ce simple mot lui lacérait le cœur avec plus de cruauté que n’importe quel autre. Le garçon se contenta de fixer son père et sa mère de ses yeux pleins de larmes, le menton et la lèvre inférieure parcourus d’infimes convulsions.
— Je vous déteste ! hurla-t-il soudain avant de s’enfuir à toutes jambes.

Ses parents demeurèrent immobiles, inébranlables dans leur posture de tuteurs furieux et néanmoins surpris par l’évolution de la situation. Certes, leur fiston n’était pas un petit ange et faisait des bêtises comme tous les enfants ; toutefois, il avait jusque-là le bon goût d’accepter les reproches et de se montrer discret en cas de punition.
— Je me demande si nous n’avons pas commis une erreur, souffla Sandrine à son mari. Ce Kylian m’a l’air d’un faux-jeton.
— C’est possible… Baptiste a tout de même dépassé les bornes ! Dans tous les cas, il s’agissait de son ballon ce qui le rend en partie responsable.
— Tu devrais le rattraper…
— Je crois au contraire qu’il a besoin d’être seul pour retrouver ses esprits et réfléchir à ce qui vient de se passer. Quand il se sera calmé, je te promets de prendre le temps de discuter avec lui pour tirer les choses au clair.

Sur ces mots, Francis Morvan se tourna vers Kylian et le fixa droit dans les yeux. En chef de bande soucieux de préserver son prestige, Bulldozer tenta de soutenir son regard, mais finit par baisser la tête. La sournoiserie ne l’emporterait pas sur une juste colère.
— Quant à toi, monsieur le lanceur de terre, que je ne t’attrape plus jamais à faire du mal à ma fille ou à qui que ce soit d’autre. Si Noémie a le moindre dommage à l’œil, tes parents recevront une visite de ma part ! Je me fais bien comprendre ?
— Oui, monsieur ! clama Bulldozer en se mettant pratiquement au garde-à-vous.

La brute savait fort bien qu’il ne s’agissait pas de paroles en l’air puisque les grands-parents de Noémie et Baptiste connaissaient à peu près tout le monde dans le voisinage.
— Rentrez chez vous, maintenant ! Et réfléchissez à ce que vous avez fait !

Bulldozer et ses deux acolytes ne se firent pas prier et déguerpirent aussitôt le long de l’avenue du Capitaine Marchand. Bien vite, chacun obliqua en direction de son foyer, espérant que cette affaire n’ait pas d’autres conséquences.

Pendant ce temps, Baptiste dévalait l’avenue du Mugel, des larmes plein les yeux et une idée obsédante en tête.

Puni pour puni, je vais vous montrer de quel genre de bêtise je suis capable ! Et je m’y prendrai seul !


Chapitre II
SEUL

En laissant sa famille et ses problèmes derrière lui, Baptiste ignorait où cette course agacée le mènerait. Malgré de multiples essuyages maladroits du revers de la main, d’inlassables larmes revenaient brouiller sa vision. À peine aurait-il pu estimer qu’il descendait l’avenue du Mugel. En bon fugitif, il se préoccupait surtout de prendre ses jambes à son cou. Et tout cela pour ne pas avoir su trouver ses mots lors de cette parodie de procès dirigée par ses proches. L’adolescent avait envie de hurler de rage !

Sur le moment et sous l’effet de la colère, ses pensées s’étaient bousculées en lui comme des graines à l’intérieur de maracas. Comment démontrer à ses parents qu’ils étaient en pleine erreur ? Comment leur prouver son innocence ? Comment leur expliquer qu’il n’aurait jamais eu l’idée stupide de tirer dans une vitre de voiture avec son ballon ? À présent, le garçon y voyait plus clair.

Rien qu’une partie de foot qui a dégénéré… J’ai juste voulu protéger Noémie face à Bulldozer. Cet hypocrite ! Il a parfaitement manipulé son monde pour me faire accuser à sa place. Je n’aurais jamais dû accepter de jouer avec ce sale mytho ! C’est la seule erreur que j’ai commise… J’ai eu raison de m’opposer à lui ! Je n’ai pas à avoir de regrets !

Le feu de la course lui brûlait les poumons sans parvenir à lui faire oublier le brasier dans son cœur. Jamais encore il n’avait subi une injustice aussi ignoble. Jamais encore ses parents ne l’avaient désavoué en public ni laissé à la merci des calomnies d’un menteur. Qu’importe la fatigue ! Plus il y aurait de kilomètres entre sa famille et lui, mieux ce serait !

Ce fut en arrivant au bas de l’avenue que lui vint l’idée d’une forme de vengeance selon une logique toute simple. Ce raisonnement qui traverse l’esprit de ceux que l’on accuse à tort. La conséquence la plus dangereuse de l’injustice.

Puisque je suis puni pour une bêtise que je n’ai pas commise, je n’ai pas grand-chose à perdre à transgresser les autres règles…

Une trentaine de mètres devant lui, l’avenue obliquait sur la gauche. Cachée sur le côté droit du virage, s’amorçait une ruelle débouchant sur la calanque du Mugel et les plages. Un bref coup d’œil en arrière lui confirma que nul ne l’avait suivi. Seul ! Mais aussi libre d’agir. Le garçon s’engagea sans hésiter dans ce passage, réalisant que c’était bien la première fois qu’il l’empruntait sans être accompagné. Même pas peur !

Sans ralentir l’allure, il parcourut la promenade qui surplombait la grève caillouteuse de la calanque du Grand Mugel. Les quelques baigneurs que le temps n’avait pas découragés lézardaient sur les galets. D’autres, plus rares encore, s’accordaient un bain timide. À l’exception d’une famille de promeneurs, Baptiste ne croisa personne dans les chemins du jardin public et fut ravi de constater que la crique suivante dite du « Petit Mugel » se trouvait déserte.
— Parfait ! Aucun gêneur à l’horizon…

Comme tout esprit d’adolescent, celui de Baptiste fourmillait de projets, bons ou mauvais. Certains déjà menés à bien comme la visite du grand portique du chantier naval, grâce à un ancien collègue de ses grands-parents, afin de contempler la vue à trois-cent-soixante degrés depuis ses quatre-vingt-treize mètres de hauteur. D’autres relevant de l’irréalisable comme la location d’un hors-bord pour aller sillonner les calanques en solitaire ou bien une déclaration d’amour à Morgane Kervella, la jolie brune aux yeux verts qui faisait battre son cœur. Enfin venait la catégorie qu’il préférait, celle qui connaissait le plus de fluctuations : les projets à concrétiser !

C’est une idée géniale même si les parents ne partageraient pas cet avis. Je pense plutôt qu’ils me puniraient rien que pour l’avoir évoquée… Et ils auraient sûrement raison !

Baptiste finit par s’arrêter lorsqu’il atteignit la plage en galets de la calanque déserte.

Dans le fond, j’aimerais que Papa et Maman m’en empêchent. Au moins, ils joueraient leur rôle de parents au lieu de se faire avoir par les ruses minables de cet abruti de Bulldozer…

Rattrapé par le chagrin plutôt que par sa famille, il se laissa tomber au sol et, la tête entre les mains, pleura tout son soûl quelques minutes durant. Mêlant sanglots, cris de rage et lamentations. Vive éruption à la mesure de sa tristesse. Puis, rappelé à l’ordre par son caractère pudique, l’adolescent se reprit. D’ordinaire, même s’il s’autorisait à ressentir des émotions, il leur interdisait de le submerger en public. Seules quelques mouettes errant en ces lieux auraient pu témoigner de ce débordement.

De nouveau, son idée vengeresse revint hanter Baptiste. Il se mit à aller et venir sur la plage en contemplant son objectif qui lui faisait face. Ce nouvel adversaire le toisait avec aplomb.

J’en ai toujours eu envie, mais j’ignore si je suis capable de l’atteindre…

À environ cinq cent mètres face à lui, entourée par une mer calme, trônait l’Île Verte. Ce morceau de terre de 13 hectares a la particularité d’être l’unique île boisée des Bouches-du-Rhône. Sa position stratégique, à l’entrée de la baie de La Ciotat, lui avait valu une occupation militaire ainsi que la construction de fortins tout au long de son histoire jusqu’au bunker allemand durant la Seconde Guerre mondiale. Désormais, la nature avait repris ses droits. Seuls les touristes ainsi que les gardes forestiers déferlaient sur une Île Verte sécurisée dont le restaurant éponyme constituait le dernier bâtiment intact.

Baptiste s’était déjà rendu sur l’Île Verte par bateau et en famille. Voilà longtemps qu’il estimait pouvoir la rejoindre à la nage. Après tout, sa famille ne disait-elle pas, dès ses premiers bains de mer, qu’il fendait l’eau tel un poisson ? Si l’adolescent était conscient que ses parents auraient désapprouvé ce projet, cela n’avait plus d’importance à ses yeux depuis que lui-même désapprouvait ses parents.

En cette saison, Baptiste gardait toujours sur lui son maillot de bain qui avait toutes les chances de servir lors d’une sortie familiale à la mer, au lac ou chez des amis possédant une piscine. Sans plus attendre, le garçon se débarrassa de ses chaussures, de son short et de son tee-shirt breton rayé de blanc et de noir. L’adolescent s’était fait une spécialité de ne porter que ce motif dont la taille des zébrures pouvait parfois varier. Il assumait à merveille de l’arborer chaque jour, au beau milieu de la Provence comme dans le Finistère. D’ailleurs, ces fameuses rayures revenaient sur le maillot de bain.

À la hâte, il dissimula sa tenue entre un épais buisson et la falaise de poudingue, cette roche à l’allure d’un ciment de sable constellé de galets, dont le nom dérive du pudding. À tout moment, il s’attendait à voir son père et sa mère débouler sur la plage, bien décidés à le ramener manu militari à la maison. Sans perdre un instant, il courut se jeter à l’eau. La fraîcheur de la Méditerranée en cette fin d’après-midi l’électrisa. Frisson agréable.

Au moins, les parents ne se plaindront pas que je me baigne pendant la digestion… Si je viens à bout de ce défi, cela rattrapera cette journée pourrie. Île Verte, me voilà !

L’adolescent se mit à nager en brasse lente dans le but de s’échauffer et d’économiser son énergie. Peu à peu, ses bras apprivoisèrent l’onde, dans un paisible dialogue avec ses remous salés. La mer était bonne quoique plus agitée que d’ordinaire sous ces nimbus grisâtres. Malgré tout, à travers le plafond nuageux, filtraient assez de rayons de soleil pour faire scintiller l’onde. D’aussi loin que Baptiste se souvienne, les vastes étendues liquides l’avaient toujours fasciné. Nager, c’était se sentir vivant, en communion avec la nature, à la recherche de ses limites ou d’un monde meilleur. Pour l’heure, sur la ligne d’horizon se découpait l’indescriptible silhouette de l’Île Verte qui le défiait.
— On va bien voir si j’arrive à te rejoindre !

Prêt à passer aux choses sérieuses, Baptiste prit une profonde inspiration et plongea en poursuivant son mouvement de brasse à l’abri des vaguelettes. Comme à son habitude, il ne pouvait s’empêcher d’entrouvrir les yeux pour observer de quelle manière la lumière solaire transperçait la surface pour venir chatouiller les massifs d’algues tapissant le fond. Se déplaçant en apnée durant une minute environ, il remonta enfin et inhala une longue bouffée d’air marin.

Quoi ? L’Île Verte ! Elle… Elle n’a même pas…

Immense déception pour Baptiste. L’île ne s’était pas rapprochée ! Pire ! Il avait l’impression d’avoir fait du surplace, malgré ses efforts. En temps normal, cette contrariété l’aurait découragé de continuer. Dissuadé de poursuivre. Pas aujourd’hui ! Plus déterminé que jamais, il allait prendre sa revanche !

Je ne dois pas me mettre de pression inutile. C’est tout à fait logique qu’un point situé au loin juste devant moi n’ait pas eu l’air de bouger. Après tout, la plage en est séparée au moins d’un demi-kilomètre. Il faut que je me base sur autre chose. Le bord de l’anse du Petit Mugel, par exemple.

Baptiste constata qu’il était tout de même sorti de la crique et qu’il distinguait désormais le Bec de l’Aigle sur sa droite. Il n’avait parcouru qu’une centaine de mètres. Pas même le quart de la traversée. S’il n’éprouvait aucune fatigue pour l’instant, qu’en serait-il une fois qu’il s’agirait d’aborder la dernière partie du périple ? Et pour le retour ? À présent qu’il atteignait la portion du bras de mer faisant face au large, il ressentait le mouvement lent et puissant de la houle.

Je suis encore à temps de renoncer et de faire demi-tour pour rentrer à la maison. Mais non ! Je préfère me noyer que de subir une nouvelle fois leurs regards pleins de reproches.

Redoublant d’énergie, il abandonna la brasse et opta pour le crawl, plus rapide. Alors, seulement, il réalisa qu’il progressait. Ses bras transperçaient l’écume et ses jambes le propulsaient à une vitesse tout à fait honorable pour un nageur de son niveau.

Je peux y arriver. Il suffit que je gère mon effort et mon souffle. Ce sera un véritable exploit ! Le seul ennui, c’est que personne ne me croira ensuite… J’aurais bien aimé être filmé, tiens ! C’est un peu rageant de se lancer un tel défi et ne pas avoir une caméra braquée sur soi… Surtout à La Ciotat ! Le terrain de jeu des célèbres frères Lumière avec leur cinématographe  ! Ils ont fait marrer leurs contemporains avec « L’Arroseur arrosé »  avant de les faire flipper avec « L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat » . Mais tant pis pour la gloire ! Le tout, c’est que je sache que j’en ai été capable, ça me suffira. Allez, je peux encore accélérer un peu !

Il poursuivit à cette cadence et s’interrompit dès qu’il sentit la fatigue tirailler ses membres, le temps de souffler un peu. Cette fois-ci, plus aucun doute ! L’Île Verte s’était rapprochée sans que Baptiste puisse affirmer s’il avait franchi la moitié du parcours. Le garçon tourna la tête pour observer la plage du Petit Mugel. Vision encourageante : elle paraissait désormais lointaine. Il ne put toutefois s’empêcher de ressentir une forme d’inquiétude de savoir le salut aussi inaccessible. Ce coup d’œil en arrière lui donnait un avant-goût de ce qui l’attendrait au moment de quitter l’Île Verte pour regagner le continent.

Tandis qu’il s’autorisait à parcourir quelques mètres dans la position de la planche pour reprendre haleine, Baptiste songea qu’il avait oublié un détail important.

Et si on me voyait ? Un gamin de mon âge qui débarque de nulle part… Une armada de touristes doit parcourir l’île à cette heure-ci ! Sans compter les bateaux… Les gens pourraient capter quels risques j’ai pris… M’interdire de repartir… Et même appeler les gardes en pensant me protéger !

De nouveau, le garçon eut envie de tout abandonner. Cependant, un regain de sa détermination colérique vint lui fournir tous les arguments nécessaires.

Relax ! Aucun bateau ne mouille près de l’île. Au pire, je n’aurai qu’à plonger si l’un d’eux s’approche. Quant aux visiteurs…

Baptiste se souvenait que le sentier décrivait une boucle couvrant les trois ou quatre calanques de l’île. Heureusement, Saint-Pierre, Seynerolles, Isserot et la Grande Calanque se trouvaient plus à l’est, sur les autres faces de l’Île Verte.

J’arrive de l’ouest, je suis invisible pour les vacanciers ! Je dois juste me méfier de la Plageolle… Même s’il donne sur le nord, c’est le coin de baignade le plus fréquenté. Si jamais un touriste m’aperçoit, je me cache direct ou je le baratine. Ma famille m’attend ailleurs sur l’Île Verte et blablabla…

Ne voyant plus aucun élément à objecter à son propriétaire, le cerveau de Baptiste le laissa en repos. Le garçon eut l’impression que le reste de sa traversée se révélait plus facile, plus rapide. Après quelques efforts, il put enfin s’accrocher à la paroi de poudingue de l’Île Verte.
— Je l’ai fait ! s’exclama-t-il avec davantage de colère que de joie. Ça y est ! Alors, les parents ? Qu’est-ce que vous dites de ça ? À présent, si vous voulez me punir, vous saurez pourquoi ! En prime, même furieux, vous ne pourrez pas vous empêcher d’admirer ce que je viens d’accomplir !

Le corps collant de sel, accrochant grains de sable et brindilles, Baptiste se mit à escalader la face ouest de l’île. Après avoir gravi quelques blocs de poudingue, puis une pente raide et herbue, il put enfin poser sa main sur les racines et les troncs des premiers pins d’Alep . Le garçon se retrouva sous le couvert rassurant et tant espéré de cette pinède insulaire dont les senteurs poivrées paraissaient couronner son exploit. Malgré les picotements des cailloux et des aiguilles de conifères sous ses pieds nus, il choisit de s’enfoncer vers l’intérieur de l’île.

Il lui semblait entendre des voix au loin et il finit par repérer une troupe de touristes. Rassemblés dans la calanque de Saint-Pierre, ils s’apprêtaient à embarquer à bord du navire qui les ramènerait en ville. Visiblement, il s’agissait du dernier groupe de la journée. Les lèvres de Baptiste s’étirèrent pour dessiner un radieux sourire. Le premier depuis son départ désespéré.

J’ai l’Île Verte pour moi tout seul !

Le garçon regretta un instant de ne pas avoir ses affaires, au moins ses tennis, afin de pouvoir explorer à loisir toute l’île. Or, les emporter l’aurait ralenti sans compter le risque de les perdre durant la nage. Il prit alors le temps de s’asseoir au pied d’un pin pour se reposer. De son poste d’observation, il apercevait à peine l’anse du Petit Mugel. Défi accompli !

Quel bonheur de se trouver là ! Un paradis de pinède et de mer s’offrait à lui ! Personne pour le lui disputer ou pour l’accuser à tort ! Il régnait en maître incontesté sur une terre vierge de toute injustice : les douze hectares de l’Île Verte ! Pour autant, Baptiste ne s’autorisa pas à troubler la quiétude des lieux par des hurlements de victoire. Après tout, les employés du restaurant ou les gardes forestiers, dont le local se situait parmi les constructions militaires, pouvaient demeurer sur place et retourner à La Ciotat plus tard par leurs propres moyens…

L’idée que les restes d’un fort ainsi que d’un blockhaus se trouvent dans un tel jardin d’Éden lui paraissait inconcevable. L’Île Verte avait aussi connu une chapelle Saint-Pierre et un Christ en croix que les bombardements avaient détruits. Papicha disait qu’un miracle s’était produit durant ce déferlement de violence : suite à la disparition de la statue sous les eaux, le phosphore des obus associé à l’eau et au sel s’était cristallisé autour d’elle, la préservant de la rouille. Un plongeur-démineur l’avait arrachée des flots et elle avait pu ensuite être restaurée ensuite avant de venir orner l’église Notre-Dame-de-l’Assomption.

Pourquoi les Allemands s’intéressaient-ils tant à La Ciotat durant la Seconde Guerre mondiale ? s’était-il souvent demandé plus jeune.

Outre les avantages stratégiques procurés par le terrain, les nazis lorgnaient sur les chantiers navals de La Ciotat dont les célèbres navires constituaient un enjeu logistique et militaire. Quand ses grands-parents racontaient cette histoire, Mamicha commençait par parler d’Ulysse et de son long voyage.
— Son épouse Pénélope, convoitée par une foule d’une centaine de prétendants ayant envahi son palais, avait imaginé un stratagème pour retarder son remariage et laisser à Ulysse le temps de revenir. Elle fit semblant d’accepter de se marier en posant pour seule condition de terminer une tapisserie destinée à servir de linceul pour son beau-père Laërte. Cependant, chaque nuit, elle défaisait son travail du jour de sorte qu’elle parvint à gagner le temps nécessaire. Ulysse arriva sous les traits d’un mendiant méprisé de tous, avant de révéler son identité et de punir de mort tous ceux qui avaient espéré séduire sa femme.

Et Papicha d’enchaîner à sa manière pour les ramener vers leur époque :
— À La Ciotat, durant la guerre, les Allemands avaient pris le contrôle des chantiers navals. Ils exigeaient que le paquebot en construction leur revienne pour participer à leur effort militaire sous le nom de « Maréchal Pétain ». Alors, les ouvriers ciotadens résistèrent et s’arrangèrent pour ralentir la cadence par tous les moyens : en tombant malades, en multipliant les incidents techniques... Les équipes de nuit défaisaient le travail des équipes de jour et inversement. Ainsi, ce bateau ne put jamais être utilisé par les Allemands. Après la guerre, il finit par prendre la mer sous un meilleur nom : « La Marseillaise ». Si la ville de La Ciotat est Pénélope, alors les chantiers navals sont sa tapisserie et notre Ulysse l’intervention de la flotte américaine et britannique durant la Bataille de La Ciotat, le 17 août 1944.

À ce stade du récit, Sandrine, la maman de Baptiste, férue d’Histoire, précisait que l’opération Ferdinand visait avant tout à attirer l’attention des troupes allemandes sur la ville pour favoriser l’avancée des Alliés sur les principaux sites de débarquement à Cavalaire-sur-Mer, Saint-Tropez et Saint-Raphaël.

Baptiste écoutait avec émerveillement tous ces récits où les accents ensoleillés du sud faisaient scintiller les armes des héros à travers les âges. Il rêvait à l’immense vague inondant les boutiques des quais, chaque fois que les chantiers de La Ciotat donnaient naissance à un navire haut comme une montagne, si long que le Port-Vieux le contenait à peine. Un prodige qui couronnait le travail d’autres héros de l’ombre dont Papicha. Plus tard, ces mêmes chantiers avaient survécu à une menace de démantèlement parce que ces ouvriers combattants avaient tenu bon des années durant. Occupant le site et se relayant pour que rien ne soit démoli, ils avaient gagné et construisaient encore aujourd’hui les plus élégants des yachts sillonnant la grande bleue. Les portiques de La Ciotat ne représentaient plus seulement des outils de travail, ils se dressaient comme des arcs de triomphe et étincelaient de toute leur gloire sous le soleil du Midi.

Malgré son attachement à sa Bretagne natale, Baptiste ne pouvait s’empêcher de sentir en son cœur la fierté de partager le sang de tous ces héros. Telles étaient ses pensées tandis qu’il sommeillait à l’ombre d’un pin d’Alep.

La variation de lumière et, surtout, de température finit par l’éveiller.
— Mince ! Je me suis endormi !

Cela n’avait rien d’étonnant compte tenu de son effort durant la traversée et de l’agréable écrin de solitude parfumée offert par l’Île Verte.

Il faut que je me remue ! Les parents vont me tuer !

Cette pensée toute naturelle avait jailli par réflexe et parce que les sommes effacent les rancunes. Bien vite, cependant, lui revint le souvenir de l’injustice et son visage détendu se crispa.
— Et qu’est-ce que j’en ai à faire ? Ils m’ont déjà tué, à leur manière…

Le garçon tourna la tête vers l’horizon où un ballon de soleil rougeâtre commençait à s’immerger peu à peu. Les flots s’agitaient et une écume rageuse bondissait sur les flancs de l’Île Verte.

Même pas peur !

S’il était conscient de la nécessité de ne pas s’éterniser sur l’île, Baptiste demeurait sûr de lui et se sentait suffisamment reposé pour entreprendre le chemin du retour. Ce fut alors que les nuages gris amoncelés libérèrent une pluie fine et froide qui n’aurait pas déparé en plein Finistère.

Le garçon sauta à l’eau et se mit à nager avec plaisir, car elle avait gardé la température de la journée. Les vagues dansaient devant lui, masquant l’anse du Petit Mugel quelques secondes. Seul le Bec de l’Aigle parvenait à se maintenir dans son champ de vision, roi du ciel dont la silhouette effilée défiait les flots. Hélas ! La lumière déclinante et les intempéries lui donnaient peu à peu l’allure d’un rapace grisâtre et sinistre dont la future proie s’ébattait dans la mer… À portée de ses serres rocailleuses.

Soudain, un éclair vint illuminer la tête de cet oiseau gigantesque. Baptiste crut voir se fendre une paupière graveleuse, balayant la Méditerranée d’un regard charognard qui croisa le sien. Alors, le garçon commença à éprouver cette peur qui saisit le funambule au milieu de sa traversée. S’il était peu probable que cet aigle des tempêtes lui ait adressé un clin d’œil menaçant, la Mort l’épiait cependant. Comme elle guette chacun de nous.
— Je ne serai pas ta proie ! Sûrement pas aujourd’hui !

Baptiste s’appliquait à nager avec toute l’efficacité dont il était capable, veillant à économiser ses forces au cas où la mer se ferait plus capricieuse. Il gardait un œil sur l’Aigle, non par peur de le voir s’envoler, mais parce qu’il constituait son meilleur repère.

Je vais y arriver ! Je peux le faire ! Il suffit que je dépasse le cap de l’Aigle pour me protéger des vagues !

Tout à coup, ses mouvements se figèrent. Comme pétrifié, Baptiste sentit qu’il s’enfonçait dans l’eau. Quelque chose enserrait sa cheville gauche et tentait de l’attirer vers les profondeurs. Paniqué, il se mit à battre des pieds et des mains pour remonter à la surface. Il parvint à emplir ses poumons d’air, mais gâcha cet effort en poussant un cri de terreur. De nouveau, on le tira sous les flots troubles et cette prise avait la poigne d’une sirène furieuse, d’un triton enragé cherchant à le noyer…

Du calme ! s’imposa Baptiste. Je n’arriverai à rien si je cède à la panique, je dois comprendre !

Figé un demi-mètre sous la surface, il s’efforça de dompter sa peur et d’observer, comme il le pouvait, cette eau déjà envahie de ténèbres. Le soleil mourait à l’horizon, emportant la lumière et, semblait-il, l’espoir avec lui. Malgré la brûlure du sel sur ses pupilles, Baptiste scrutait sa jambe gauche, redoutant d’y apercevoir une main écailleuse lui broyer la cheville.

Mais qu’est-ce que c’est que ça ? Non ! J’y crois pas !
2
Chroniques Service Presse / Mon ami Charly de David Belo Editions Taurnada
« Dernier message par La Plume Masquée le dim. 02/06/2024 à 17:17 »
Résumé :

Après un traumatisme, deux adolescents de 14 ans, Charly et Bastien, inventent le BINGO : une philosophie permettant d'anticiper, d'extrapoler et de déjouer les dangers de la vie.
Toujours en place trente ans plus tard, le BINGO promet des vacances d'été paisibles au mont Corbier pour Bastien et sa famille.
Mais lorsque l'énigmatique Chloé, meilleure amie de sa fille, se joint à l'escapade, le BINGO semble caduc.
Bastien panique et la montagne se métamorphose en théâtre des enfers.
Certaines choses sont imprévisibles.


Mon avis :

Tout d’abord, je tiens à remercier les Éditions Taurnada pour leur confiance, et de m’avoir permis de découvrir ce roman au résumé aussi intriguant qu’attractif.
Première fois que je lis cet auteur, et je dois dire que je n’ai pas été déçue du voyage ; à quand un autre roman ?

Bastien et Charly sont amis depuis leur quatorze ans, une amitié forte de celle qui traverse le temps et les années. Suite à un élément fortement traumatique, ils ont inventé le BINGO, une philosophie de vie qui leur permet d'anticiper, d'extrapoler et de déjouer les dangers de l’existence. Une philosophie, qui, selon eux, leur a sauvé la vie à de nombreuses reprises.
Bastien est à présent marié à Marion, qu’il connaît et aime aussi depuis l’adolescence. Ils ont deux enfants, et s'apprêtent à partir en vacances au mont Corbier.
Tout semble aller pour le mieux, néanmoins, Marion ne supporte plus deux choses :
Charly, le meilleur ami de son mari. Étrangement, alors que tous trois se connaissent depuis trente ans, celui-ci n'a pas le droit de venir chez eux, et Bastien doit même se cacher quand ils veulent se rencontrer. Pourquoi ? Pour quelles obscures raisons cette dernière, ne désire t’elle plus être en présence de cet homme ?
Ce qu’elle semble avoir également en horreur, c’est que ce BINGO demeure toujours d’actualité : Bastien planifie absolument tout, ne se gêne pas pour régler leurs existences au millimètre près, cherche à anticiper et contrecarrer toutes les catastrophes possibles, qui, selon ses dire, sans sa prévoyance accrue, s’abattraient sur eux sans autres prérogatives.
C’est pourquoi, contre toute attente, deux jours avant le départ, elle décide d’inviter la meilleure amie de sa fille à partir en vacances en leur compagnie. Et pour Bastien, c'est le drame, il doit tout revoir, absolument tout réorganiser afin qu’aucun grain de sable ne se faufile dans la machine…
Et ce ne sont pas les menaces du père qui vont l’aider à trouver un peu de sérénité. Déjà sous pression et rongé par la responsabilité, le BINGO va non seulement être au centre de ses priorités, mais aussi devenir une vraie obsession. Alors quand Chloé disparaît, c'est le début d'une course poursuite acharnée pour la retrouver.
Comme quoi, parfois, même avec la plus grande minutie, le meilleur des engrenage peut vite s’enrayer puis se gripper…
Ces quelques lignes posées, le prologue glaçant à peine avalé, nous voici plongés, happés, enferrés au cœur d’une intrigue machiavélique et retorse, à la façon d’un casse-tête désarticulé dont les pièces ont bien du mal à s’imbriquer.
Par une astucieuse construction de l'intrigue, qui, par moment, je l’avoue, m’a complètement perdue tant la construction peut paraître brouillonne, nous allons remonter dans le passé, alterner avec le présent, afin de retracer le vécu de Bastien, Charly et Marion. On découvre leur jeunesse, les drames et l'horreur vécue. C’est en accédant à toute la palette de leur ressentis et de leurs motivations, que le voile va peu à peu se déchirer, pour laisser apparaître les imperfections, les fissures des personnalités…
Que va-t-on trouver sous les façades, sous les masques et les faux-semblants ?
Que se cache derrière tout ça, et pourquoi ?
Et surtout, quelles sont les raisons de cette sombre histoire ?
Grâce à une écriture tantôt acérée et dynamique, tantôt précise et percutante, après un bon moment d’adaptation me concernant, les pages se tournent à toute allure ; nous voulons savoir, connaître la conclusion que nous a concoctée l’auteur. Il nous faudra cependant s’accrocher, rester bien attentif afin de ne pas perdre le fil et manquer de passer à côté. Les chapitres courts et rythmés renforcent le suspense ; l’immersion est totale.
Les personnages, quant à eux, grâce à une psychologie fouillée, sont fort bien campés et servent parfaitement ce récit kaléidoscopique et en trompe-l’œil. De rebondissements en rebondissements, de fausse piste en fausse piste, nous laissons alors l’auteur nous balader au gré des chemins montagneux, je vous préviens, âmes sensibles s’abstenir, jusqu’au dénouement final, qui nous surprendra, ou pourra laisser sans voix.
Vous l’aurez compris, j’ai beaucoup aimé ce roman, qui malgré une construction déstabilisante, a réussi à m’embarquer dans son univers addictif.
Alors, si vous aimez les récits palpitants, à l’intrigue subtile mais retorses, les histoires qui bousculent, ébranlent vos croyances… Foncez, ce thriller est fait pour vous ! Vous passerez un excellent moment de lecture :pouceenhaut:

Ma note :

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Mise en avant des Auto-édités / Neurotoxines de Magali Chacornac-Rault
« Dernier message par Apogon le jeu. 30/05/2024 à 17:45 »
Neurotoxines de Magali Chacornac-Rault Les enquêtes de Matthew Colins et Anna Lafont





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Résumé :

Anna Lafont, Matthew Colins et leur fils, Tom, sont rentrés à Washington et essaient de se reconstruire après leur rencontre avec le Boucher et le Caméléon.
Cette étape est délicate pour l’ensemble de la petite famille, toutefois, c’est le profileur qui éprouve le plus de difficultés à reprendre le cours de sa vie, il s’en veut de n’avoir pas su protéger les siens et s’est promis que cela ne se reproduirait plus.
Lorsqu’un mystérieux tueur en série le replonge dans son douloureux passé, sème des cadavres autour de lui et s’approche dangereusement de sa famille, Matthew Colins n’a d’autre choix que de repartir sur le terrain avec ses collègues du FBI et affronter ses craintes…



Prologue

Il est vrai que trouver des victimes n’est pas si complexe. En entendant les témoignages de grands tueurs en série comme Ted Bundy ou Jeffrey Dahmer, on se dit que ce n’est pas possible, se mettre un bras en écharpe n’est pas suffisant pour piéger quelqu’un… Eh bien si ! Il n’est même pas nécessaire d’avoir recours à la force, au charme ou à la supercherie. Il suffit de jeter son dévolu sur une personne et de l’observer quelques minutes, lire sa gestuelle, analyser son langage corporel pour ensuite l’aborder en usant subtilement, presque inconsciemment, de postures et de manières similaires aux siennes. Elle trouvera en vous une image rassurante, une sorte d’âme sœur qui ne peut lui vouloir du mal.
Avant de découvrir cela, il a fallu quelque temps d’essais, user d’abord de stratagèmes inspirés de célèbres tueurs qui donnent de belles réussites, la plupart du temps… Cependant, ce n’était pas satisfaisant. Les gens sont tellement crédules, il est si simple de faucher leur vie que ça finit par perdre de son intérêt. Et que dire des tueurs qui s’en prennent aux ombres, à ces individus qui n’existent déjà plus pour la société tels que les SDF, les prostituées, les toxicos… Quel plaisir y a-t-il à prendre une vie qui ne compte pour personne ?
Le plus difficile, ensuite, est de ne pas perdre la confiance inspirée à la proie, sinon, on retombe inévitable-ment dans le primitif et le bestial, avec la violence, la force, et alors, rien ne se passe comme désiré, tout devient à la fois trop simple, trop rapide et, pourtant, tellement plus compliqué. Tout est si fluide, si aisé lorsque la victime agit de son propre chef, lorsqu’elle coopère avec enthousiasme à la mise en scène de sa propre fin.

*

Lorsque Stephen met la clef dans la serrure, il est 22 heures passées. Sharon n’a pas répondu à ses appels, ni à ses messages, et il imagine trop bien ce qui l’attend. Sa com¬pagne est furieuse.
Ce n’est pas le bon soir pour rentrer si tard, mais il n’a pas réussi à boucler plus tôt le dossier urgent sur lequel il travaille depuis des semaines. Après leur dispute de ce ma¬tin, Stephen ne sait pas comment Sharon va réagir. Il hésite entre l’indifférence et la crise, et n’arrive pas à décider ce qu’il préfère affronter.
Avec un soupir résigné, il passe la porte en lançant :
— Chérie ! C’est moi, je suis désolé de rentrer à cette heure tardive, promis, demain, je t’emmène au restaurant. J’ai enfin terminé ce dossier et je suis certain qu’on remportera le contrat !
Il pose sa sacoche et retire sa veste. Aucune réponse ne lui parvient, pourtant, Sharon n’est pas couchée, il l’entend dans la cuisine. Elle est peut-être moins en colère qu’il le croyait.
— Tu n’aurais pas dû m’attendre pour souper, mais ça me fait plaisir. J’avais peur que tu m’en veuilles…
Le silence pesant et le bruit continu des couverts qui piquent l’assiette rendent l’atmosphère lugubre. Stephen perd son sourire et se dirige lentement vers la cuisine, il appréhende maintenant de se prendre le plat de spaghettis dans la figure.
Le salon est plongé dans le noir et la lumière qui filtre de la cuisine est faible et vacillante.
Il s’avance jusqu’au seuil où il observe la pièce à travers une semi-obscurité. Les bougies de deux candélabres illuminent faiblement la salle. Elles sont déjà en grande partie consumées et la cire qui coule le long du pied donne un aspect plus sinistre que romantique. Une rose rouge trône au centre de la table et des pétales sombres s’éparpillent autour. Stephen distingue à peine sa fiancée qui n’a pas relevé la tête à son approche. Elle continue à piquer ses aliments de façon désordonnée.
Doucement, il ose briser le silence :
— Sharon, tout va bien ?
Aucune réaction. Il sait que quelque chose n’est pas nor¬mal. Ses yeux cherchent ceux de sa femme tandis que sa main tâtonne pour allumer l’interrupteur. Il appuie sur le bouton mais rien ne se produit. Il n’a d’autre choix que d’avancer, pas à pas, en demandant, presque suppliant :
— Sharon, chérie, parle-moi ? Tu es bizarre, tout est bizarre ! Tu me fais peur…
Stephen s’approche encore, la main tendue prête à se po¬ser sur le bras de sa compagne pour qu’elle cesse de piquer frénétiquement son assiette, qui est d’ailleurs presque vide. Il glisse avant de l’atteindre et se rattrape de justesse à la table. Il a failli s’étaler par terre. Il baisse les yeux et dé¬couvre une flaque sombre et visqueuse aux pieds de Sharon.
— Tu es malade ma chérie ? demande Stephen de plus en plus anxieux.
Toujours aucune réponse. L’homme ressort précipitamment de la pièce et allume toutes les lampes de l’appartement. À son grand soulagement, elles fonctionnent, seule celle de la cuisine est grillée. Il revient sur ses pas, passable¬ment exaspéré par l’attitude de sa compagne, lorsqu’il remarque des empreintes de semelles. Ce sont ses propres traces, rouge sang. Il observe ses chaussures, elles sont ma¬culées d’un sang sombre qui a déjà commencé à coaguler. Il se précipite à la cuisine et découvre alors la scène dans toute son horreur.
La lumière met en évidence le sang qui colle les cheveux blonds et fins de Sharon. Ses yeux bleus, habituellement si expressifs, sont totalement vides, elle ne regarde même pas ce qu’elle fait. Les gestes de sa main droite sont anar¬chiques, entrecoupés de petits tressautements, tandis que son bras gauche pend comme s’il était mort. La peau en a été retirée et la chair est à vif. La même ablation a été pratiquée sur le cou et le plastron. Stephen voudrait prendre sa com¬pagne dans ses bras et lui dire que tout ira bien, pourtant, il en est incapable. Il n’arrive plus à bouger.
Alors qu’il fixe Sharon, les yeux embués de larmes, il comprend au son émis par la fourchette, qu’elle s’est enfin fichée dans un morceau de viande. Il observe sa fiancée porter la nourriture à sa bouche et ce simple geste le rassure, peut-être n’est-ce pas si grave. C’est alors qu’il remarque sur l’aliment un symbole qu’il connaît bien car il fait partie du tatouage que Sharon porte sur l’épaule. En un éclair, il comprend qu’elle est en train de manger sa propre peau. Il se retrouve plié en deux à vomir sur ses chaussures déjà souillées de sang.
Il voudrait reprendre son souffle mais n’y parvient pas. Il attrape son téléphone dans la poche de son pantalon et compose difficilement le 911. Il est totalement incohérent, proche du malaise. Il espère que les secours arriveront rapidement.
Lorsque Sharon tourne légèrement la tête, Stephen dé¬couvre un trou béant sur le côté gauche du crâne de sa com¬pagne. Qui a bien pu mutiler de la sorte sa douce et tendre fiancée ? C’en est trop pour lui, il s’effondre contre le mur. Tout cela n’est pas possible, ce doit être un cauchemar.

1

Washington, fin novembre.

Cela fait quatre mois qu’Anna Lafont, Matthew Colins et leur fils Tom sont rentrés à Washington. Ils ont peu bougé de leur petit appartement, heureux de retrouver leur univers et leurs amis. La famille ne s’agrandissant pas, ils ont abandonné leur projet de déménagement. Ils ont, de toute façon, besoin de garder leurs repères et la stabilité rassurante de leurs habitudes.
Le jour de la rentrée des classes, Matthew était anxieux. Pour des raisons de sécurité, il n’accompagne jamais son fils dans des lieux publics. Il évite qu’on le voie sortir de l’immeuble accompagné de sa femme et de son petit garçon. S’ils doivent se déplacer en famille, ils utilisent une voiture aux vitres teintées, garée dans le parking situé en sous-sol, où Anna s’installe à l’arrière avec Tommy.
L’école de Tom n’étant qu’à quelques rues de chez eux, à peine plus loin que le jardin d’enfants qu’il fréquentait jusqu’ici, le trajet se fait à pied. Savoir son fils et sa femme loin de lui pour la première fois depuis sa confrontation avec Le Boucher a été difficile. Pourtant, Anna n’a pas hésité une seconde, pour elle, c’était une évidence et son rôle de ma¬man. Elle n’a même pas eu l’impression d’être plus sur ses gardes qu’à l’ordinaire. Seul à la maison, Matthew trépignait, jetant régulièrement un regard par la fenêtre afin d’apercevoir la silhouette d’Anna. En la voyant revenir sou¬riante, il a ressenti un immense soulagement.
Le profileur sait qu’il n’y a pas de raison valable à son angoisse, aucune menace ne pèse sur lui actuellement, ce¬pendant, il n’arrive pas à se contrôler. Matthew n’a toujours pas repris son poste au sein du FBI, il n’arrive pas à se résoudre à laisser sa famille. Il s’en veut toujours terriblement de les avoir mis en danger et de ne pas avoir été là pour les protéger. Il n’a pas l’habitude des journées passées enfermé, l’inactivité lui pèse, même s’il s’octroie de longues séances à la salle de sport. Rapidement, il a repris le profilage sur dossier afin de s’occuper. Mais ce premier jour sans Tommy à la maison a été une vraie torture, il était incapable de se concentrer sur son travail, son esprit revenant toujours à son fils, se demandant ce qu’il faisait et si tout allait bien.
Le voyant ainsi agité, Anna en a profité pour le pousser à retourner sur le terrain. Elle n’aime pas voir son mari dans cet état. Sa place était, est et sera toujours à courir après les pires monstres que porte cette terre afin de la rendre un peu plus sûre pour les êtres qu’il chérit. Cependant, elle n’a pas réussi à le convaincre.
La rentrée de Tom à l’école s’est très bien déroulée. Anna redoutait la séparation qui aurait pu rappeler au petit garçon le douloureux départ de sa maman de la grotte dans la montagne cévenole, mais il n’en a rien été. Tom ne garde aucun traumatisme de leurs vacances mouvementées et cela ras¬sure Anna. Le nouvel écolier s’est rapidement fait des copains et il s’attelle consciencieusement à ses devoirs dès qu’il rentre à la maison.
Retrouver son piano a été pour Anna un véritable bonheur. Jouer, recouvrer le pouvoir apaisant de la musique et de ses doigts qui courent sur le clavier est ce qui lui a le plus manqué à sa sortie de l’hôpital. La musique a toujours été son refuge lorsqu’elle va mal. Elle a, cependant, vraiment pris conscience de son état quand elle s’est remise à jouer et écouter les chansons de Jean-Jacques Goldman en boucle. Cet artiste français, sa voix et surtout ses mots ont été pour elle la présence paternelle qu’elle avait perdue brutalement à cause de la maladie. Ces textes sur l’aboutissement des rêves ont bercé son adolescence et lui ont permis de s’accrocher et de se surpasser pour atteindre son objectif de carrière et avoir la vie qu’elle souhaitait.
Aujourd’hui, elle a, à nouveau, besoin de ce soutien pour surmonter ses blessures, ses peurs et la perte de confiance en elle. Elle puise la force de se reconstruire dans sa famille, mais ce n’est pas suffisant. Les frissons que lui procurent, après tant d’années et tant d’écoutes, certaines paroles et certains riffs de guitare prouvent que ces chansons font partie de son être pour toujours. Elle est, bien évidemment, suivie par un psychologue du FBI, toutefois, elle a l’impression que les séances de thérapie ont bien moins d’actions positives sur elle que la musique.
Jour après jour, Anna reprend le dessus et pour continuer à avancer, pour éloigner cette peur qui parfois la paralyse, elle doit retrouver une vie normale, une vie active, elle doit s’occuper l’esprit et arrêter de ressasser, de remettre en question les choix et les décisions qu’elle a pris dans le feu de l’action. Depuis que Tom passe ses journées à l’école, Anna ressent le besoin de reprendre ses recherches.
Afin de préparer Matthew, en douceur, à cette idée, elle commence par se remettre dans l’écriture d’articles qu’elle n’avait pas eu le temps de finir ou de rédiger avant leur départ pour la France. Anna est heureuse de constater que sa concentration est bonne. Lorsqu’elle s’enferme dans sa bulle pour travailler, son attention ne vagabonde pas, elle n’est pas happée par des souvenirs, des images qu’elle souhaite¬rait oublier mais qui resurgissent trop souvent, la prenant au dépourvu.
De son côté, Thomas Grant, le chef d’équipe de Matthew, subit de fortes pressions de la part des dirigeants du FBI pour qu’il prenne un nouvel agent afin de remplacer le profileur. Thomas temporise, il s’est promis de ne pas brusquer Matthew. De plus, il est, pour lui, inconcevable de remplacer l’agent Colins qui est l’un des meilleurs éléments du FBI. Même en simple consultant à distance, le profileur est toujours plus efficace que la plupart des agents qu’il pourrait recruter et qu’il faudrait ensuite intégrer et former.
Pourtant, Thomas ne sait pas combien de temps encore ses supérieurs mettront avant de passer outre son avis. Il sent que certains cherchent à le pousser vers la sortie et attendent qu’il commette une erreur pour le mettre d’office à la retraite. Pour le moment, personne n’ose agir, son équipe a le meilleur taux de résolution d’enquêtes, mais cela risque de ne pas durer si Matthew ne réintègre pas rapidement le groupe. Sur le terrain, son absence se fait sentir, un homme en moins, ce n’est pas anodin.

Ce soir, aucune victime potentielle n’était digne d’intérêt, elles étaient toutes si écervelées, futiles, paumées, prêtes à suivre n’importe qui pour deux minutes d’attention ou quelques secondes d’excitation.
Sa pratique devient de plus en plus fine et son exigence toujours plus grande. Ce soir, la solitude sera sa compagne. Ce n’est pas un problème, enchaîner les meurtres n’a aucun sens. Ce qui est jouissif, c’est d’augmenter la difficulté, la perversion des actes. Tuer n’est pas une fin en soi, parfois, ses proies restent vivantes mais dans l’incapacité de dénoncer. Prendre des risques est un jeu grisant.

2

Nouvelle-Orléans, Loyola University, 3 décembre.

Elle se réveille, une fois de plus, avec ce sentiment de malaise, comme si quelqu’un l’observait pendant son sommeil. Pourtant, ce matin encore, il n’y a personne dans son appartement. Elle a ressenti ce trouble pour la première fois il y a trois ans, juste après avoir appris qu’elle n’obtiendrait pas le poste qui lui revenait de droit. Elle avait alors mis cela sur le compte du stress et de la colère, pourtant, au lieu de s’améliorer avec le temps, cela s’amplifie. Elle est allée voir le psychologue de la faculté, mais il n’est rien ressorti de ces séances, il lui a même certifié qu’elle avait finale¬ment accepté son éviction à la tête du service et c’est effectivement ce qu’elle éprouve.
Alors qu’elle se rend à son bureau sur le campus universitaire de Loyola, elle ne cesse de se retourner. Elle éprouve cette étrange sensation d’être suivie. Inconsciemment, elle accélère le pas. Ses talons qui frappent le béton et qui ré¬sonnent contre le mur font monter sa panique, il lui semble entendre son poursuivant, ses pas parfaitement calés dans les siens. Elle tremble, par réflexe, elle resserre les pans de son manteau et en relève le col, mais cela ne change rien. Le froid n’est pas le responsable.
Elle arrive en sueur devant son bureau, enfonce la clef dans la serrure, s’engouffre dans la pièce en ouvrant la porte juste le nécessaire à son passage puis la verrouille à nouveau derrière elle. Elle se comporte comme une paranoïaque, ce¬pendant, se savoir à l’abri l’aidera à se calmer. Elle a l’impression que la crise dure plus que d’ordinaire. Elle est fatiguée et travaille sur un cas complexe que personne n’a encore étudié. Tout cela peut expliquer son état d’anxiété.
Elle se laisse choir dans son fauteuil en cuir et s’efforce de respirer calmement. Personne ne doit la voir comme ça. Cela ne ferait que conforter leur opinion.
À 55 ans, le professeur Jane Colson doit toujours se battre pour faire ses preuves. Elle a été la première femme dans son milieu d’étude et, après avoir dû prouver qu’elle était à la hauteur à cause de son sexe, elle doit maintenant batailler à cause de son âge.
Elle a été recrutée dans les années quatre-vingt-dix, à l’âge d’or des tueurs en série. À cette époque, ils fascinaient et l’étude de leur personnalité était toujours en plein développement. Après son doctorat en psychologie et criminologie, Jane a été embauchée par le professeur Fay. Il l’a choisie sur son physique, disant à qui voulait l’entendre qu’à compétences égales, il préférait travailler avec une jolie femme. Elle était flattée et les connaissances de Fay la fascinaient, aussi, il ne lui a pas été bien difficile de la mettre dans son lit. Elle a très vite compris qu’il ne quitterait jamais sa femme, pourtant, leur relation a duré dix ans. Ensuite, il s’est lassé et elle aussi.
Fay avait une intelligence rare, mais il était buté et il n’a jamais voulu la laisser entrer dans une prison. Il lui a catégoriquement refusé la possibilité de rencontrer les tueurs qu’elle étudiait, de discuter en tête à tête avec eux. Elle a toujours dû se contenter d’enregistrement car, soi-disant, les établissements pénitentiaires sont trop dangereux pour une femme.
Après leur rupture, Fay a engagé une secrétaire d’à peine 25 ans. Une jeune fille magnifique. Il lui a fait des avances qui n’ont jamais abouti. En dix ans il avait quelque peu perdu de sa prestance et cette gamine ne saisissait rien à ses recherches, son intelligence n’avait aucun pouvoir sur elle. Jane était assez satisfaite de voir la jeune femme repousser son patron qui ne comprenait pas pourquoi il n’arrivait pas à la séduire.
Lorsque Fay a quitté la direction du département de criminologie, Jane a espéré enfin accéder aux détenus qu’elle étudiait, toutefois, son successeur était tout aussi vieux jeu. Il y a trois ans, elle aurait dû prendre la tête du département, elle était la plus ancienne, la plus expérimentée, mais le poste lui a échappé sous prétexte de rajeunir les dirigeants. Son nouveau chef ne veut toujours pas qu’elle se rende dans les institutions de réclusion, prétextant son manque d’expérience dans le domaine et son âge. Que fera-t-elle si un prisonnier l’agresse ?
Il est vrai qu’elle semble fragile, de petite taille et menue, elle paraît plus jeune que son âge. Sans enfant, son corps n’a pas subi les affres des grossesses et son travail peu physique l’a préservée. Les rides de son visage sont encore assez discrètes pour être gommées par le maquillage et sa chevelure châtain a, peu à peu, tourné au blond au fil du temps et des colorations qui cachent ses cheveux complètement argentés.
À son âge, elle plaît encore, son charme attire les hommes de tous âges. Nombreux sont ceux qui se retournent encore sur elle dans la rue, pourtant, les relations amoureuses ne l’intéressent pas. Elle aime sa solitude et ses petites habitudes de vieille fille. Elle ne supporterait pas de faire les compromis qui sont nécessaires au bon fonctionne¬ment d’un couple. La seule condition qui pourrait la faire changer d’avis, c’est un esprit brillant, fascinant, à la limite du génie, toutefois, cela est devenu une denrée rare. Les jeunes gens lui semblent insipides, manquant cruellement de personnalité et de culture, tandis que les hommes de son âge sont restés coincés dans un carcan rigide où la femme ne doit pas être trop cultivée, n’a d’autre rôle que de les mettre en valeur et ne peut les surpasser dans aucun domaine, si ce n’est celui limité aux quatre murs de la maison. Elle n’a jamais été ni une bonne ménagère ni une bonne cuisinière et si elle n’a pas eu d’enfant, c’était par choix et non à cause des aléas de la vie.
Ressasser tout cela ne mène à rien. Si elle veut se calmer, elle doit faire le vide dans son esprit, un état presque second qu’elle n’atteint que lorsque qu’elle est plongée dans son travail d’analyse.
Elle sort de son tiroir un grand calepin et un petit dicta¬phone qui a au moins 25 ans. Elle rembobine la bande. Hier, elle a écouté l’entretien dans son intégralité afin d’avoir une idée d’ensemble. Maintenant, elle doit analyser bout par bout les réponses de cet homme qui a violé et égorgé pas moins de vingt et une femmes de 20 à 38 ans et neuf adolescentes de 15 à 18 ans. Elle travaille sur bande magnétique et non numérique car le cas qu’elle analyse actuellement est ancien, ce tueur a sévi à la fin les années 90 et a été arrêté en 2001. L’enregistrement qu’elle a en sa possession date de sa garde à vue durant laquelle il a tout avoué avec moult détails.
Cela fait des années qu’elle s’est spécialisée dans la psychologie des tueurs en série d’Amérique du Sud parce qu’elle parle couramment espagnol et, quitte à ne pas les rencontrer, autant traverser les frontières, surtout que des pays comme la Colombie ont leur lot de monstres. Quelques-uns ont eu une notoriété mondiale comme Barbosa, Lopez ou Garavito qui ont avoué des centaines de meurtres, mais de nombreux sont restés dans l’ombre, pourtant, ils sont tout aussi intéressants à analyser.
Ces pays où sévissait la guérilla ont permis à de nombreux tueurs en série d’agir en toute légalité ou, tout du moins, sous le couvert d’une cause qui semblait juste à certains. Toutes les guerres, tous les conflits de quelques natures qu’ils soient ont, depuis la nuit des temps, traîné dans leurs sillages de grands tueurs en série dont les actes sont passés inaperçus, rendus légitime par le combat. Elle aimerait analyser ces hommes, se confronter à eux.
Lorsqu’on frappe à la porte, elle sursaute. Plongée dans son écoute, elle n’a pas vu l’heure. Comme tous les matins à 10 heures tapantes, Charlie Woods, son second, vient lui apporter un thé. Elle reprend le contrôle de ses nerfs, lisse sa jupe puis va ouvrir :
— Votre porte était fermée à clef ? s’étonne l’homme d’à peine quarante ans.
— Oui, j’ai dû le faire par réflexe… je me barricade toujours dès que je rentre chez moi, je ne devais pas être bien réveillée en arrivant ce matin.
Charlie, en parfaite condition physique, vêtu d’un jean et d’un tee-shirt moulant, s’avance et pose la tasse sur le coin du bureau. Jane l’observe en se demandant pourquoi il ne l’attire plus. Ils ont pourtant pris occasionnellement du bon temps ensemble. La dernière fois qu’elle l’a invité à passer la nuit chez elle remonte à plusieurs mois maintenant. Elle sait qu’il la trouve encore à son goût malgré les années qui passent. Il cherche régulièrement à attirer son attention, cependant, elle n’y arrive plus. L’emballage est, certes, magnifique, mais il manque la finesse de l’esprit. Prendre simple¬ment son pied au lit avec une rencontre d’un soir est acceptable, cependant, il lui faut plus que cela dans une relation, même sans réel engagement.
Contrairement à ce que peuvent laisser penser les apparences, elle n’a pas choisi son assistant pour son physique avantageux mais pour son prénom, Charlie, qui était le diminutif de Charles Manson.


L’excitation gagne doucement, cependant, un manque de prudence peut faire fuir la proie. Cet homme n’est pas par¬fait, mais il y a si longtemps… qu’il fera une victime acceptable. Il a accordé sa confiance si facilement, si rapidement, que le jeu en a perdu de sa sensualité. C’est pourtant un homme intelligent, d’âge mûr, loin de la naïveté, fardeau de la jeunesse et de l’inexpérience.
Le cocktail de curare et neurotoxines agit peu à peu, il a déjà du mal à bouger et parler. Il restera conscient tout au long du supplice qui lui sera infligé. Au final, la mort ou la vie, la décision n’est pas encore prise. Cela dépendra du dé¬roulé de la séance et du plaisir qui l’accompagne, de l’envie que sa proie a de combattre aussi. Il est normal de laisser vivre les personnes qui se battent et d’achever celles qui ont déjà renoncé.
Avec ses gestes désordonnés, l’homme renverse la bouteille de Bordeaux qu’il a ouverte en l’honneur de leur amitié naissante. Le verre brisé sert d’arme de fortune particulièrement efficace. Quel plaisir de perforer la chair avec, de transformer ce type en un porc-épic hérissé de multiples morceaux de verre. Pour réaliser quelque chose de convenable, il faut fracasser d’autres objets en variant les formes et les couleurs.
Cette soirée est un véritable défouloir, une improvisation totale et une belle réussite. Elle s’achève malheureusement trop vite lorsqu’une artère est perforée par inadvertance, semant des jets carmin, accompagnant le paroxysme du plaisir. La victime, jusqu’ici consciente, s’éteint, sans un mot, sans une supplique, juste des larmes baignant son visage. Le curare anesthésie les muscles non la douleur.

3

Washington, 13 décembre.

L’équipe dirigée par Thomas Grant se réunit au complet pour toutes sortes d’occasions afin de passer des moments conviviaux, loin de l’ambiance pesante du terrain où les agents risquent leur vie. Ils se sont retrouvés chez Sarah Kramer pour Thanksgiving. Le repas préparé par son mari était un véritable régal et Anna a peur de ne pas être à la hauteur. Elle reçoit les coéquipiers de Matthew pour fêter Noël. Ce repas se fait quelques jours avant le 25 décembre afin de laisser à chacun la possibilité de se retrouver en fa¬mille pour cette journée spéciale. Anna s’est portée volontaire, elle aime recevoir l’équipe, ils passent toujours un très bon moment tous ensemble. Habituellement, ce sont des repas conviviaux, informels, sans les adolescents de Sarah qui préfèrent rester chez eux. C’est la première fois que Noël se fait dans leur petit appartement et elle se met la pression.
Elle multiplie les occasions de retrouvailles, elle sait que Matthew a besoin de ses collègues et elle espère qu’il repartira rapidement sur le terrain. Pour ce faire, elle a décidé de reprendre le travail au laboratoire du FBI dès le 4 janvier. Si elle n’est plus à la maison, son mari n’a aucune raison d’y rester enfermé. De toute façon, elle se sent prête et elle doit bien avouer que la perspective d’aider Matthew à retourner au bureau la motive. Elle a l’impression qu’il s’est fait la promesse ridicule d’être toujours à quelques pas d’elle et de Tom pour les protéger, même si ce n’est pas possible. Elle voit bien que son mari n’est pas à sa place à tourner en rond dans l’appartement. Il dort mal et ses yeux sont parfois si éteints que ça lui fait mal au cœur. Depuis que Tom est à l’école et qu’elle travaille de longues heures par jour sur ses articles, Matthew s’est plongé dans le profilage sur dossier de façon intensive, seulement, il a rattrapé le retard que son équipe avait accumulé et les nouveaux cas se font rares. De plus, il les traite si rapidement qu’il n’a vite plus rien pour l’occuper. La période des fêtes arrive donc à point pour lui changer les idées et Anna compte bien tout faire pour y parvenir.
Après avoir récupéré Tom à l’école, Anna l’emmène choisir le sapin de Noël. Comme chaque année, Tommy a les yeux qui pétillent et beaucoup de mal à arrêter son choix, Anna prend donc la décision finale pour que les autres clients n’attendent pas trop longtemps dans le froid. L’em¬ployé élague sur sa demande quelques branches afin que l’arbre ne soit pas trop touffu puis elle règle son achat. Il sera livré à son domicile en fin de journée. Le retour se fait presque au pas de course, Tom a hâte d’aller chercher les cartons contenant les décorations qui sont rangés à la cave. Anna est heureuse de voir la joie de son petit garçon. Lorsqu’ils approchent de l’immeuble, elle remarque que Matthew est à la fenêtre. Il les guette, inquiet. Sa gaieté s’envole. Elle a besoin de parler à quelqu’un, elle appellera Thomas dès qu’elle en aura l’occasion.
À peine la porte passée, Tom se jette dans les bras de son père et s’applique à lui décrire, dans les moindres détails, l’arbre qu’il a choisi. Ensuite, père et fils se rendent à la cave et reviennent les bras chargés de cartons de toutes tailles.
Ce soir, le garçon n’arrive pas à se concentrer sur ses devoirs, il est bien trop excité. Il attend avec impatience le sapin qu’il espère avoir le temps de décorer avant de devoir se coucher. Lorsque l’interphone s’anime, Tom s’exclame, euphorique :
— Le sapin est là ! Le sapin est là !
— Calme-toi, mon chéri ! le tempère Anna, avant d’appuyer sur le bouton pour ouvrir la porte du hall de l’immeuble.
Matthew observe sa famille, ces moments de bonheur sont si précieux pour lui, il a failli perdre tout cela. Il se sent chanceux. Voir les yeux de son fils et de sa femme étinceler n’a pas de prix pour lui et il consent à tous les sacrifices pour être certain de pouvoir continuer à les serrer dans ses bras aussi longtemps qu’il vivra, sachant qu’il compte vivre aussi vieux que possible. Le profileur sent qu’il a un sourire béat sur le visage. Il s’arrache difficilement à la contemplation de cet instant de quiétude pour descendre chercher l’arbre.
Le livreur l’attend en trépignant, pressé de continuer sa tournée. En découvrant le sapin, Matthew soupire, il est en¬core plus grand que celui de l’an dernier. Il signe le reçu de boucles illisibles puis se débat avec les branches et les aiguilles dans l’escalier. Arrivé en vue du troisième et dernier étage, il découvre Tom sur le pas de la porte qui l’encourage à grimper les marches plus vite. Matthew lui sourit tout en lui demandant de rentrer. Au moment de franchir le seuil, le père de famille hésite, il craint d’abîmer les branches de la base qui sont vraiment très longues et Tom s’alarme :
— Il est trop grand, il ne passe pas ?
— Si, il passera, ne t’inquiète pas mon bonhomme, je veux juste faire ça proprement, ce serait dommage de casser des branches, tu as choisi le plus beau et le plus grand, sans aucun doute.
Après un instant de réflexion, le garçon se tourne vers sa maman et demande :
— Tu crois qu’on aura assez de boules et de guirlandes pour le décorer ? S’il est plus grand que l’an dernier, on risque d’en manquer…
Anna pouffe, il y a de quoi surcharger deux arbres dans les cartons, mais elle sait que, comme chaque année, Tom trouvera un moyen pour qu’elle accepte d’acheter de nouvelles décorations.
Le sapin à peine posé au salon, Tom farfouille déjà dans les cartons à la recherche des trésors qu’il souhaite installer. Les bras chargés, il observe ses parents qui s’agitent à fixer le pied et stabiliser l’ensemble avant de faire tourner l’arbre sur lui-même pour trouver le meilleur profil. Une fois satis¬faits, ils se reculent et Tom prend les choses en main. Le sapin se couvre rapidement de couleurs et de lumières, sur¬tout à hauteur d’enfant, pour la partie inaccessible, le garçon donne ses instructions aux adultes qui s’autorisent quelques fantaisies personnelles.
L’heure tourne et Anna décide d’aller préparer le dîner, sinon, Tom se couchera trop tard et il lui sera difficile de le réveiller demain matin. Les vacances arrivent bientôt, elles seront les bienvenues pour son fils que le rythme scolaire fatigue bien plus que le jardin d’enfant.
Lorsque le repas est prêt, le sapin est entièrement décoré et il est difficile de voir encore quelques aiguilles vertes dé¬passer, pourtant, après avoir contemplé son œuvre durant tout le temps du souper, Tom finit par annoncer d’un ton très sérieux :
— Je crois que je sais ce qu’il manque à notre sapin.
Anna et Matthew se regardent, perplexes, pour eux, il ne manque rien, il y a même beaucoup trop de choses. Sans attendre la réaction de ses parents, il poursuit :
— Il n’y a pas de guirlandes blanches pour faire la neige. Tu sais, Maman, comme sur le sapin de la place quand on revient de l’école…
Anna acquiesce et son fils s’exclame :
— Si on en rajoute deux ou trois, ce sera parfait !
Anna et Matthew rient de bon cœur et approuvent. Demain, Tom et Anna passeront acheter des guirlandes blanches en sortant de l’école. Le garçon, comblé, accepte d’aller se coucher sans rechigner et s’endort pendant que son papa lui lit, comme chaque soir, une histoire.

Les jours qui suivent, Anna et Matthew sont bien occupés par la confection du repas de Noël. Anna a mis les petits plats dans les grands et Matthew l’aide de son mieux. Il aime la complicité qui les unit et passer de longs moments seul avec sa femme le rend joyeux. Lorsqu’il était sur le terrain, à l’autre bout du pays des semaines entières, il avait peu l’occasion pour ces instants de connivence. Ils ont aussi choisi et commandé les cadeaux de Tom et il est impatient de les lui offrir. Avoir du temps lui permet de s’impliquer pleinement dans tous les moments importants de sa vie de famille et il se rend compte à quel point Anna avait tout géré jusqu’ici.
Le repas s’organise le premier jour des vacances. Tous les membres de l’équipe sont attendus pour midi. Comme à l’accoutumée lors de leur réunion chez le profileur, les invités arriveront par le parking souterrain afin de passer inaperçus.
Le premier à se présenter est Patrick Baker, le spécialiste de l’équipe pour tout ce qui est informatique, écoute et mouchards. Il s’est mis sur son trente et un, mais, même avec une chemise, il fait toujours beaucoup plus jeune que son âge. Dès que Tommy le voit, il lui saute dans les bras et l’emmène dans sa chambre pour lui montrer ses nouveaux jouets. Patrick a à peine le temps de s’extasier sur la décoration de la table et de remercier Anna pour l’invitation. Tout en se laissant tirer par Tom, il fourre un paquet cadeau dans les mains de Matthew. Patrick ne pense pas à apporter une bouteille de vin ou un bouquet de fleurs, mais il n’oublie jamais d’arpenter les magasins de jouets pour gâter Tom. Il est resté un grand enfant. Matthew dépose le paquet emballé de rouge et de vert sous le sapin.
Très vite, la sonnette retentit à nouveau, c’est Miguel Paz qui se présente avec un magnifique bouquet de roses. Alors que Matthew le fait entrer, son coéquipier n’a d’yeux que pour Anna. Miguel, en mode flatteur, la complimente sur sa tenue, la décoration et tout ce qui se présente. Anna rit. Matthew ne sait pas flatter ainsi les gens et n’a pas envie d’essayer, il préfère l’honnêteté. En ce moment précis, il sait, cependant, que Miguel est parfaitement franc dans ses compliments, pourtant, Anna ne le croit pas, il en fait trop, mais c’est ce qui participe à son charme. En plus du bouquet, Miguel, qui est le parrain civil de Tom, a apporté un gros paquet qu’il dépose sous l’arbre chargé de boules colorées avant de crier bien fort :
— Où est mon filleul préféré ? Si je n’ai pas mon bisou de bienvenue dans les trente secondes, le Père Noël ne pas¬sera pas !
Tom arrive en courant, se jette dans ses bras et annonce :
— Tu sais bien que je ne crois pas au Père Noël. Papa m’a raconté toute l’histoire, l’origine de ce conte populaire et tout, tu veux que je t’explique ?
Miguel rit et lève le petit garçon à bout de bras.
Thomas Grant arrive sur ces entrefaites. Anna a discuté avec lui et ils ont décidé de pousser un peu Matthew à retourner au travail. Thomas a été surpris de l’appel à l’aide d’Anna et aussi soulagé. Il l’apprécie beaucoup et il est flatté qu’elle se tourne vers lui pour des conseils. Ils échangent un regard complice lorsqu’il vient la saluer et lui recommander de mettre la bouteille de Champagne qu’il a apportée au frais.
Quelques minutes plus tard, c’est Sarah Kramer qui se présente avec son mari et ses deux ados qui ne semblent pas particulièrement enchantés de passer leur journée entre des adultes et un petit garçon d’à peine six ans.
Les discutions vont bon train, l’ambiance est joyeuse, tout le monde trouve rapidement sa place. Les garçons de Sarah prennent leur rôle de grand frère d’un jour très au sérieux et Tom est ravi d’avoir toute leur attention. Ils lui font aussi découvrir des « musiques de grands » et des jeux qu’ils ont sur leur Smartphone.
Alors que l’après-midi est déjà bien avancé et que les convives finissent difficilement la bûche confectionnée par Anna, cette dernière annonce qu’elle reprendra le travail dès la rentrée des classes. L’ensemble de ses amis l’encourage et la félicite, elle en a presque les larmes aux yeux. Cette équipe, qui est la seule famille de Matthew, est aussi devenue la sienne, ils l’ont adoptée sans aucune réticence. Ils sont tous si gentils et bienveillants tant avec elle qu’avec Tommy. Son petit garçon a plus de tontons et tatas que la plupart de ses camarades alors que ses parents n’ont aucune famille. Le savoir entouré réconforte Anna. Il trouvera toujours une oreille attentive pour l’écouter ou de bons conseils s’il en a besoin.
Avant même que Thomas rebondisse sur l’information, Miguel donne une bourrade dans le dos de Matthew en disant joyeusement :
— Ça veut dire que toi aussi tu reprends du service ! Tu nous as manqué, l’équipe sans toi, ce n’est pas pareil !
Tous les yeux sont tournés vers Matthew qui hésite, il est flatté de ce soutien et ne sait comment annoncer qu’il ne compte pas revenir, en tout cas, pas tout de suite.
Décelant son hésitation, Thomas enfonce le clou :
— Ton retour sera une vraie délivrance, le chef va enfin arrêter de me harceler !
Matthew hausse un sourcil interrogateur invitant son ami à développer :
— Ça fait plusieurs semaines maintenant qu’il me de¬mande de recruter un autre agent, il ne veut rien entendre quand je lui explique que je ne souhaite personne d’autre que toi, que même en consultant tu es bien plus efficace que n’importe qui…
— Ouais, il m’en a parlé, annonce Miguel, il m’a presque menacé en disant que si notre taux de résolution d’enquêtes continue à chuter, il démantèlerait l’équipe, je ne l’ai pas pris au sérieux, mais vu ce que tu viens de dire, je ne sais plus que penser.
— Pourquoi tu ne m’as rien dit ? demande Thomas, stupéfait.
— Bah, j’ai cru qu’il se foutait de moi, je me vante si souvent de notre taux de réussite… c’est vrai qu’il a baissé, avec un homme en moins, on est plus lents…
— Il est hors de question qu’on touche à notre équipe, assène Patrick, nous sommes bien plus que de simples col¬lègues qui travaillent ensemble !
Tous acquiescent, y compris Matthew qui n’avait pas pris conscience des conséquences de son absence prolongée. Ce dernier se tourne vers sa femme qui lui sourit et l’encourage d’un léger signe de tête, les yeux pétillants. Après avoir pris une longue inspiration, il annonce :
— Je reviens travailler au bureau, mais je ne vais pas sur le terrain, mes horaires seront ceux des gratte-papier, je souhaite continuer à profiter de ma famille.
Thomas approuve et enchaîne :
— Cela devrait calmer un peu le grand patron et puis, si tu te charges de la paperasse, je pourrai être plus présent sur le terrain…
L’épée de Damoclès qui pèse sur l’équipe a un peu re¬froidi l’ambiance, mais cela ne dure pas. Le repas se termine en début de soirée et Anna répartit les restes. Chaque convive a de quoi manger au moins pour le lendemain. Patrick, qui ne cuisine jamais, a, comme d’habitude, droit à une double ration et il remercie chaleureusement Anna pour cette attention.
Les départs s’échelonnent. Sarah, qui prend la route le lendemain pour passer les fêtes chez ses parents, s’éclipse la première, suivie de près par Miguel qui va retrouver sa petite amie du moment. Sa liaison n’est pas assez sérieuse pour présenter sa compagne à l’équipe, il n’a d’ailleurs jamais présenté une femme à ses collègues, elles ne font que de courts passages dans sa vie. Patrick, dont les parents arriveront dans quelques jours, et Thomas, qui n’a plus de relation avec sa famille, s’attardent. Cette journée a été une véritable réussite et Anna est heureuse.
Au moment de se coucher, Tom raconte à ses parents que les enfants de Sarah ont, eux aussi, des règles de sécurité à respecter, ça l’a surpris et ça lui a fait plaisir de ne pas être le seul. Cette remarque décide Anna à mettre plus souvent Tom en relation avec les fils de Sarah. Visiblement, la différence d’âge ne pose pas trop de problème et ils ont beau¬coup en commun. Tom a besoin de les côtoyer.
 

Du sang, du sang, il y a du sang partout. Cette odeur ferreuse fait palpiter les narines, le rouge sombre captive et le goût ravive les instincts primitifs.
Le sang met en joie, ou en panique, tout dépend si l’on est le bourreau ou la victime. Il réveille aussi les peurs primales et l’instinct de survie.
Le sang est le fleuve de vie, rouge, visqueux, sage ou turbulent. Lorsqu’il s’échappe et sort de son lit, la mort est prête à frapper. Une mort sans une goutte de sang versée n’a pas de sens, elle ne ramène pas à l’origine de la vie. La naissance est violente et douloureuse, la mort doit l’être tout autant !

4

Nouvelle-Orléans, Loyola University, 20 décembre.

En plus de son thé, aujourd’hui, Charlie lui apporte des coupures de presse parlant de tueurs en série. Ces articles proviennent du monde entier et Jane les épluche afin de trouver de nouveaux sujets d’études. Il y a trente ans de cela, on lui en apportait toutes les semaines, les monstres fascinaient les reporters aussi bien que le public et cet attrait incitait à passer à l’acte pour obtenir son moment de gloire. Actuellement, cet engouement est retombé. Il y a toujours des personnes qui sont fans des serial killers, mais le monde, en général, préfère les ignorer, s’imaginer en sécurité.
Le FBI a aussi participé à cette désescalade lorsqu’il a généralisé le recrutement de psychologues spécialisés sous le beau nom de profileurs. Ces agents ont fait en sorte de frustrer leurs détenus en tenant la presse éloignée et en ayant recours à des procès à huis clos. De plus, les nouvelles tech¬niques d’enquête permettent une identification plus rapide des meurtriers, peu arrivent encore à faire des centaines de victimes. Une dizaine, c’est déjà un bon score… À l’ère des réseaux sociaux, il en faut plus pour déchaîner les foules.
Jane reçoit donc maintenant ces coupures de presse deux fois par an seulement. C’est pour elle à chaque fois un réel bonheur, elle espère trouver dans ces articles son prochain sujet d’étude, un cadeau de Noël en quelque sorte. Quel¬qu’un qui fera battre son cœur pendant plusieurs mois, dont la voix bercera ses journées et où l’analyse des horreurs qu’il a commises fera avancer la connaissance et aidera à éradiquer ses semblables.
Sans plus attendre, le professeur Colson se met à décortiquer les photocopies une à une. Elle lit attentivement les quelques lignes et essaie de comprendre les motivations de l’homme, les raisons de son passage à l’acte. S’il n’y a aucune zone d’ombre, elle passe au suivant. Elle cherche un individu énigmatique afin de percer et de mettre au jour ses réelles motivations. Si l’article n’est pas assez complet, elle se connecte alors à la base de données fédérale et demande l’accès au dossier. Les journalistes restent souvent vagues car peu informés, il arrive aussi qu’ils laissent parler leur imagination et s’éloignent de la vérité.
Après plusieurs heures de recherche infructueuse, elle décide de faire une pause. Charlie a fait, comme à l’accoutumée, du zèle en triant les articles par zones géographiques. Elle vient de finir tous ceux concernant l’Amérique du Sud. Elle enlève ses lunettes et se masse les tempes. La migraine n’est pas loin et elle espère la repousser jusqu’au moment où elle se couchera. Elle a encore mal dormi cette nuit, elle s’est réveillée en sueur à 4 heures du matin et a découvert qu’elle avait oublié de verrouiller sa porte à clef, cela ne lui arrive jamais. Elle n’a plus réussi à fermer l’œil après ça, même avec l’aide de sa bouteille de rhum vanille pour se dé¬tendre. Elle en paie le prix maintenant, pourtant, elle salive rien qu’à l’évocation de prendre un verre d’alcool. Elle se sent tellement anxieuse depuis quelques mois qu’elle savoure les moments où elle lâche prise.
Elle se lève en soupirant, s’étire puis observe son apparence dans un miroir de poche. Satisfaite de son reflet, elle sort du bureau. Alors qu’elle rejoint la salle de détente, Charlie s’empresse de la rattraper et de la questionner :
— Alors, vous avez trouvé quelque chose d’intéressant ?
— Je n’ai pas encore tout épluché, j’avais besoin d’une pause, cependant, j’ai fini les pays hispanophones et il n’y a rien, malheureusement. Il me reste l’Europe et l’Asie à étudier, mais quand bien même, je ne suis pas compétente…
— Vous êtes la meilleure, Jane, terriblement brillante, si un cas vous intéresse, il suffit de faire appel à un traducteur… ensuite, l’analyse, c’est la même pour tout le monde, non ?
— Oui, Charlie, c’est la même.
Jane sourit, elle aime les flatteries même lorsqu’elles proviennent de quelqu’un qui ne comprend rien à ce qu’elle étudie.
Arrivée dans la salle, elle salue les quelques collègues présents et se laisse tomber avec grâce sur un canapé moelleux. Elle est la seule femme et, qui plus est, la plus âgée. Tout le monde est bienveillant à son égard, mais elle n’a lié d’amitié avec personne.
L’un des hommes raconte sa dernière entrevue avec un sociopathe qui a été inculpé pour six meurtres. L’entendre parler des réactions du type en taule, des insultes et des tentatives d’intimidation l’énerve. Elle saurait gérer tout cela probablement mieux que ce blanc-bec, encore couvert d’acné, qui fanfaronne devant ses collègues qui jouent aussi aux gros durs alors qu’ils ont tous eu la trouille, un jour ou l’autre, devant le regard d’un monstre. La pression ne lui fait pas peur, elle n’a peur de personne. Cette réflexion la fait frissonner, elle doit pourtant bien s’avouer que ce n’est pas tout à fait vrai. Peu à peu, une anxiété s’est emparée d’elle au fil des mois et de l’accumulation de petits faits étranges, de sensations oppressantes. Elle balaie cette idée de son esprit et demande à Charlie qui l’observe :
— Pouvez-vous me préparer un thé, s’il vous plaît ?
— Tout de suite, Jane.
Elle ne se souvient plus à quel moment il s’est mis à l’appeler par son prénom au lieu de professeur Colson. Aujourd’hui, ce détail l’agace, en fait, tout l’agace, ce n’est pas une bonne journée.
Elle essaie de s’impliquer dans la conversation d’un col¬lègue qui doit déposer au tribunal. Elle connaît bien le juge qui s’occupe du dossier, aussi, elle lui donne quelques petits tuyaux. Ce jeune maître de conférences vient d’arriver dans leur unité de recherche et d’enseignement. C’est la première fois qu’il se retrouvera à la barre et il semble stressé. Lorsque Charlie lui tend sa tasse de thé, il a un air renfrogné, il n’apprécie pas qu’elle accorde de l’attention à d’autres hommes, il est jaloux et il faut dire qu’il y a de quoi. Bien que beaucoup moins musclé de corps, le visage est plus fin et plus harmonieux que celui de Charlie, et les yeux sont d’un bleu profond. Sans même y réfléchir, elle suggère à son nouveau collègue de jouer de son physique d’ange auprès du jury. Cette remarque met le jeune homme mal à l’aise, de plus, il ne saisit pas comment appliquer ce conseil.
Après cette pause, Jane se penche à nouveau sur les articles. Elle survole rapidement ceux traitant de l’Asie, de toute façon, elle n’en maîtrise pas les cultures. L’obstacle n’est pas la langue mais les coutumes, les religions, les rites ancestraux qu’il faut avoir en référence. Elle n’a plus ni le temps ni l’envie d’étudier tout cela.
Elle passe enfin au dernier paquet, celui de l’Europe, qui lui semble bien plus fourni qu’habituellement. Visiblement, il n’y a aucun article concernant l’Espagne, sinon, Charlie les aurait mis sur le devant de la pile. En feuilletant, elle comprend rapidement pourquoi ce lot est si volumineux, en plus des articles parus dans la presse américaine, il y aussi des photocopies d’articles français. Elle suspend son geste lorsque son regard tombe sur une photo. Elle l’étudie de plus près, persuadée de connaître ce visage. Pourtant, c’est impossible, s’il s’agit bien de l’homme à qui elle pense, cela signifie qu’il n’a pas changé du tout au cours des quinze dernières années. Elle se focalise sur le texte, elle ne com¬prend pas le français, mais cela importe peu, c’est un nom qu’elle cherche. Elle en trouve plusieurs qui ne lui disent rien et, enfin, elle voit celui qu’elle attendait : Matthew Colins.
Jane lit alors attentivement l’article américain qui n’a filtré que dans un tout petit journal de la Nouvelle-Orléans. Il y a peu de détails, l’encart explique seulement qu’un tueur en série a été arrêté en France après avoir transité par l’aéroport de Lafayette. Aucun nom n’est mentionné. Elle se penche donc sur les coupures de presse françaises, bien plus nombreuses. Elle pourrait demander à l’un de ses collègues de les traduire, la plupart des personnes travaillant dans l’unité ont étudié cette langue, pourtant, elle préfère se dé¬brouiller seule. Un sourire s’est dessiné sur son visage de¬puis qu’elle a découvert cette photo, son cœur s’est emballé, elle ne sait pas ce qu’elle espère, qu’il ait le rôle de chasseur ou de proie.
Elle choisit de commencer par le seul article où le portrait de Colins apparaît. Elle tape aussi vite qu’elle le peut les phrases dans Google Traduction. Rapidement, elle com¬prend le fond de l’article. Elle a déjà en sa possession un point essentiel pour continuer ses recherches, le nom du tueur en série interpellé : Le Boucher.
Elle délaisse alors les coupures de journaux pour la base fédérale où elle déniche tous les renseignements qu’elle souhaite. Matthew Colins, son premier étudiant qu’elle n’a pas su garder malgré la fascination qu’il exerçait sur elle, est devenu profileur au FBI. Il est donc toujours du bon côté de la barrière, du moins, en apparence… Elle en est presque déçue, elle est persuadée qu’il aurait fait un fabuleux tueur en série. Sa disparition, après avoir soutenu sa thèse, avait conforté tous ceux qui travaillaient avec elle à l’époque dans le fait qu’il était instable, proche de la rupture, prêt à basculer au premier déclencheur.
Jane se replonge avec nostalgie dans ses souvenirs. Elle se remémore ce jeune homme déterminé, n’ayant que faire des apparences. Elle revoit aussi ses yeux verts qui la fascinaient et qu’elle s’était promis d’arriver à soutenir un jour. À l’époque, elle avait dans les 35 ans et lui, presque dix ans de moins. Malgré sa liaison avec Fay, elle avait tenté de le séduire sans parvenir à attirer son attention. Elle était pour¬tant au sommet de sa beauté et savait user de ses charmes. Lorsque le jeune Matthew Colins avait demandé à changer de directeur de thèse afin de pouvoir côtoyer et interroger lui-même des tueurs en série, Fay s’était fait un plaisir d’accepter. Il l’avait ainsi éloigné de sa maîtresse. Pourtant, il était le premier à conforter les soupçons d’instabilité psychologique de l’étudiant, non par pure jalousie, son argumentation était fondée et il était heureux d’avoir un tel spécimen à observer, sans cela, il l’aurait viré tout simplement.
Lorsqu’elle avait rencontré Matthew la première fois et qu’elle lui avait demandé ce qui motivait son envie de travailler avec des monstres, il avait répondu :
— Comprendre ces personnes dont les actes sont monstrueux, les arrêter et rendre les rues plus sûres me paraît essentiel et pour cela, il faut les étudier, entrer dans leur tête, découvrir ce qui les pousse à commettre de telles atrocités. Prévoir et anticiper leurs réactions éviterait des souffrances inutiles.
Ces quelques mots avaient rappelé Jane à l’ordre, aucun être humain n’est un monstre, nous sommes tous fait de la même chair et du même sang, seuls nos actes nous différencient, aucun nouveau-né n’est foncièrement mauvais. De plus, le jeune homme offrait d’aller bien plus loin que simplement comprendre ces personnes, il proposait carrément d’entrer dans leur esprit et cela l’avait fait frémir. Personne ne veut se retrouver dans la tête d’un tueur en série.
Elle chasse ses souvenirs et procède à des recherches sur le profileur. Elle trouve peu de renseignements sur Internet, ce dernier et son équipe évitent au maximum d’apparaître dans les médias. Frustrée, elle décide de quitter son bureau, mais avant, elle remplit une demande d’accès au dossier complet du Boucher, elle épluchera ce cas et espère, par ricochet, découvrir des informations sur son ancien étudiant.

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Avis : auteurs édités / Les gardiens de son coeur - Sophia Di Lorenzo
« Dernier message par marie08 le lun. 20/05/2024 à 09:30 »
Nous faisons connaissance avec Mélissa, journaliste dans un magazine féminin. Entre son métier qu’elle aime avec passion et sa meilleure amie, Anna, Mélissa serait totalement épanouie s’il ne lui manquait le prince charmant. Chose étrange, toutes les nuits ou presque, elle fait le même rêve. Un rêve que le destin va peut-être réaliser aux dires de sa meilleure amie, cartomancienne à ses heures.

En attendant, le destin va, un jour, lui faire croiser la route d’un bel italien, Adriano. Et c’est le coup de foudre. Mais peut-être que la vie d’Adriano n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Peut-être cache-t-il un secret ? Peut-être que finalement le danger va de pair avec Adriano ?
Pour le savoir, je vous invite à lire cette belle romance. L’écriture de Sophia est agréable et fluide et les rebondissements assez nombreux pour vous tenir en haleine jusqu’à la fin.
Alors, si j’ai un conseil à vous donner, ne passez pas à côté de ce roman.

Merci Sophia Di Lorenzo pour cette belle histoire d’amour.


https://www.amazon.fr/gardiens-son-coeur-1-ebook/dp/B09XZKCBWY/ref=tmm_kin_swatch_0?_encoding=UTF8&dib_tag=se&dib=eyJ2IjoiMSJ9.XlCkryMnI04Kb-yhscB_3_sB53zXV_lWwzk4NfqFjQSZOgHu8PXwR-E3Qe0km-NJmT54ceQUH3AZYoj7rs0ImtbYJMbJPCDGtXyilMEi4kArymQicrY85Oy66RBycF9f7Mjx8ltAHRX__wSff7IUWMx6Se-X_EwmYVqGznc-HeyYRGMZKcNzBV0d4W0ldPyXDK-HSKghPoP1AXZR66lFp6es33eCu2k0sPgl5mRoAHIKX9JNrtdmftNyD-7ge6kUeF0vkNhbwBkWRIcbYY0OsTxAHi5NjT-k5MeYSV_NIfI.F3zv-e4e9KsH3UVaVB3sYvYsLjcvDGeOIZ9elDTGwLk&qid=1716190312&sr=8-1

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Mise en avant des Auto-édités / L'insouciance des cerfs volants de Marjorie Levasseur
« Dernier message par Apogon le jeu. 16/05/2024 à 17:23 »
L'insouciance des cerfs volants de Marjorie Levasseur



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  Prologue 

La porte de la librairie venait de se refermer sur Josie dans un tintement de clochette. Célia avait eu bien du mal à convaincre son employée et amie de l’abandonner seule dans le petit local de la rue Nicolas Fouquet , mais elle avait fini par céder. Célia ne voulait pas se laisser contaminer par l’angoisse de Josie. Son commerce se situait dans un quartier où les manifestants n’avaient aucun intérêt à se trouver. Ils défilaient plutôt dans les grandes artères parisiennes, là où ils étaient susceptibles de bloquer le plus de monde possible et, surtout, d’être vus et entendus. Et puis, elle avait encore quelques cartons à déballer en vue de l’installation des nouvelles parutions de la rentrée littéraire. Célia n’était pas près de retrouver son minuscule appartement nanterrien, elle avait du pain sur la planche si elle voulait que tout soit prêt à temps.
Elle embrassa du regard l’agencement de l’intérieur de cette petite boutique qui était la sienne depuis bientôt un an et sourit. L’endroit avait tellement changé depuis la mort de Pierre, son grand-père paternel. La librairie était passée d’une décoration ultra moderne aux néons aveuglants à un lieu plus cosy aux lumières tamisées et chaudes. Célia avait longtemps hésité avant de tout transformer, mais sa grand-mère Garance – la veuve de Pierre, qui vivait désormais dans un petit village reculé de Bretagne, d’où elle était originaire – lui avait dit que son aïeul aurait aimé qu’elle modifie les lieux à son goût.
Alors Célia avait demandé à son père, menuisier de son état, d’orner les murs du commerce d’une multitude d’étagères de style ancien. Les néons avaient laissé place à des appliques rétro, la peinture blanche des cloisons avait été recouverte de boiseries et les contremarches de l’escalier qui menait à l’étage étaient revêtues d’un habillage portant les titres des livres que Célia affectionnait tout particulièrement. Et force était de constater que les lecteurs qui franchissaient l’entrée de la boutique appréciaient son ambiance chaleureuse et le sourire bienveillant des deux jeunes femmes qui y officiaient. C’était la librairie dont elle avait toujours rêvé…
Célia laissa échapper un soupir et se dirigea dans la réserve où étaient stockés les paquets qu’elle devait déballer. À peine eut-elle débarrassé le premier de son large ruban adhésif qu’elle entendit la clochette de la porte retentir de nouveau.
— Tu as oublié quelque chose, Josie ? lança-t-elle avant de reposer le cutter sur le carton pour revenir dans le local principal. Oh… Bonjour, Messieurs… Je peux vous aider ?
Les trois hommes qui se tenaient debout devant la bibliothèque dédiée à la science-fiction n’avaient rien des lecteurs qu’elle avait coutume de voir entrer dans sa librairie. Ils étaient vêtus de noir, les joues mal rasées et le regard pas franchement avenant, mais son grand-père lui avait inculqué qu’il ne fallait pas se fier aux apparences et que les appétits livresques les plus gourmands pouvaient émerger des personnes les plus inattendues. En avançant de quelques pas dans leur direction, Célia ne se départit donc pas de son sourire quand elle ajouta :
— Vous cherchez un livre en particulier ?
Ce fut à ce moment qu’elle la vit. Une longue barre de fer que le plus grand d’entre eux, un homme blond à la mine sinistre, tenait fermement contre sa jambe. Il n’essayait même pas de la cacher.
Des casseurs… Ils viennent probablement de la manif, se dit Célia qui tentait tant bien que mal de maîtriser le tremblement soudain de ses mains.
Instinctivement, la jeune femme recula d’un pas, même si elle était bien consciente que retourner dans la réserve, qui ne possédait pas de porte à verrouiller ni de seconde issue, était comme se tirer une balle dans le pied. Il était plus prudent de rester dans la boutique et d’essayer de parlementer. C’était ce que son grand-père aurait fait, à n’en pas douter, seulement l’ancien libraire n’avait pas son gabarit. Il en imposait du haut de son mètre quatre-vingt-dix et sa grosse voix en impressionnait plus d’un. Célia était seule face à ces trois individus dont les intentions lui paraissaient soudain plus que louches.
— Il sait pas lire, ricana l’un d’entre eux en désignant l’homme armé de la barre.
— Ferme-la, guignol ! aboya ce dernier sans quitter Célia du regard.
Il fit un pas en avant.
— Je… je n’ai pas eu beaucoup de clients aujourd’hui, la caisse est presque vide. Mais prenez tout, ça m’est égal…
— Tu crois que c’est la caisse qui m’intéresse ? dit-il en s’approchant si près de Célia qu’elle put sentir son haleine empestant la bière bon marché.
— Hé ! Qu’est-ce que tu fous, mec ?! On a dit qu’on cassait un peu, qu’on embarquait le fric et basta, non ?
— Mais on pourrait s’amuser aussi…
Le regard empreint de lubricité qu’il laissa glisser sur le corps de la jeune femme la fit tressaillir. Elle avait longtemps hésité avant d’enfiler cette robe le matin même, sachant pertinemment qu’elle attirerait les œillades et les sifflements de types lourdauds sur son trajet. Mais les températures étaient caniculaires ce jour-là et elle refusait de permettre à ces harceleurs de rue de prendre le pouvoir et de l’empêcher de s’habiller comme elle le souhaitait. Mais subir les assauts de mâles émoustillés en public était une chose, se retrouver seule face à trois hommes dans sa librairie lui faisait amèrement regretter ses revendications de liberté.
Le grand blond s’immobilisa et se tourna vers ses compères.
— Elle est bien roulée, non ?
Les acolytes échangèrent un regard incertain. Célia profita de ce moment pour s’éloigner un peu du prédateur.
— Hep ! Où tu vas, ma jolie ?
Il la retint par le bras et l’attira contre lui. Ce ne fut plus seulement la bière qu’elle sentit à ce moment-là, ni la sueur de cet homme, mais l’odeur de sa propre peur. Elle lança un œil affolé en direction des deux complices, mais ils semblaient aussi peu rassurés qu’elle. Ce fut à ce moment qu’elle comprit réellement qui était le leader du trio. Le grand blond à la barre de fer les terrorisait tout autant qu’elle.
— Tant pis pour vous, les gars… Moi, je vais me faire plaisir, lâcha-t-il avant de plaquer sa bouche contre la sienne.
Célia tenta tant bien que mal de repousser son agresseur de toute la force de ses bras, mais il était plus robuste qu’elle, beaucoup plus fort. Et quand sa langue força la barrière de ses lèvres, elle ne put réprimer un haut-le-cœur. L’homme resserra son emprise et l’accula de son corps jusqu’à la réserve. Avant de quitter la pièce principale de la librairie, il s’adressa une dernière fois aux deux autres :
— Vous ne laissez personne entrer, c’est compris ?!
Célia n’entendit pas leur réponse. D’ailleurs, avaient-ils seulement répliqué quoi que ce soit ? Elle tenta à nouveau de repousser son agresseur :
— Lâchez-moi ! Mais lâchez-moi !
— Chut… Allez ma belle, ça va te plaire, crois-moi…
— Au secours !
La violence de la gifle qu’il lui asséna lui fit perdre l’équilibre et elle atterrit sur le sol, amortissant sa chute de son bras. L’homme brandit alors la barre de fer qu’il tenait toujours dans sa main gauche.
— Si tu cries encore, pétasse, j’hésiterai pas à m’en servir !
La paume sur sa joue meurtrie, Célia resta comme pétrifiée. Elle imaginait sans mal qu’il mettrait sa menace à exécution. Ce n’était pas le genre de type à accepter qu’on lui tienne tête.
— S’il vous plaît… supplia-t-elle. Prenez la caisse et partez, je ne dirai rien, je vous le jure…
Ses derniers mots finirent dans un murmure. L’homme posa la barre sur un carton, s’agenouilla près d’elle et la fixa avec ironie.
— Je m’en tape de la caisse, jolie rouquine. C’est toi que je veux…
Célia secoua la tête et souffla plusieurs fois le mot « non » comme une litanie. Il n’en eut cure. Sans qu’elle le réalise vraiment, elle se retrouva allongée sur le sol, continuant à repousser vainement ce corps lourd qui ne désirait qu’une chose, prendre possession d’elle. Elle eut l’impression d’étouffer quand il posa d’autorité sa main sur sa bouche et releva sa robe de l’autre.
Quand son agresseur écarta violemment ses jambes pour se placer entre elles, le cerveau de Célia se mit soudain sur pause. Elle cessa de se débattre, ne ressentit plus rien, n’entendit plus aucun son si ce n’est celui, lointain, d’une clochette…
Et puis, le noir complet.

 
  Chapitre 1er 

Un peu plus d’un an plus tard
— Je ne comprends pas pourquoi tu les as teints. Ce roux était vraiment magnifique…
Célia continua de brosser sa chevelure en souriant au reflet de sa grand-mère dans le miroir.
— La couleur auburn n’est pas si éloignée du roux, Mamie. Tu trouves que ça ne me va pas ?
Garance s’approcha de sa petite-fille et vint prendre place à côté d’elle sur le petit banc de sa coiffeuse. Elle l’entoura de ses bras et lui murmura à l’oreille :
— Brune, blonde, rousse ou auburn… peu importe, ma chérie. Tu seras toujours jolie comme un cœur ! J’aimerais cependant être sûre que tu as décidé de choisir une autre teinte pour de bonnes raisons…
Le sourire de Célia se fana imperceptiblement. Sa grand-mère la connaissait si bien !
Un peu plus d’un an auparavant, Célia avait opéré des changements radicaux dans sa vie, et le chantier avait commencé par son apparence physique. La jeune femme n’avait pas juste opté pour une couleur capillaire différente, mais, en public, ne portait plus ses cheveux que tressés. Il était bien fini le temps où elle laissait sa chevelure caresser librement ses épaules. Même celles-ci étaient désormais cachées et ce n’était pas seulement dû au climat plus frais et humide de la Bretagne. Sa garde-robe aussi avait pris un virage à 180 degrés. Célia mettait les vêtements les plus couvrants possibles, même en été.
Elle ne voulait plus attirer l’attention des hommes sur elle. Elle cherchait, non pas à s’enlaidir, mais à dissimuler tout ce qui faisait d’elle une femme. Tout cela parce qu’un jour, un prédateur avait franchi la porte de sa librairie parisienne, avait trouvé la « jolie rouquine » qu’elle était à son goût et cru avoir des droits sur son corps.
Elle s’était alors dit qu’en s’expatriant au fin fond de la Bretagne, dans le petit village natal de sa grand-mère paternelle, le risque serait moins grand de rencontrer ce genre de type. Ce n’était pas ici qu’elle allait croiser des blacks blocks ou des harceleurs. Dans cette bourgade, tout le monde se connaissait et se respectait, et la moyenne d’âge masculine avoisinait les soixante-quinze ans. À moins de rencontrer un papy pervers, il y avait donc, selon Célia, peu de chances qu’elle se fasse de nouveau sexuellement agresser.
Car c’était bel et bien d’une agression sexuelle dont elle avait été victime, même si l’homme qui voulait abuser d’elle n’avait pu aller jusqu’au bout de son forfait. C’était ce qu’on lui avait raconté une fois que ce type avait été appréhendé et qu’elle avait repris connaissance, allongée sur la causeuse à deux places qui trônait dans le petit coin lecture qu’elle avait aménagé dans sa librairie.
« Pas de pénétration », lui avait confirmé un médecin qui travaillait aux urgences, là où l’avaient escortée deux agents de police alors qu’elle était encore en état de choc.
Pas de pénétration, non. Pourtant, pour Célia, cela revenait au même. Elle s’était sentie salie, humiliée… Ça ne changeait rien qu’il n’ait pas eu le temps d’entrer en elle. Il lui avait volé son intimité, sa dignité, sa confiance. Il l’avait giflée, mise à terre et elle avait cru étouffer sous son poids. Il avait fait du seul endroit où elle était elle-même, où elle pensait être en sécurité, son sanctuaire, le lieu qu’elle aimait le plus, une antichambre de la douleur et du cauchemar.
Célia n’avait plus jamais remis les pieds dans sa librairie, déléguant à son père le soin de la mettre en vente. Cette boutique si chère au cœur de son grand-père disparu, elle avait préféré s’en débarrasser. Et cela avait été un véritable déchirement.
Lorsqu’elle était arrivée chez sa grand-mère, après être restée trois semaines sans sortir de son petit appartement situé en région parisienne, les premiers mots qu’elle avait prononcés avaient été pour Pierre Daunel. Elle avait eu l’impression de trahir son aïeul et en avait demandé pardon à Garance, mais celle-ci l’avait encore une fois rassurée. Il aurait compris que désormais ce lieu rappelait trop de mauvais souvenirs à Célia.
— C’est une phase de transition, Mamie. Ça ira mieux dans quelque temps…
— Ça fait plus d’un an, ma chérie…
— Je vais à mon rythme.
— Oui, bien sûr, mais si tu acceptais l’aide d’un professionnel…
— J’ai seulement besoin de me sentir en sécurité auprès de gens en qui j’ai confiance. C’est ce que je suis venue chercher ici. Il me faut juste encore un peu de temps.
— En région parisienne, il y avait tes parents aussi.
— Tu… regrettes de m’avoir accueillie chez toi ? demanda Célia, des trémolos dans la voix.
— Pas du tout, je suis très heureuse de t’avoir auprès de moi. Tu seras toujours chez toi, ici. Mais tu parles des gens en qui tu as confiance. Ce n’est pas le cas pour ton père et ta mère ?
— Je… ne pouvais pas rester là-bas, il fallait que je m’éloigne… Toi aussi, tu as quitté Paris après la mort de Papy.
— C’était différent, Célia. Je ne me suis jamais sentie parisienne, tu le sais bien. Ton père est un adulte, il avait sa vie. J’avais besoin de retrouver mes racines, ma Bretagne. Pierre était la seule raison qui me faisait y demeurer. Pour toi, il s’agit davantage d’une fuite, Célia.
Les doigts de la jeune femme se crispèrent sur sa brosse. Elle ne voulait pas se disputer avec sa grand-mère. Elle savait que celle-ci avait un caractère fort et ne mâchait pas ses mots. Et si, les premiers mois, elle avait fait preuve d’indulgence et de bienveillance envers sa petite-fille, Garance pensait à présent que Célia se devait de réagir et de reprendre sa vie en main. Elle le lui faisait comprendre de manière plus ou moins subtile, mais les faits étaient là.
Célia commença à tresser sa longue chevelure désormais auburn et les attacha avec un simple élastique noir avant de se lever.
— Je te promets d’y réfléchir, mais là je vais être en retard à la bibliothèque, Mamie. Je vais y aller… dit-elle en venant plaquer un baiser sur la joue de son aïeule.
Sa grand-mère la retint en posant une main sur son bras et planta son regard bleu acier dans le sien.
— Je t’aime, ma Célia, n’en doute jamais. Je souhaite juste ton bonheur.
La jeune fille lui sourit avec tendresse.
— Moi aussi, je t’aime Mamie G.

 
  Chapitre 2 

Le village où vivait Garance Daunel, née Quemener, était un des rares à n’avoir pas suivi le mouvement quand une décision ministérielle avait autorisé, quelques années auparavant, les communes à revenir à la semaine des quatre jours de classe. Le mercredi matin, la petite bibliothèque au toit de chaume était donc désertée par les enfants. C’est pourquoi Célia fut surprise lorsqu’un garçon d’une dizaine d’années fit son entrée sur les coups de 10 heures.
Le teint blafard et le cheveu hirsute, le gamin portait un blouson bleu un peu grand pour lui et un jean troué au genou gauche. À chacun de ses pas, aussi discrets que ceux d’un chat, il semait sur son passage ce que Célia identifia comme des brins d’herbe ou de la paille dont ses vêtements semblaient recouverts.
— Bonjour ! lança-t-elle.
L’enfant, qui progressait à pas comptés en direction du rayon jeunesse, s’immobilisa et tourna lentement la tête vers Célia.
— B’jour, lâcha-t-il avant de l’ignorer totalement et de parcourir une des étagères.
Célia l’observa un moment, se demandant si elle devait le rejoindre pour l’interroger sur sa présence en ces lieux alors qu’au vu de son âge, il aurait dû se trouver en classe avec ses autres camarades. Elle finit toutefois par se dire que cela ne la regardait pas s’il faisait l’école buissonnière. Étant gamine, elle aussi aurait préféré passer son temps au milieu des livres plutôt que sur les bancs d’une salle de cours. Même si elle était une bonne élève, sa nature rêveuse prenait souvent le dessus et les histoires qu’elle découvrait dans ces milliers de pages avaient toujours fait son bonheur.
Et puis, plus elle le regardait et plus elle se disait qu’elle ne l’avait jamais vu à la bibliothèque. Elle accueillait régulièrement les quelques enfants du village et ceux des alentours et elle était certaine que ce n’était pas un habitué. Alors, pourquoi l’embêter s’il n’était que de passage ? Célia retourna donc à son travail d’enregistrement des nouveautés sur l’ordinateur hors d’âge qui, par miracle ce jour-là, avait décidé de fonctionner.
Il se passa près d’une heure sans que personne d’autre ne franchisse le seuil de la bibliothèque. Les journées de Célia étaient assez calmes. Elle se demandait encore pourquoi le maire avait tellement tenu à embaucher quelqu’un à plein temps pour remplacer mademoiselle Leblanc, la septuagénaire qui officiait là avant elle, bénévolement qui plus est. Bien sûr, cette dernière avait bien mérité de se reposer après plusieurs années de bons et loyaux services, mais ce n’était pas la question. Augmenter les plages horaires d’ouverture n’était pas nécessaire. Célia soupçonnait sa grand-mère d’y être pour quelque chose.
En effet, Garance était une grande amie du maire et il était fort probable qu’elle l’ait supplié de lui faire une fleur en proposant un poste rémunéré à sa petite-fille qui traversait une mauvaise passe et avait besoin d’être occupée et de se sentir utile. Célia savait pouvoir compter sur la discrétion de Garance et elle était certaine qu’elle n’en avait pas révélé davantage sur ses… déboires parisiens. Mais elle n’aimait pas l’idée d’avoir été pistonnée pour obtenir un travail et encore moins qu’on la prenne suffisamment en pitié pour la payer à occuper un poste qui l’avait été jusqu’ici bénévolement.
Elle avait longuement réfléchi avant d’accepter la proposition de sa grand-mère, et puis elle avait fini par convenir que de cette manière, elle aurait moins l’impression d’être un poids pour son aïeule. Elle logeait chez celle-ci, il était normal qu’elle donne sa part. Elle avait donc dit oui à condition que Garance la laisse prendre en charge les courses.
Le cœur du métier de bibliothécaire était le même que celui de libraire : conseiller les gens, les diriger vers des lectures qu’ils n’auraient peut-être jamais découvertes sans un petit coup de pouce, recueillir leurs avis et ressentis, à leur retour… De cette façon, Célia avait le sentiment de n’avoir pas totalement abandonné son ancienne profession. La passion des livres était toujours solidement ancrée en elle et n’était pas près de la quitter.
— Pardon, Mademoiselle…
Célia sursauta. En levant le nez de son clavier, elle vit le garçon qui se tenait devant son bureau, un roman à la main.
— Euh… oui ?
— Il manque des pages, dit-il en posant l’objet ouvert devant elle.
Célia fronça les sourcils, contrariée.
— Oh… c’est vrai ?
La jeune femme prit avec soin le vieil exemplaire du chef-d’œuvre de Saint-Exupéry entre ses doigts. Bon nombre des ouvrages de cette bibliothèque étaient là depuis des décennies et les « nouveautés » qui venaient rejoindre les étagères étaient déjà souvent un peu abîmées. Célia pestait sans arrêt contre le peu d’égard de certains lecteurs envers les livres.
— Je… je vais le mettre de côté pour l’instant. Tu veux que j’essaie de te trouver un autre exemplaire ?
— Il n’y a que celui-là.
— Ah…
— J’aimerais vraiment le lire…
Célia leva les yeux sur le jeune garçon et lui sourit, compréhensive.
— C’est l’une de mes toutes premières lectures. Et il m’arrive encore d’en relire certains passages quelques fois. Je l’aime beaucoup. Je vais voir si on peut se le procurer, ajouta-t-elle en tapant sur son clavier.
— Vous l’aurez dans combien de temps ? demanda-t-il sans attendre qu’elle ait vérifié.
— Je ne sais pas. Une bibliothèque ne fonctionne pas comme une librairie. Je dois faire une liste et la commande doit être approuvée par monsieur le maire.
L’enfant soupira, frustré.
— C’est pas grave, lâcha-t-il en baissant la tête. Je vais prendre autre chose.
Et il s’en retourna vers le coin jeunesse, en traînant des pieds.
Célia ressentit un pincement au cœur face à son évidente déception. Elle avait vu beaucoup de gamins passer dans cette bibliothèque, mais aucun ne lui avait semblé aussi triste à l’idée de ne pas pouvoir lire un livre. Elle réfléchit. La librairie la plus proche se trouvait à une cinquantaine de kilomètres de là, mais elle imaginait déjà sa grand-mère la tancer pour avoir pris l’initiative d’acheter ce livre sur ses deniers personnels… surtout un roman dont elle possédait un exemplaire dans sa chambre.
Un large sourire étira les lèvres de Célia. Mais oui, c’était ça la solution ! Elle allait lui prêter le sien !
Tu t’emballes, Célia, lui cria sa petite voix intérieure. Ce gosse n’est même pas du coin. S’il t’emprunte ton livre, tu ne le reverras jamais !
« Mais s’il le lit ici, je pourrai garder un œil sur lui… »
— Attends !
Le garçon tourna son visage vers elle.
— Tu… as la possibilité de repasser cet après-midi ?
Il revint vers elle en hochant la tête.
— Oui, je peux.
— OK. Je ferme la bibliothèque à midi, mais j’ouvre à 14 heures. J’apporterai mon édition du Petit Prince et tu pourras le lire ici, si tu le souhaites. Qu’en dis-tu ?
Le regard bleu du gamin s’illumina d’un coup.
— Vous feriez ça ?
— Oui, bien sûr ! Je compte sur toi pour en prendre soin par contre. J’y tiens beaucoup, c’est mon grand-père qui me l’a offerte.
— Vous pouvez me faire confiance, je ne l’abîmerai pas ! Merci beaucoup ! s’exclama-t-il avant de faire demi-tour pour se diriger vers la sortie.
— Hé ! Je ne connais même pas ton prénom !
Il la regarda une dernière fois et puis, après une légère hésitation, lui répondit.
— Gabin. Je m’appelle Gabin.
Et il disparut derrière la porte en bois.

 
  Chapitre 3 

Célia l’avait attendu tout l’après-midi, mais Gabin n’avait pas montré le bout de son nez. D’autres enfants étaient venus, accompagnés de leurs parents ou de leurs grands-parents, mais elle n’avait pas revu l’étrange garçon et en avait été dépitée. Sa réaction l’étonnait elle-même. Elle ne le connaissait ni d’Ève ni d’Adam et pourtant ce gamin l’avait touchée. Les brèves minutes durant lesquelles ils avaient échangé, son enthousiasme lorsqu’elle lui avait proposé de lui prêter son exemplaire du livre de Saint-Exupéry afin qu’il puisse le lire l’avait marquée. Comment cela était-il possible ?
Ce jeune garçon l’intriguait, elle devait bien l’avouer. Sa présence dans cette petite bibliothèque de village l’avait sortie de son train-train quotidien et son air un peu mystérieux avait suscité en elle une curiosité, un intérêt qui l’avaient réveillée.
Depuis plusieurs mois, Célia s’engluait dans une routine dont elle avait, au tout début, apprécié le confort. Elle était venue chercher la sécurité en Bretagne, elle l’avait trouvée, mais ce n’était pas la seule chose qu’elle avait obtenue en se terrant dans ce village. Ici, la vie n’était pas aussi trépidante que celle qu’elle avait connue en Île-de-France, l’ennui la gagnait souvent.
Célia aimait beaucoup sa grand-mère, elle appréciait de travailler au milieu des livres – d’une manière certes différente qu’en librairie, mais peu importait –, pourtant il lui manquait quelque chose. Ses amis, les sorties, l’effervescence de la Capitale, la non-nécessité de prendre sa voiture pour aller faire les courses ou aller consulter un chirurgien-dentiste…
Sans s’en rendre compte, elle était devenue une vraie citadine. Et si elle adorait la Bretagne et tout ce que celle-ci pouvait offrir de beautés, elle ne se voyait pas y vivre toute son existence… du moins pas dans ce village reculé qui ne proposait pas de réelles opportunités d’évolution professionnelle aux jeunes de son âge.
Célia n’avait que vingt-quatre ans et elle n’avait qu’un désir : réussir un jour à dépasser ses peurs pour aller de l’avant. Mais il était encore trop tôt, elle ne se sentait pas assez forte pour reprendre sa vie en main. Pour l’instant, elle se laissait porter. Elle fuyait. Sa grand-mère avait bien raison sur ce point.
Lorsqu’il apparut clairement à Célia, cinq minutes avant l’heure de fermeture, que Gabin ne viendrait finalement pas, elle se résigna à faire un dernier tour parmi les rayonnages pour s’assurer qu’aucun ouvrage ne traînait sur les tables avant d’éteindre son ordinateur puis les lumières. Elle quitta les lieux, l’esprit préoccupé, et verrouilla la porte.
 
Du coin de l’œil, Garance observait Célia qui triait d’un air distrait les différents ingrédients de sa salade. Depuis son retour à la fermette, Célia semblait perdue dans ses pensées. Elle l’avait aidée à préparer le repas, mais alors qu’elle était habituellement très bavarde et lui racontait les menus événements de sa journée, Célia n’avait quasiment pas ouvert la bouche.
— Tout va bien, ma chérie ?
La jeune fille sursauta en entendant la voix de Garance.
— Hum ? Pourquoi cette question ?
— J’ai l’impression que quelque chose te tracasse. Tu es particulièrement songeuse, ce soir.
— Oh… je pensais juste à ce garçon qui est passé à la bibliothèque, ce matin.
Le regard insistant de sa grand-mère incita Célia à poursuivre. Elle lui raconta donc sa rencontre avec Gabin, ses vêtements élimés, son allure nonchalante et surtout sa promesse non tenue.
— Alors, c’est ça que tu es venue chercher, ce midi ! Eh bien… peut-être a-t-il eu un imprévu, tout simplement… À quoi ressemble-t-il ? Tu es sûre de ne l’avoir jamais vu auparavant ?
— Certaine. Je connais tous les gamins du coin, c’est la première fois qu’il entrait dans la bibliothèque. Il est assez grand, les cheveux blonds, la peau très pâle et les yeux bleu clair. Oui… il a vraiment de jolis yeux, extrêmement expressifs. Il doit avoir une petite dizaine d’années.
— Et tu dis qu’il se nomme Gabin ? insista Garance en tentant de se remémorer si elle avait déjà entendu ce prénom dans le village.
— C’est le prénom qu’il m’a donné, oui. D’ailleurs, maintenant que j’y repense, il a eu l’air d’hésiter avant de m’avouer comment il s’appelait…
— Ah oui ? Tu crois qu’il t’a menti ? Pour quelle raison ?
— Menti, non, pas vraiment. C’est juste que… J’ai eu le sentiment qu’il n’était pas sûr de vouloir me communiquer cette information.
Garance fronça les sourcils.
— C’est étrange, effectivement…
— Oui… Ou alors c’est mon imagination débordante qui me joue des tours, reconnut Célia sur un ton fataliste.
— Imagination… ou intuition. Et cette dernière ne t’a jamais fait défaut ! En tout cas, je pense que tu devrais arrêter de t’inquiéter. Son absence de cet après-midi a sûrement une raison toute simple. Ne te mets pas à envisager qu’il lui est arrivé une catastrophe. Je te connais… ajouta-t-elle avec un clin d’œil en se levant pour aller ranger son assiette dans le mini lave-vaisselle.
— C’est plus fort que moi, Mamie… Ce gamin sort de nulle part, il n’était accompagné d’aucun adulte et la façon dont il était habillé me laisse penser que sa famille ne doit pas rouler sur l’or…
Garance revint s’asseoir à table et posa une main sur celle de sa petite-fille.
— Tu ne peux pas sauver tout le monde.
— Je n’essaie pas, je…
— Célia… Quand tu travaillais à Paris, tous les jours, tu achetais un sandwich au sans-abri qui s’était installé sous une porte cochère dans la rue de la librairie.
— Et alors ? Les gens passaient sans même le regarder ! Ce n’est tout de même pas un crime de tendre la main à ceux qui sont dans le besoin ! D’ailleurs, maintenant que j’ai quitté la région parisienne…
— Stop, Célia ! Ne commence pas à t’imaginer le pire concernant ce pauvre homme ! Ce n’est pas parce que tu n’es plus là pour lui offrir ce casse-croûte qu’il lui est arrivé malheur.
— Mais…
— Non… insista Garance sur un ton réprobateur.
Célia reposa sa fourchette et baissa les yeux sur son assiette. Elle n’avait pas mangé grand-chose, mais désormais tout appétit l’avait désertée. Elle détestait se faire sermonner ainsi par sa grand-mère. Elle n’était plus une fillette, bon sang !
— Tu ne vas pas te mettre à bouder tout de même ?
Célia lui lança un regard noir.
— Je ne boude pas, Mamie. Mais quand tu dis ça, j’ai l’impression d’entendre Maman et je n’ai pas besoin de ça… Je me sens infantilisée. Je pensais que toi, au moins, tu comprendrais ma façon de voir les choses. Papy, lui, m’encourageait toujours à laisser parler mon cœur.
Garance ferma les yeux et prit une grande inspiration, comme si elle essayait de s’apaiser. Lorsqu’elle les rouvrit, Célia ne lut plus ni désapprobation ni agacement dans son regard.
— Je suis désolée, ma chérie. Je ne cherche pas à t’infantiliser, mais je m’inquiète pour toi et je voudrais que tu réagisses, que tu avances. Songe à toi avant de te préoccuper de personnes que tu ne reverras peut-être jamais de ta vie. C’est important. TU es importante, toi aussi.
La jeune femme sourit à sa Garance.
— Et concernant ta mère… je suis certaine qu’elle ne pense pas non plus à mal lorsqu’elle te… bouscule un peu. Elle t’aime autant que je t’aime, c’est juste qu’elle ne supporte pas de te voir malheureuse…
— Je… ne suis pas malheureuse, je…
— Mais tu n’es pas heureuse, la coupa Garance. Moi, je meurs d’envie de retrouver la Célia d’avant, celle dont le visage était sans cesse illuminé d’un sourire et qui était toujours partante pour s’amuser. Celle qui adorait s’apprêter pour sortir, rencontrer des gens de son âge… C’est cette Célia que je veux que tu redeviennes.
— C’est… difficile.
— Mais pas impossible.
Célia regarda Garance. Elle aurait aimé lui faire plaisir et permettre à celle qu’elle était, avant son agression, de refaire surface, seulement elle n’y parvenait pas. Pas encore. Se faire du souci pour ce sans-abri et pour le jeune Gabin était peut-être une manière d’oublier ses propres problèmes. Il n’en demeurait pas moins que cette inquiétude n’était pas feinte. Célia était sincère, dans tout ce qu’elle entreprenait, dans ce qu’elle ressentait, elle ne pouvait faire autrement.
Elle se leva de table, vida les restes de son assiette dans la poubelle avant de mettre sa vaisselle avec celle de sa grand-mère dans le petit appareil électroménager. Elle se tourna alors vers Garance qui n’avait pas bougé.
— Je comprends que Maman et toi vous fassiez du souci, mais laissez-moi gérer les choses à ma manière. Me presser ne changera rien. Et si j’ai envie de m’en faire pour de parfaits inconnus… c’est mon droit le plus absolu.
Et elle sortit de la cuisine sans permettre à sa grand-mère de répliquer.
6
Avis : auteurs auto-édités / Rien de grave, je t'assure de Jean-Luc Rogge
« Dernier message par Antalmos le lun. 13/05/2024 à 09:21 »
Après avoir lu "Dérapages inattendus" que j'avais adoré, de Jean-Luc Rogge, auteur de nombreux recueils de nouvelles, j'avais hâte de découvrir son unique roman "Rien de grave, je t'assure" et comme je m'y attendais, connaissant la plume fluide et efficace de l'auteur et sa capacité à créer des personnages et des situations intéressantes, je n'ai pas été déçu. L'intrigue débute dans un premier temps autour d'une famille, apparemment sans histoires, dont nous faisons connaissance indépendamment avec chaque membre, à travers des chapitres courts. Le titre prend sa source dans un écart de conduite du père, Pascal, qui tente de minimiser son erreur, et qui est loin de se douter des répercussions qu'elle aura sur toute sa famille. Les masques tombent, les vrais visages se révèlent, des drames vont se jouer, la mort rôde autour de chacun des protagonistes. Si l'histoire tourne dans un premier temps autour de la disparition d'Adeline, la femme de Pascal, qui vit mal la situation, la deuxième partie se concentre essentiellement sur Louise, leur fille, qui décide de tout plaquer et va tenter de refaire sa vie en Espagne avec la complicité d'Amélie, sa tante. Mais de nouveaux drames vont se jouer, la mort n'a pas dit son dernier mot.
J'ai particulièrement apprécié la construction des chapitres, écrits à la première personne, passant successivement d'un personnage à l'autre et qui permet au lecteur de s'immiscer dans la tête de chacun d'eux.
En résumé, je vous invite, si vous ne le connaissez pas encore, à découvrir cet auteur à travers ce roman riche en personnages et en rebondissements.
7
Avis : auteurs édités / E L - Jérôme Segguns
« Dernier message par marie08 le sam. 11/05/2024 à 13:24 »
Un thriller ésotérique

C’est le premier roman que je lis de cet auteur et je n’ai vraiment pas été déçue. Bien au contraire, il m’a tenu en haleine du début à la fin.
Mais avant de vous partager mon ressenti, je tiens à saluer l’énorme travail que Jerôme Segguns a dû effectuer pour écrire ce roman où l’historique fait corps avec l’ésotérisme.

Nous sommes en Cisjordanie. Pia, une jeune archéologue, accompagnée de son frère, de quelques étudiants et des hommes de la région, fait une découverte défiant l’entendement humain :  l’incontestable chainon manquant qui relie les hominidés aux hommes.
Dès lors, bon nombre de questionnement et d’interrogations d’ordre spirituel accompagneront non seulement la protagoniste, mais également le lecteur dans une quête de la vérité riche en rebondissements et en suspense.

L’énigme est si bien menée qu’il nous est impossible de lâcher le livre avant de connaître le dénouement.

La plume de l’auteur est une très belle découverte. A tous les amateurs d’histoire, d’archéologie et de mystère, je recommande vivement ce roman.

Merci Jérôme Segguns pour cette incroyable aventure.
https://www.amazon.fr/El-J%C3%A9r%C3%B4me-Segguns/dp/2956169815/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&dib_tag=se&dib=eyJ2IjoiMSJ9.ISmAFkx0lWOPqoWX2WsA8IOTRGTKZXk7i-688hFA_vw.2Hg-TBsrcPUMbBoDD6RzFSrV1uhNOSuycMBMVsfLByo&qid=1715426566&sr=8-2






8
Avis : auteurs édités / L’écho de nos jours – Florence Tholozian
« Dernier message par marie08 le sam. 11/05/2024 à 13:18 »
Un beau voyage
A la suite d’une rupture amoureuse, Saskia décide de s’octroyer quelques jours de vacances sur la côte. Un jour, parcourant un marché, elle achète un panier dans lequel elle découvre un petit bout de papier avec quelques mots en anglais rédigés par la personne qui a fabriqué le sac. Intriguée, elle fait des recherches et découvre que le message vient de Bali. Signe du destin ou pas, elle décide de partir pour retrouver la personne du sac.

Dès lors, Florence Tholozian, l’autrice, avec sa belle plume, nous emmène pour de longues pérégrinations dans l’île de Bali, nous enivrant d’odeurs et de saveurs exotiques, nous plongeant dans le quotidien des balinais pour nous faire partager leur culture et leurs traditions, le tout enveloppé d’une certaine philosophie de vie qui n’est pas sans lui redonner une autre vision de son existence.

Je n’irais pas plus loin pour ne rien dévoiler de l’intrigue.
Aussi, me contenterais-je de vous recommander vivement ce roman. Vous ferez un très beau voyage.

Merci Florence Tholozian pour m’avoir fait voyager aussi loin.


https://www.amazon.fr/L%C3%A9cho-nos-jours-Florence-Tholozan/dp/2382111100/ref=sr_1_1?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&crid=2KMLBNSZAP5W5&dib=eyJ2IjoiMSJ9.C23Ju3h5aVeV9_ExKmHnIXcW1MzkmzVCt2dXOrOKHYg6vGD6FwOAuUZJSFkm-YiiAiEHD0tgjHVrHaO5ECHOlApsOH1O6OcyHB5bxztnmc9U2Z3JQ4DfNp6QAu44uKL0J_0tDblmHK5EN12RtFh9fldehOu4V-J5cX05LB9QdU6RW00iI9fpNfGkMJ79yTa4v6v22BztqWpCUJQ_lDFDance1SF89UeLB_UvIUOXsceLyG2ydn71zTjIk9oz6VRw3W9kFdP54GKHJs4U2vgmnJvQvtoJ8ljbxVtH4yhVlBY.EGry9VxTFsmfcbBFs7FaQXSjFgy5y8CjSgaBVfWWEbg&dib_tag=se&keywords=l%27%C3%A9cho+de+nos+jours&qid=1715426429&sprefix=l%27%C3%A9cho+de+nos+jours%2Caps%2C90&sr=8-1


9
Avis : auteurs édités / Sept jours chez papa – Mireille Maquoi
« Dernier message par marie08 le sam. 11/05/2024 à 13:15 »
Une histoire émouvante
J’ai découvert ce roman à la suite d’un concours et je n’ai pas été déçue de sa lecture.
Ce roman dont le thème est la garde alternée, relate une semaine de la vie d’une petite fille chez son père. Il se présente en deux parties. Une première partie avec le point de vue de Louise, sept ans, qui entame un compte à rebours dès qu’elle doit aller chez son père et sa nouvelle compagne, et une seconde partie qui relate l’avis du père.

Les mots choisis par l’auteure, Mireille Maquoi, sont criants de vérité et d’émotions. On a vraiment l’impression d’entendre une petite fille de sept ans nous confier son mal-être face à un quotidien dont elle ne veut pas. Et cependant, elle sait pertinemment qu’elle est aimée par son père tout comme Floriane, sa belle-mère, qu’elle surnomme l’Etrangère.

On est également ému face au point de vue de Richard, son père, et on se rend compte que ce n’est pas toujours facile de se parler ou de se comprendre. Mais il n’est pas indifférent au mal-être de sa fille, il est tout simplement dépassé.
C’est un roman tendre, délicat, émouvant, et d’une belle plume, que je vous recommande vivement.

Merci Mireille Maquoi pour cette magnifique histoire.

https://www.amazon.fr/Sept-jours-chez-Mireille-Maquoi/dp/B0C88Z67WG/ref=sr_1_1?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&crid=240OJVROO9XZH&dib=eyJ2IjoiMSJ9.LSqiPccS1cKh16nZcT8qc5IZVwE7KtZWBEAJdSXlZKQrHR2EyxKwXWB8OxA7Awx4W4Kz8wREdImGau633wXTSA.8OaTtjxFEQ7E97tFCTx1ur0wzMi2oPqAgkUsuSa8I4Q&dib_tag=se&keywords=sept+jours+chez+papa&qid=1715426191&sprefix=sept+jours+chez+papa%2Caps%2C95&sr=8-1


10
Avis : auteurs auto-édités / Quand la vie nous donne des ailes - Perrine Marche
« Dernier message par marie08 le sam. 04/05/2024 à 11:18 »
Une magnifique leçon de vie.

Le retour que je fais concerne l’ensemble des trois romans de Perrine Marche.
En accord, avec l’autrice, j’ai préféré attendre de lire les trois tomes avant de partager mon ressenti.

Et quel ressenti !
Les premiers mots qui me viennent à l’esprit sont :  quelle belle et merveilleuse leçon de vie, nous offre l’autrice Perrine Marche.

Avec le premier tome - Et soudain la vie bascule - nous faisons connaissance avec Maeva, une adolescente de treize ans qui a intégré une section sport étude afin d’accéder au plus niveau. Le sport étant plus qu’une grande passion, c’est sa raison de vivre. Un jour, bouleversée par une conversation qu’elle surprend entre sa mère et sa grand-mère, elle s’enfuit de la maison et là, tout bascule. La suite je vous la laisse découvrir.

Le second tome - La vie, L’amour, Les emmerdes - nous plonge quelques années plus tard. Treize ans pour exact. La vie n’a pas épargné Maeva, que ce soit physiquement ou affectivement. Mais son courage est toujours là, sous-jacent qui veille et revient à la surface dès qu’elle en a besoin. Va-t-elle un jour connaître autre-chose ? Va-t-elle un jour construire ou plutôt reconstruire sa vie ? Vous le saurez en lisant cette seconde partie.

Avec le troisième et dernier volet – Quand la vie nous donne des ailes - nous partageons les joies, les peines, et les interrogations du couple Maeva et Will. Ils veulent fonder une famille, mais y arriveront-ils ? Maeva saura-t-elle être mère ? Saura-t-elle se débrouiller ?

Tout au long de ma lecture, j’ai ri, frissonné, et pleuré avec Maeva ainsi que les personnages qui gravitent autour d’elle. Perrine Marche sait si bien jouer et composer avec les émotions que nous sommes totalement immergés dans cette histoire qui se déroule sur plusieurs années. Nous vibrons avec Maeva. Nous nous énervons avec elle. Nous aimons aussi grâce à elle.

Merci infiniment, Perrine Marche, de nous avoir fait partager votre amour de la vie et votre courage de toujours vous battre pour aller de l’avant.
Aussi, je ne peux que vous conseiller de lire ces trois romans.

https://www.amazon.fr/stores/Perrine-Marche/author/B0CBPY5DC4?ref=ap_rdr&isDramIntegrated=true&shoppingPortalEnabled=true

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