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Un nouveau départ T3 : Les racines du passé de Christelle Morize



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Site auteure : Christelle Morize

Résumé :
 

Alors que Jane trouve enfin un semblant de stabilité auprès de Luke, une ombre menaçante plane sur elle. Brett, animé par des intentions machiavéliques, poursuit son plan implacable pour l’anéantir.
Inconsciente de ce qui se trame derrière son dos, Jane, déterminée à construire l’avenir professionnel dont elle rêve, met tout en œuvre pour atteindre ses objectifs.
Toujours furieuse contre sa mère, Charlie commence à se poser des questions et souffre malgré tout du fossé qui se creuse entre Jane et elle.
Cependant, un allié mystérieux veille dans l’ombre pour contrer les desseins de Brett.


Un nouveau départ Tome 3


À toi, ma petite maman, qui as toujours été ma source de lumière, même dans les jours les plus sombres. Je te dédie ce roman en hommage à l’amour incommensurable que tu m’as donné.
C’est si peu…

Tu étais mon roc, ma meilleure amie, ma confidente.
Tu m’as transmis ta passion pour la littérature, partagé tant de souvenirs sur ton passé et ceux de tes ancêtres.
Le 9 décembre 2024, tu es partie dans un monde meilleur, et je ne sais toujours pas comment je vais faire pour continuer sans toi.
Tes magnifiques yeux bleus me manquent, ton sourire solaire et tes petites blagues me manquent.
Malgré mon chagrin, je suis heureuse d’avoir pu prononcer les trois mots les plus importants avant ton grand départ pour les étoiles : Je t’aime, ma petite maman !



"Dans chaque famille, il y a des fissures, mais aussi une lumière qui y pénètre."
Leonard Cohen
 (Inspiré d’Anthem)

                                                   

Premier Chapitre

     Jane ne se souvenait pas s’être autant souciée de son apparence. Depuis son retour à Bozeman, elle reprenait goût au maquillage. Un rituel quotidien qui devenait peu à peu naturel. Cela lui procurait énormément de plaisir de se faire belle, d’abord pour elle, parce que la jeune femme s’était trop longtemps négligée, mais aussi pour Luke. Même si ce dernier l’avait dévisagée la veille avec des yeux rougis par les larmes, le mascara coulant sur les joues, elle ne le rebutait pas. Un constat que Jane s’était fait le matin en remarquant son reflet dans le miroir. Malgré la mine épouvantable qu’elle affichait, Luke l’avait désirée et ils avaient fait l’amour comme si c’était leur première fois.
Après un déjeuner mouvementé à la boulangerie de Joanna, puisque les clients se ruaient littéralement autour du comptoir et se précipitaient dès qu’une table se libérait, tous les deux s’étaient baladés sur Main Street. A dix jours de Noël, l’effervescence semblait à son comble. Beaucoup moins stressante et agitée qu’à Los Angeles, la course aux cadeaux animait la ville et ses habitants de cette douce euphorie des fêtes de fin d’année. La bonne humeur demeurait présente sur chaque visage et ce, malgré le froid et la neige. 
L’année passée, Jane s’était rendue dans pas moins de quatre boutiques pour trouver le cadeau idéal censé plaire à Charlie. A déambuler dans les rayons bondés, patienter des heures dans une file d’attente interminable parmi des clients ronchons et quitter le magasin en s’infiltrant tant bien que mal dans une grappe de personnes pressées. En comparaison, Bozeman ressemblait au village du père Noël.
Durant leur promenade improvisée, alors que des regards curieux se retournaient sur eux, Jane avait relaté à Luke sa conversation qu’elle avait eue avec monsieur Benson. Si l’énigmatique JHB avait été découvert, la jeune femme craignait que la relation entre sa mère et le galeriste n’ait brisé le couple de ce dernier. Bien qu’elle n’appréciait guère Veronica, Jane se sentait indirectement responsable. Elle se demandait si la jolie blonde avait gardé le contact avec sa mère et se promit de poser la question à Édouard Benson.
Tout deux s’étaient séparés devant leur voiture respective, non sans un long et savoureux baiser. Luke devait récupérer sa Jeep au garage et aider Taylor à installer les décorations extérieures de sa maison. De son côté, Jane choisit de rester chez elle le reste de l’après-midi pour faire un peu de rangement dans la chambre de Charlie. Elle décida ensuite de descendre les toiles de sa mère dans son bureau, les enveloppant toutes dans un chiffon propre pour les protéger. Puis elle sortit dans le jardin avec Dixie et son chiot. Dans une ultime tentative pour retrouver son portable, la jeune femme avait fouillé la neige aux pieds de quelques arbres, sans grand succès. Il ne lui restait plus qu’à attendre le printemps pour espérer le retrouver. Non pas qu’elle y tenait tout particulièrement.
Jane regrettait cependant de ne pas avoir pris la peine de sauvegarder quelques photos de Charlie et elle, quand toutes deux étaient allées au Disneyland de Los Angeles. Elles étaient rentrées de cette merveilleuse journée des étoiles plein les yeux. Une carte SD pouvait-elle survivre au rude hiver du Montana ? Se demandait la jeune femme. Elle serait fixée à la fonte des neiges.
Après une douche bien méritée, Jane chercha longuement une tenue pour aller dîner chez Luke. Elle jeta son dévolu sur une élégante robe pull bleu glacier à col roulé et à la base asymétrique avec deux plis de dentelle. Simple et raffinée. Comme elle se rendait dans la maison voisine, elle ne mit pas les bas noirs ajourés qu’elle avait préparés et opta plutôt pour des bottes hautes. Le résultat lui parut harmonieux.
Satisfaite du résultat, la jeune femme pénétra dans son bureau où elle avait posé la maison en pain d’épices, à l’abri des canines gourmandes. Elle se rappela combien Nicole, ainsi que la petite Lily, appréciait les gâteaux. Son chef d’œuvre sucré trouverait sans nul doute de fins gourmets pour la dévorer. Quand bien même elle ne se culpabilisait jamais de dévorer autant de pâtisseries, Jane n’en viendrait pas à bout toute seule.
Elle s’octroya quelques minutes pour ouvrir son ordinateur portable, enregistrer l’adresse mail de Meredith Wingreen dans ses contacts privés et lui envoyer des excuses pour avoir oublier leur rendez-vous. Sans trop s’attarder sur les détails et, sachant pertinemment que l’auteure à succès connaissait désormais les raisons de son absence, elle lui expliqua brièvement sa décision de retourner vivre dans sa ville natale.
Jane était sur le point de partir quand son téléphone sonna dans la poche de son manteau. Elle espérait vivement que Charlie prenait enfin le temps de l’appeler. Quelque peu déçue en apercevant le nom sur l’écran, même si elle appréciait toujours parler avec sa sœur de cœur, la jeune femme se demandait quand sa fille cesserait de la bouder.
– « Je ne te dérange pas ? S’enquit d’emblée Betty, je viens seulement de me rappeler que tu dînais chez Luke ce soir. » 
– Je m’apprêtais à partir, sourit Jane avant d’adopter un air soucieux. Il y a un problème ? 
– « Oh non, tout va très bien, ne t’inquiète pas ! D’ailleurs, ce serait plutôt à moi de poser la question. »
– Comment ça ?
– « Tess Hordan a appelé Susan tout à l’heure. Son mari et elle viennent tous les ans à la réception de Noël qu’on organise à l’auberge. Elle lui a parlé de ton altercation d’hier avec ce salopard de Keith Parker au Montana Grill. »
Jane ne doutait pas une seule minute que l’épouse de l’ancien shérif avait raconté la soirée dans les moindres détails, y compris sa sortie en trombe du restaurant.
– « D’après Tess, Luke était furieux, reprit Betty, confirmant ainsi les pensées de Jane. Si Cameron Pearce ne s’était pas interposé, il aurait frappé ce gros nul de Keith. Ça lui aurait remis les idées en place. Il a même rembarré Veronica qui essayait de se la jouer avec sa bouche en cœur. »
– Vraiment ?
– « Absolument ! Luke a menacé Keith de l’escorter personnellement à la sortie du comté s’il t’approchait encore. Nan mais, sérieux ! Pourquoi cet abruti a remis sur le tapis la soirée du bal de promo ? Ce mec n’a rien d’autre à faire que de remuer les plaies du passé. » 
Voilà donc la raison de son appel. Betty s’inquiétait pour elle. La jeune femme lui en fut intérieurement reconnaissante.
– Ça m’a un peu secouée au début, mais je vais bien, la rassura Jane d’une voix sereine.
– « C’est ce qu’essayait de m’expliquer Susan puisque vous avez parlé toutes les deux au téléphone ce matin et qu’elle t’avait trouvée particulièrement joyeuse. Je suppose que tu n’as pas abordé le sujet avec elle pour éviter de l’angoisser. » 
– Honnêtement, j’étais tellement heureuse d’avoir pu mettre un nom sur les initiales du tableau que j’étais pressée de partager cette belle découverte avec elle.
– « Je me disais aussi qu’il y avait quelque chose dans ce genre là, comprit Betty, seulement, je voulais juste savoir si ce sale type ne t’avait pas gâché ta soirée d’hier. Te connaissant fort bien, tu n’es pas de nature violente et pourtant, j’ai cru comprendre que cet imbécile s’est ramassé une paire de baffes. Il ne les aura pas volées. En revanche, ça montre à quel point tu devais être furieuse. »
– J’ai vu tout rouge quand il a mentionné le fait que je m’étais fait sauter par ses potes dans les buissons, – ce sont ses termes. Je te mentirai en te disant que ses paroles ne m’ont pas chamboulée, confia Jane, en fait, pour être honnête, ça m’a catapultée vingt ans en arrière avec toute la souffrance de cette soirée, raison pour laquelle j’ai fui le restaurant.
– « Je le savais, pesta d’emblée Betty, visiblement furibonde. Quand Tess a parlé du bal de promo, j’ai tout de suite su que tu penserais irrémédiablement à Helen. (Elle soupira bruyamment.) Je vais lui arracher les yeux, à cet abruti et peut-être même son cœur, s’il en a un. Quant à cette garce de Veronica, je lui couperai sa langue de vipère. Ah ! Pour colporter des ragots, ça fonctionne bien, mais pour rétablir la vérité, madame perd soudainement la parole. A moins que c’était volontaire de sa part. Je ne serai pas surprise. Peu importe, je vais la déglinguer quand même. »
– Ne te donne pas cette peine, déclara Jane, qui pouvait ressentir la colère dans le ton qu’utilisait sa sœur de cœur. Le passé m’a un peu secouée, je ne le nie pas. Cependant, j’ai eu la chance d’avoir une épaule attentive. Luke s’avère être un très bon confident. Je ne crois pas avoir autant parlé de ma vie à un homme comme je l’ai fait avec lui. 
– « Oh ! Dois-je en déduire que ta soirée ne s’est pas achevée à la sortie du restaurant ? » 
– Nous avons passé une partie de la nuit à décorer la maison et le sapin. Il voulait me changer les idées après ce fiasco et ça a plutôt bien marché. (Elle marqua une courte pause avant de reprendre d’un ton rêveur.) Je n’ai jamais rencontré un homme tel que lui. Il est vraiment patient, drôle, prévenant. En sa compagnie, je me sens moi-même. J’irai même jusqu’à dire que je me découvre des facettes que je ne me connaissais pas. 
Jane s’attendait à une réponse surexcitée de Betty comme à son habitude et probablement une tonne de questions, mais un silence étrange s’instaura dans leur conversation.
– Tu es toujours là ? S’enquit la jeune femme, étonnée.
– « Oui, oui ! Je suis juste en train d’imaginer un somptueux mariage à l’auberge et un bel article dans le Bozeman Daily Chronicle avec un titre super accrocheur du genre : notre séduisant shérif n’est plus un cœur à prendre, il vient… »
– Betty ! La coupa Jane d’un ton rieur. Tu es incorrigible. C’est un peu tôt, tu ne crois pas, pour parler mariage.
– « Pas dans l’immédiat… pas dans dix ans non plus ! La taquina Betty d’une voix enjouée. »
Jane ne savait pas si elle devait éclater de rire ou rêver tout haut avec son interlocutrice. La jeune femme ne pensait plus au mariage depuis des lustres, à juste titre. Son expérience avec Brett l’avait quelque peu échaudée.
– En parlant de ça, je croyais que Keith Parker était marié, observa-t-elle, espérant changer de sujet. Je l’ai croisé ce matin avec Veronica devant la galerie de monsieur Benson et ils semblaient très proches. Beaucoup plus que la veille.
– « Mouais ! Sa femme vient de demander le divorce. Elle est retournée dans le Wisconsin avec ses enfants. La pauvre aurait appris par l’ex associé de Keith qu’elle était cocufiée depuis des années. »
– Oh, quel mufle ! (Jane fronça subitement les sourcils.) Mais, dis-moi ! Comment es-tu au courant ? Keith n’a pas remis les pieds à Bozeman depuis que son père l’a envoyé dans un institut disciplinaire.
– « Madame Parker est toujours en contact avec sa cousine qui vit toujours à Bozeman et qui en a parlé à madame Branson, qui à son tour en a parlé à une amie que Tess fréquente régulièrement. C’est une petite ville. »
– J’avais oublié à quel point les nouvelles passaient plus vite du bouche à oreilles, lâcha Jane d’un air dépité. 
A Los Angeles, rares étaient les personnes qui se préoccupaient de ce genre de détails, à moins d’être une personnalité célèbre. Bien entendu, Rob lui avait avoué la vérité quand ils s’étaient croisés par hasard. Peut-être s’était-il senti obligé de lui avouer les infidélités de Brett ? La jeune femme aurait apprécié qu’il le fasse avant que ce dernier ne les abandonne, Charlie et elle, pour sa secrétaire.
– « Tu n’as pas idée ! Renchérit Betty, et mon petit doigt me dit que nous n’avons pas fini d’entendre parler du shérif et sa petite amie. Inutile que je te rappelle que Luke ne s’est jamais montré avec une femme depuis qu’il occupe ce poste. »
Jane repensa immédiatement à sa conversation matinale avec Luke, sur sa relation quelque peu compliquée qu’il entretenait avec Kate. A cette époque, il était encore agent de sécurité. Peu de gens, excepté les employés de la banque, ne devait se soucier de ses relations personnelles. En devenant une figure d’autorité dans le comté, les habitants semblaient plus sensibles à sa vie privée.
– « Mais pour l’heure, reprit aussitôt Betty, alors que des bruits de couverts et d’assiettes se faisaient entendre derrière elle. Je te laisse profiter de ta soirée. Je vais aider Susan et les filles à servir le repas. On se voit avant ton départ pour Yellowstone ? »
– Merci ! Oui, je pense venir demain. On part lundi matin à l’aube, déclara Jane, essayant au mieux de dissimuler son excitation à la simple perspective de passer quelques jours en toute intimité avec Luke.
Betty semblait visiblement ravie. Peut-être voulait-elle connaître davantage de détails croustillants sur leur soirée ? Quoiqu’il en fût, elles échangèrent des formules de politesse avant de raccrocher. En fermant sa porte, Jane huma profondément le doux parfum de la couronne. Enfin un Noël blanc ! Pensa-t-elle en admirant le duo de rennes et les sphères recouverts de neige. Elle sortit son portable et prit une photo de sa maison entièrement décorée. Comme promis, elle l’envoya à Samantha.
La jeune femme parcourut les quelques mètres qui séparaient sa maison à celle de Luke en essayant de ne pas glisser. Elle découvrit les décorations installées l’après-midi même. Luke et Taylor avaient illuminé l’extérieur de part et d’autre. Des luminaires en forme de sapin ponctuaient l’allée en gravier. Des guirlandes lumineuses tombaient en pluie sur la façade. Une autre, ornée de petits flocons de neige, longeait le grand porche. L’encadrement de chaque fenêtre brillait de petites étoiles dorées. Un magnifique panier en osier d’où débordaient des branches lumineuses et posé devant l’encoignure de la porte d’entrée, apportait une douce ambiance festive. Une couronne au reflet doré accueillait les visiteurs. 
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Mise en avant des Auto-édités / Saisir le jour de Marjorie Levasseur
« Dernier message par Apogon le jeu. 09/01/2025 à 15:29 »
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Site auteure : Marjorie Levasseur

Résumé :

Nathalie vient à peine d’entamer la quarantaine que sa mémoire commence à faillir. Quand le diagnostic d'un Alzheimer précoce tombe, l'urgence de réparer ses relations avec sa mère et d’obtenir des réponses à ses questions l'accapare.
Mais comment renouer avec celle qui a été si longtemps absente ? Comment se créer de nouveaux souvenirs avec elle et tous ceux qu’elle aime, en sachant qu’ils seront les premiers à être oubliés ?
D’Auxerre à Grignan, en passant par Avignon, Nathalie et ses proches devront tenter de resserrer leurs liens pour affronter les répercussions que la maladie de la jeune femme aura sur leurs vies et leur façon d’appréhender ce qui risque d’être perdu et le futur à venir.
Ils tenteront de ne pas perdre de vue le plus important : profiter de chaque moment comme si c’était le dernier.
Saisir le jour, sans penser au lendemain.


Saisir le jour

Prologue

Trente-six ans plus tôt

Derrière la vitre de la fenêtre de sa chambre située au premier étage de leur immense maison, Nathalie regarde la berline grise de sa mère s’éloigner dans l’allée jusqu’à ce qu’elle ne devienne plus qu’un minuscule point à l’horizon.
Elle n’a pas versé une larme. À six ans, on est une grande fille, on ne pleure pas sur sa mère… sauf quand elle meurt. Et sa maman n’est pas morte, non, elle est plus vivante que jamais. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle part pour les États-Unis. Pour profiter de cette opportunité que lui offre la vie et qui, selon elle, ne se présentera pas deux fois. Un contrat de cinq ans avec le Carnegie Hall, ça ne se refuse pas. La carrière de Danielle Hoffmann, la star montante du chant lyrique, va tutoyer le firmament avec cette série de concerts à guichets fermés, que seuls quelques élus pourront s’offrir.
La mère de Nathalie a du talent et elle le sait. Elle a travaillé d’arrache-pied durant de longues années pour atteindre ce niveau vocal, alors renoncer à ce précieux sésame qui lui ouvrira les portes des plus belles scènes mondiales pour son mari et sa fille ? Jamais de la vie !
Heureusement, le papa de la petite Nattie est là. Elle compte plus à ses yeux que n’importe qui. C’est ce qu’il lui dit. Tous les jours. Mais elle n’est pas dupe. Même si elle sait qu’il l’aime, l’adoration qu’il a pour sa mère est au-dessus de tout. Et comme il en est fou et refuse de la perdre, il la laisse partir, de peur qu’elle ne le quitte définitivement.
Les yeux brouillés et les bras croisés sur sa poitrine, Nathalie murmure :
— Je ne veux pas me marier. Jamais. Il y en a toujours un des deux qui aime plus que l’autre. Je préfère rester seule plutôt que de n’avoir que des miettes…

Chapitre 1

À travers le hublot, Danielle regardait, comme hypnotisée, l’avion se rapprocher du gris du tarmac de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle. C’était la première fois qu’elle revenait en France depuis dix ans. Paris n’était qu’une étape. Dès le lendemain, elle prendrait le train pour Auxerre. Elle avait prévenu Nathalie par courrier – postal, bien entendu, elle restait hermétiquement réfractaire aux mails. Elle n’avait pas eu de réponse à sa lettre et cela l’inquiétait un peu, elle devait bien l’avouer…
La dernière fois qu’elle s’était entretenue avec sa fille au téléphone, c’était à peine si celle-ci avait prononcé une phrase complète. Leur relation avait toujours été compliquée. Danielle était certaine que la petite fille qui sommeillait en elle lui en voulait encore de l’avoir laissée en France il y a trente-six ans. Nathalie pensait probablement qu’elle était une mère égoïste. Elle avait sans doute raison… en partie. Mais le fait que Danielle ait temporairement quitté mari et enfant pour faire carrière – même si le temporaire devait initialement durer cinq longues années –, ne signifiait pas, pour elle, qu’elle ne les aimait pas. Bien au contraire. Si elle avait choisi de rester en France en refusant cette opportunité de se produire au Carnegie Hall, elle l’aurait regretté toute sa vie et leur aurait fait payer son amertume, d’une façon ou d’une autre, même involontairement. Elle ne voulait pas que Benoît et Nathalie subissent ses frustrations, alors elle était partie… Ce fut le début d’une longue série d’absences, car ce premier contrat avec cette salle mythique avait ouvert une porte qui l’avait menée à toujours plus de concerts, sur les scènes les plus réputées.
Elle rêvait de devenir chanteuse lyrique depuis toute petite. Et plus tard, quand les adolescentes de son âge affichaient fièrement les posters de chanteurs à la mode sur les murs de leur chambre, elle ne possédait que des clichés de Maria Callas. Elle écoutait La Traviata et La Bohème en boucle, les yeux fermés, et des frissons parcouraient son corps. Ses parents avaient vite compris qu’il ne s’agissait pas que d’une tocade et l’avaient inscrite à des cours de chant lorsqu’ils avaient réalisé qu’elle avait déjà des capacités vocales hors normes.
Elle travaillait sans relâche et n’avait cure de ne pas profiter à fond de cette période de sa vie, comme toutes les autres filles qui couraient les garçons et faisaient du shopping. Elle avait mieux à faire. Les histoires de cœur n’étaient clairement pas sa priorité. Elle avait laissé quelques adolescents la courtiser, mais pas davantage, car il n’y avait de place que pour le chant dans son existence.
Pourtant, quelques jours après son vingt-deuxième anniversaire, elle avait fait une rencontre qui allait bouleverser toutes ses certitudes. Celle de Benoît Garnier, Icaunais de son état. Elle participait à la représentation d’une chorale en tant que soliste. Le groupe vocal faisait une sorte de tournée dans plusieurs villes de France, notamment les préfectures de certains départements, et Auxerre en faisait partie. Pour une jeune Drômoise comme elle, qui n’avait jamais quitté sa région, c’était un sacré dépaysement.
À la fin du spectacle, elle avait eu la surprise de voir ce beau jeune homme, à peine plus âgé qu’elle, s’avancer jusqu’à la scène de la salle dans laquelle ils s’étaient produits, lui tendre une seule et unique rose. Sans détour, il lui avait demandé de l’épouser. Elle avait éclaté de rire, plus par nervosité que par moquerie et il lui avait avoué suivre la troupe de choristes à travers toute la France, juste pour l’entendre chanter. Cela l’avait vraiment touchée. Elle n’avait bien entendu pas accepté sa proposition d’épousailles… enfin, pas à ce moment-là du moins.
Benoît et Danielle s’étaient communiqué leurs coordonnées, s’étaient écrit des lettres interminables. Après chaque concert, ils se retrouvaient autour d’un verre à deviser sur tout et n’importe quoi et avaient fini par échanger leur premier baiser un soir de pluie, devant l’entrée de l’hôtel où logeaient l’ensemble des chanteurs. Leur relation était restée très chaste pendant de longues semaines et puis, lors des chauds mois d’été, ils s’étaient promis de se voir à Grignan – là où elle vivait avec ses parents – pour quelques jours, et ce fut là, dans une petite chambre d’hôtel sans prétention qu’ils s’étaient donnés l’un à l’autre.
Un sourire empreint de nostalgie étira les lèvres de Danielle au souvenir de cette nuit d’amour. La première d’une longue série. Avant Benoît, elle avait connu des flirts sans conséquences, ne désirant pas s’attacher ni accorder trop d’importance à un homme. Mais elle n’avait pas prévu de tomber si vite amoureuse. Si vite, et si fort…
Pour autant, l’amour n’avait pas réussi à supplanter le chant dans l’ordre de ses priorités. Danielle voulait toujours devenir une grande cantatrice et l’homme qui l’aimait et allait être son époux devrait accepter de passer au second plan, voire de vivre dans son ombre. Benoît n’avait eu aucun mal à s’accommoder de cette situation et pour cause : c’était de la chanteuse dont il était tombé amoureux en premier lieu et il ne recherchait pas la lumière. Son soleil, c’était Danielle, et cela lui suffisait… C’était le cas jusqu’à ce que le couple voie arriver dans leur existence cette petite fille qui n’était pas prévue. Pas aussi tôt, dès leur première année de mariage.
Danielle avait aimé son bébé dès que la sage-femme l’avait mis entre ses bras. Mais elle avait toujours su, au fond de son cœur, que ce petit être ne pourrait, à lui seul, combler le manque créé par un éventuel abandon de ses projets de carrière. Il en était de toute façon hors de question. Le statut de mère au foyer n’était pas pour Danielle, elle avait d’autres ambitions.
Aussi, quand six ans plus tard, le Carnegie Hall lui avait proposé ce contrat en or, elle n’avait pas réfléchi longtemps avant de faire ses bagages. À partir de ce moment, la vie des Hoffmann-Garnier s’était partagée pendant cinq années entre la France et les États-Unis, même si Benoît et sa fille, Nathalie, passaient le plus clair de leur temps dans l’Hexagone pour assurer à l’enfant la stabilité nécessaire à son épanouissement aussi bien scolaire qu’amical. Danielle ne s’était pas interrogée plus que cela sur le déséquilibre émotionnel de sa fille induit par l’absence quasi permanente de sa mère à ses côtés. Benoît assumait son rôle de père à merveille. Suffisamment en tout cas pour pallier les carences de sa femme. C’était du moins ce dont Danielle avait fini par se persuader…
Avec les années, le fossé entre la mère et la fille s’était creusé jusqu’à devenir un abîme cinq ans auparavant lorsque Benoît avait quitté ce monde, emporté dans un stupide accident de la route. Danielle, prétextant des obligations professionnelles qui l’empêchaient de rester – elle avait exercé en tant que répétitrice et professeure de chant après la fin de sa carrière de cantatrice – était repartie aux États-Unis, son précieux port d’attache, aussitôt la cérémonie religieuse finie, sans un regard ni même un mot pour Nathalie, ce qui avait suscité une incompréhension totale de la part de celle-ci et des reproches s’en étaient suivis. Forcément. Comment expliquer à sa fille qu’il lui était viscéralement intolérable d’entrer dans ce cimetière, de voir le corps de son unique amour disparaître six pieds sous terre. Danielle était encore rongée par le remords et la culpabilité d’avoir préféré fuir plutôt que d’enterrer dignement son mari et d’accompagner son enfant dans la peine qui était aussi la sienne.
Elle avait toujours su qu’il lui serait impossible de revenir en arrière. Elle devrait vivre avec ce poids. Éternellement.

Chapitre 2

— Écureuil, tasse, soleil, m… Mince, qu’est-ce que c’est déjà ?
Nathalie regarda le cahier posé devant elle sur la table et lutta contre la tentation de l’ouvrir. Elle butait toujours sur le dernier mot, quel qu’il fût. Ils étaient pourtant tous d’une simplicité désarmante. Elle les choisissait d’ailleurs dans ce seul but : qu’ils lui reviennent plus facilement en mémoire. D’aucuns auraient souligné que c’était une sorte de tricherie, qu’elle se rendait ainsi la tâche beaucoup plus aisée et qu’il n’y avait plus de challenge. Certes, mais cela la rassurait. Enfin… quand elle se les rappelait tous, ce qui était de plus en plus rarement le cas, elle devait bien l’admettre.
Nathalie ferma les yeux et prit une longue inspiration. Un objet rond, de couleur orange, prit forme dans son esprit.
— Mandarine !
Elle se retint de sauter de joie. Son enthousiasme bruyant n’aurait pas manqué d’interroger Audrey et elle n’avait pas envie de lui parler de cet exercice quotidien auquel elle s’adonnait depuis plusieurs mois déjà… Depuis ce jour où elle s’était retrouvée sur la place Charles Surugue, face à la statue de Cadet Roussel, sans savoir exactement pourquoi elle s’était rendue au centre-ville d’Auxerre alors qu’elle n’avait rien de spécial à y faire, à première vue. Son rendez-vous chez l’ostéopathe lui était revenu une heure plus tard quand la secrétaire de celui-ci l’avait appelée pour s’enquérir de la raison de son absence.
Elle n’avait jamais oublié une consultation médicale ou paramédicale. Jamais. Ses proches louaient sans cesse sa mémoire d’éléphant. Elle se rappelait tout, même le plus infime détail, aussi inutile qu’il fût. Ce qui lui arrivait depuis quelque temps en était d’autant plus frustrant. Elle ne supportait pas ces failles toujours plus nombreuses dans ses capacités intellectuelles. Parce que ses troubles ne se limitaient pas à l’absence de souvenir de ce qu’elle avait fait une demi-heure plus tôt, son vocabulaire lui faisait de plus en plus défaut. Elle utilisait un mot pour un autre ou bien ne trouvait pas la dénomination appropriée d’un objet. Elle l’avait, chaque fois, sur le bout de la langue sans parvenir à le faire émerger de son cerveau. Comme cette… cette…
D’un geste rageur, Nathalie ouvrit le cahier pour découvrir le nom dont elle avait réussi à se rappeler quelques secondes auparavant.
— Saleté de mandarine !
— Qu’est-ce que ce pauvre fruit a bien pu te faire ? lui lança Audrey, sur le pas de la porte du salon.
Elle sursauta, ne l’ayant pas entendue arriver. La panique la submergea. Qu’allait-elle bien pouvoir inventer comme raison à son éclat de voix ? Il fallait qu’elle trouve une explication qui tienne la route, mais son cerveau avait beau tourner à plein régime, rien ne lui venait. C’est alors qu’elle remarqua l’enveloppe que la jeune femme gardait dans sa main.
— Le facteur est passé ? s’étonna Nathalie.
Audrey fronça les sourcils, tentant sans doute de discerner si la question de sa compagne visait ou non à détourner son attention sur autre chose que cette fichue mandarine. Elle ne pouvait pas savoir que Nathalie avait presque déjà remisé ce fruit dans un recoin de son esprit.
— Je… Non, cette enveloppe ne provient pas de la boîte aux lettres, mais du congélateur.
Nathalie darda sur Audrey un regard moqueur.
— Tu te paies ma tête, c’est ça ?
— Non. En fait, je venais justement te demander pourquoi tu avais mis ce courrier de ta mère à cet endroit quand je t’ai entendue pester contre cette mandarine. Je sais bien que les choses sont un peu tendues entre vous, mais de là à planquer sa lettre à côté des glaçons…
— Ça vient de Danielle ?!
Depuis le départ de sa mère de la maison familiale quand elle avait six ans, Nathalie rechignait à appeler celle-ci autrement que par son prénom. Selon elle, le mot « maman » était un terme beaucoup trop affectueux pour lui être attribué, quant à celui de « mère », elle ne le méritait tout simplement pas… Audrey hocha la tête. Le visage de Nathalie perdit de ses couleurs. Et pas seulement parce que sa mère était en cause, non. Ce qui la perturbait le plus était qu’elle se doutait bien que la présence de cette lettre dans cette cachette absurde était encore une conséquence de ses absences de plus en plus régulières. Elle avait dû la placer là sans réfléchir et l’y oublier… comme nombre de choses ces derniers mois.
— Et… que dit-elle ? demanda Nathalie d’un air qu’elle voulait détaché.
— Je ne l’ai pas ouverte, Nat, tu le vois bien. Je ne me serais pas permis de le faire sans ton autorisation… Mais pourquoi tu l’as mise là-dedans ?
Nathalie haussa les épaules.
— Je n’ai pas fait attention. J’ai dû prendre le courrier en rentrant des courses et elle se sera glissée entre deux pizzas surgelées durant le rangement, voilà tout.
Elle voyait bien qu’Audrey était moyennement convaincue par sa réponse – d’autant plus qu’elle achetait rarement, voire jamais, ce genre de produits –, mais elle ne s’imaginait pas lui expliquer que chaque jour qui passait, elle perdait un peu plus d’elle-même, de ce qui composait sa vie, ses souvenirs. Dieu seul savait si elle ne finirait pas par l’oublier, elle aussi…
Nathalie secoua la tête. Elle refusait d’y penser. Elle espérait au plus profond d’elle-même que ces omissions n’étaient pas dues à cette maladie neurodégénérative qui touchait habituellement les plus de soixante-cinq ans, mais n’épargnait pas pour autant les personnes de son âge, même si c’était dans une moindre mesure. Car si elle-même ne pourrait avoir conscience de ne plus reconnaître ses proches, ceux-ci en revanche en souffriraient fatalement. Audrey, Fanny… Elle ne pouvait en supporter l’idée.
— Nat, ça va ? Tu es toute pâle… s’enquit sa compagne en prenant place auprès d’elle sur le canapé.
— Je… Tu veux bien me dire de quoi parle Danielle dans sa lettre, s’il te plaît ?
— Tu ne souhaites pas la lire toi-même ? s’étonna Audrey.
— Non, je préfère que ce soit toi… Et fais-moi un résumé, ça suffira.
La jeune femme hésita un instant avant d’opiner du chef et de décacheter l’enveloppe avec précaution. Elle déplia délicatement l’unique feuillet et déchiffra silencieusement le contenu du message. Nathalie observait le visage d’Audrey et s’inquiéta lorsque celle-ci fronça le nez en grimaçant.
— Quoi ?
— Ça ne va pas te plaire…
— Qu’est-ce qu’elle dit ?
Audrey lâcha un long soupir avant de déclarer :
— Elle t’informe de son retour en France. Et elle doit arriver à Auxerre dans…
Elle regarda sa montre.
— Exactement trois heures et vingt-six minutes.
— C’est une blague ?! s’exclama Nathalie en se levant d’un bond. Elle s’invite comme ça, sans même me demander mon avis et…
— Elle n’a pas l’intention de loger ici, Nat. Elle a réservé une chambre d’hôtel.
Nathalie sembla prise d’un soudain accès de panique, s’agitant en tous sens.
— Mais… mais, elle aurait quand même pu me prévenir plus tôt !
Audrey reprit l’enveloppe entre ses mains et vérifia le cachet de la Poste.
— Elle t’a envoyé cette lettre il y a plus d’un mois, mon cœur…
Nathalie fixa Audrey sans rien dire.
Plus d’un mois… Elle frissonna malgré elle. Tant de choses se délitaient en elle…
 
Chapitre 3

Dire qu’Audrey était inquiète eût été un euphémisme. Elle trouvait l’attitude de Nathalie particulièrement étrange ces derniers temps. Au début, elle avait mis cela sur le compte de la fatigue due à sa charge de travail grandissante au musée dans lequel elle exerçait en tant que conservatrice du patrimoine. Une nouvelle collection allait prendre place dans une des salles récemment rénovées et Nathalie courait à droite et à gauche pour que tout soit prêt en temps voulu. Audrey connaissait elle-même très bien le milieu de l’art, étant galeriste de profession – c’était d’ailleurs lors d’une exposition qu’elle avait organisée dans sa galerie qu’elle avait rencontré Nathalie – mais ça ne pouvait suffire à expliquer l’actuel air désorienté de Nat.
Celle-ci semblait totalement perdue, dépassée… Le retour de sa mère la perturbait, c’était certain, mais il y avait autre chose et Audrey ne parvenait pas à comprendre quoi. Et ce courrier trouvé dans le congélateur était, selon elle, un indice de plus de la distraction de Nathalie. Et c’est ce qui l’inquiétait. Sa compagne était plutôt le genre de femme ayant les pieds résolument ancrés sur la terre ferme et la tête sur les épaules. Elle ne se laissait pas facilement distraire. Non, ça c’était davantage la nature profonde d’Audrey : bohème, un peu rêveuse… une âme d’artiste. Mais pas Nathalie, non. Nathalie était un pilier, un roc dont rien ne pouvait venir troubler la sérénité.
En temps normal, et quand la mère de celle-ci n’entrait pas dans l’équation.
Là, visiblement, ce n’était pas juste un grain de sable qui enrayait le mécanisme, mais quasiment une dune. Elle ne l’avait jamais vue dans cet état.
Elles avaient fait connaissance deux ans auparavant et vivaient sous le même toit depuis seulement huit mois. Nathalie avait voulu prendre son temps, être sûre. Pour elle, leur relation n’était pas une mince affaire, et pour cause… elle n’allait pas forcément de soi. En effet, quand Audrey était entrée dans la vie de Nat, celle-ci était en ménage avec… un homme. Lionel. Et leur duo ne connaissait aucune crise majeure, il était même loin de battre de l’aile. Le couple s’entendait bien, une complicité très forte les liait, mais justement… Le lien qui les attachait l’un à l’autre avait davantage les allures d’une belle amitié que celles d’un grand amour. Audrey avait su déceler cette faille quand le regard de Nathalie avait croisé le sien lors de cette fameuse exposition qui avait tout changé dans leurs vies.
Au contraire d’Audrey, qui avait compris dès son plus jeune âge qu’elle préférait les femmes, Nathalie n’avait fréquenté que des hommes et n’avait jamais été attirée par quelqu’un du même sexe. C’était d’ailleurs ce qu’elle disait régulièrement à ses proches :
« Quand mon cœur s’est emballé pour Audrey, ce n’est pas d’une femme dont je suis tombée amoureuse, mais d’une personne. »
Nathalie avait toujours refusé d’être catégorisée, mise dans une case. Elle ne voulait pas mettre un nom sur cet amour-là. C’était une histoire comme les autres et elle s’y épanouissait. Oui, Audrey était certaine que sa compagne ne se posait désormais plus de question sur le bien-fondé de leur relation. Son ex-conjoint avait fini par accepter les choses, Nat avait même gardé de très bons rapports avec lui. Elle était heureuse.
Il n’y avait qu’une seule ombre au tableau : Fanny. L’enfant née de l’union de Nathalie et Lionel. Une jeune femme de vingt et un ans pourrie gâtée qui n’appréciait pas du tout que sa mère ait rompu avec son père… et pour une femme qui plus est ! Oh, elle n’était pas homophobe, non, mais voir celle qui l’avait élevée quitter le nid familial parce qu’elle s’était amourachée de quelqu’un d’autre que ce père qu’elle idolâtrait, c’était tout bonnement incompréhensible pour elle.
Mais Fanny avait l’intelligence – ou la perfidie, plutôt – de ne jamais attaquer frontalement sa mère sur le sujet. Elle préférait s’en prendre à Audrey, de façon insidieuse cependant, et jamais en présence de Nathalie. Et Audrey, refusant de mettre de l’huile sur le feu de ses relations déjà tendues avec sa « belle-fille », ne parlait jamais en mal de Fanny, passait sous silence ses petites piques bien senties qu’elle disséminait ici et là, sans en avoir l’air.
Elle reconnaissait en revanche devant sa compagne que Fanny semblait ne pas l’apprécier. Nathalie lui rétorquait invariablement qu’il était normal que sa fille ait un peu de mal à se faire à la situation, mais qu’elle finirait par accepter les choses. Audrey se gardait bien de répliquer qu’elles étaient en couple depuis déjà un moment et qu’il était peut-être temps d’admettre que sa mère et son père ne se remettraient jamais ensemble. Elle pouvait concevoir qu’une enfant qui avait toujours vécu avec ses deux parents – parents qui, somme toute, s’étaient toujours bien entendus – ait du mal à faire le deuil du duo qu’ils avaient formé. Mais Fanny était une adulte. Une jeune adulte, certes, mais une adulte quand même, et son attitude relevait, selon Audrey, davantage de la contrariété que d’un réel chagrin.
Audrey était l’ennemie à abattre, point. Mais celle-ci n’avait aucune envie d’entrer en guerre avec la fille de celle qu’elle aimait. Elle aurait préféré s’en faire une alliée, voire une amie. Avec ses anciennes relations amoureuses, ce conflit ne s’était jamais présenté, car elle n’avait jamais fréquenté que des femmes célibataires, sans enfant. La question d’un potentiel antagonisme filial ne s’était donc jamais posée. Elle avait plus souffert de la jalousie des ex de ses partenaires qui gardaient alors, à son grand dam, une place prépondérante dans l’existence des femmes qu’elle avait aimées…
Aux côtés de Nathalie, elle savait qu’elle n’avait rien à craindre sur ce point. Celle-ci n’éprouvait plus d’amour pour son ancien compagnon, juste de la tendresse et un profond respect. Mais cette aversion certaine de Fanny envers elle la contrariait. Car s’il y avait bien une chose dont Audrey avait conscience, c’était que Nathalie aimait sa fille plus que tout et qu’elle ne tirerait rien de bon à tenter de lui montrer le véritable visage de Fanny…
3
Mise en avant des Auto-édités / Le mystère de Cassie Bennett de Julie JKR
« Dernier message par Apogon le jeu. 05/12/2024 à 18:27 »
Le mystère de Cassie Bennett de Julie JKR



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Résumé

 Cassie Bennett disparaît lors d’une soirée entre amies. Treize ans plus tard, errant sur une route de forêt des Great Smoky Mountains, elle réapparaît. Les stigmates sur son corps témoignent de la violence des sévices qu’elle a endurés. Parviendra-t-elle à sortir de son mutisme pour raconter son histoire?
Sean Williams, son petit ami de l’époque, n’a jamais perdu espoir de la retrouver un jour, mais il ne s’imaginait pas devoir attendre aussi longtemps avant de la revoir. Sa mission, élucider cette sordide affaire, et attraper par tous les moyens en sa possession me monstre responsable de ces atrocités.
Seulement voilà, les apparences semblent trompeuses et lorsque le médecin rend ses conclusions, le mystère de Cassie s’épaissit davantage. Il est formel, elle s’est infligé elle-même ses blessures.
Enlèvement et séquestration? Ou y-a-t-il une autre explication?
L’énigme reste entière.


Ce n’est pas parce qu’une chose n’est pas visible qu’elle n’existe pas.
 
1

Treize ans plus tard…

Un bruit aigu me sort de ma torpeur. Il se réver-bère tout autour de moi et martèle mon crâne avec ferveur.
Une lumière aveuglante me brûle la rétine et des ombres dansent devant mes yeux.
– Est-ce que tout va bien, mademoiselle ? Vous avez besoin d’aide ?
Sa voix résonne dans ma tête. Lointaine, pourtant si proche.
– Vous m’entendez ?
Une odeur de fleurs envahit mon nez, puis la chaleur d’un corps me frôle.
– Oh mon dieu, mais que vous est-il arrivé ?
Lorsque la main de cette silhouette floue me touche, mes paupières se ferment, et je plonge dans le noir.

– Nous interrompons notre programme pour un flash spécial. À Bryson City en Caroline du Nord une automobi-liste a retrouvé, errant sur une route de forêt près du parc national des Great Smoky Mountains, une jeune femme. D’après le témoignage de l’automobiliste, elle présentait des traces de sévices apparentes sur tout le corps, et son visage était couvert de cicatrices. Nous n’avons pas plus de détails pour le moment, mais nous vous tiendrons informé dès que de nouvelles informations nous parviendront.

2

En captivité…

Le froid.
L’humidité.
L’absence de repère.
Le martèlement dans mes tempes.
Toutes ces choses font désormais partie de mon quotidien. La vie telle que je la connaissais n’est plus qu’un lointain souvenir, une douleur lancinante qui me rappelle qu’aujourd’hui le néant m’absorbe len-tement et inévitablement. Les derniers relents de mon existence passée s’étiolent et se désagrègent sans que je ne puisse l’en empêcher. Tout ce qui me raccrochait à mon ancienne moi est en train de me quitter.
Fatalité ou destin ? Cela me hante chaque jour et chaque nuit depuis ce qui me semble être une éterni-té. Suis-je responsable de mon sort ou ai-je simple-ment joué de malchance ? Je suis incapable d’apporter ne serait-ce qu’un semblant de réponse à mes interrogations, mais mon cerveau continue néanmoins de me tourmenter avec ces questions. C’est comme s’il cherchait à me pousser à bout. Il ne suffirait que d’une minuscule impulsion pour que je bascule dans la folie.
Une certitude pourtant me happe, je vais mourir d’une façon ou d’une autre, il ne peut en être autre-ment. Avant de disparaître à tout jamais, je dois me souvenir de mon histoire, car il trouvera le moyen de m’effacer de la surface de la Terre. Si ce n’est pas déjà fait.

3

Treize ans plus tard…


En 2009, lors d’une soirée avec mes quatre meil-leures amies, ma vie a basculé dans l’horreur. J’ai vécu l’enfer pendant treize ans. Je n’avais aucune idée du temps passé dans cet endroit, mais la police s’est chargée de m’en faire part. Treize années durant les-quelles je suis morte chaque seconde de chaque jour.
Pour le moment, je ne suis pas en mesure de leur raconter ce qu’il m’est arrivé, car j’ai peur de ce qu’il pourrait se passer ensuite. Je ne veux pas être res-ponsable de cela, je ne le peux pas.
Le psychiatre qui m’a rendu visite lors de mon admission m’a suggéré de coucher sur le papier mes pensées et sentiments. D’après lui, cela m’éviterait de garder tout pour moi et ainsi ne pas sombrer dans la dépression. Je me suis abstenue de lui dire que c’est ce que j’avais appris à faire durant ma captivité, car c’était dans le silence que je me sentais le plus en sé-curité.
Inonder de gris les pages blanches d’un journal ne me rendra pas les treize années qu’il m’a volé ni n’effacera les sévices que j’ai dû subir et dont je me rappellerai le restant de mes jours. Elles s’ajouteront à la longue liste dont j’ai été victime.
Évoquer en ma présence le terme de « travail de reconstruction » ne va pas réussir à ce que je l’accepte surtout en sachant que le chemin sera long et dou-loureux, et qu’il me faudra raconter ce que j’ai subi.
Depuis ma réapparition, les gens m’observent comme si j’étais une curiosité qu’il fallait étudier. Avides de découvrir les moindres détails de mon histoire, ils s’efforcent d’être délicats avec moi, comme si j’allais m’évaporer à la moindre erreur de leur part. J’avoue y avoir pensé, mais l’idée de me retrouver seule au milieu de nulle part, m’a immédia-tement fait renoncer.
Ma vie d’il y a treize ans n’existe plus. Je n’existe plus, du moins plus telle que je l’étais auparavant. Accepter cette évidence, je l’ai comprise lorsque pour la première fois il m’a dépossédée de ce corps qui était le mien. Il ne m’a plus appartenu ensuite, et en-core aujourd’hui, il m’est étranger. La perception que j’ai de mon reflet au moment où je me regarde dans le miroir, ne représente en rien ce que les autres voient de moi. Je suis vide. Morte à l’intérieur. INEXISTENTE.

– Nous interrompons notre programme pour un flash spécial. Notre correspondant sur place à Bryson City à des révélations à nous faire. Dan, qu’avez-vous découvert sur cette affaire ?
– Nous venons d’apprendre que la jeune femme n’est autre que Cassie Bennett. Souvenez-vous, cette affaire avait fait la une des journaux télévisés il y a plusieurs années. Son petit ami de l’époque, inquiet de ne recevoir aucune nouvelle de sa part, avait signalé sa disparition auprès des autorités locales.
C’est dans l’appartement de cette dernière que la police a fait la macabre découverte. Les habitants de Bryson City avaient été choqués et ils redoutaient que le coupable soit toujours dans les parages.
– Avez-vous réussi à glaner quelques informations sup-plémentaires ?
– Pour le moment, les autorités nous tiennent à l’écart. D’après les dires d’une source proche de la police, Cassie Bennett est restée muette face aux interrogations de la police.
– Savez-vous où elle est actuellement ?
– Aussitôt après avoir été retrouvée, Cassie a été emme-née à l’hôpital. Nous n’avons pas pu approcher, un cordon de sécurité a été mis en place.
– Avez-vous pu parler à quelqu’un ?
– Non. Pour le moment, nous n’avons vu personne sor-tir de l’hôpital, mais il n’est pas impossible qu’ils soient pas-sés par l’arrière du bâtiment.
– Restez à l’antenne, nous reviendrons vers vous pour suivre en direct cette affaire.



4
Résumé :

Cédric est l'enfant non désiré de Nadège Solignac, tueuse en série.
Au fil du temps, il découvre son passé familial et tente de grandir sous l'ombre meurtrière de sa mère.
Mais un tel monstre peut-il aimer ? Peut-on seulement lui survivre ?
 
Un roman psychologique noir dans lequel le lien filial oscille dangereusement entre amour et haine.



Mon avis :

Tout d’abord, je tiens à remercier Joël des éditions Taurnada pour sa confiance et pour m’avoir fait découvrir en avant-première ce nouveau roman à la quatrième fort inquiétante.
Ayant déjà lu et apprécié certains des précédents romans (chroniques en cliquant sur les liens suivants) "La peine du bourreau", "Les eaux noires", "Digital way of life", "Il était une fois la guerre", "Le dernier festin des vaincus" "Contre l'espèce", j’étais curieuse et impatiente de voir ce que l’auteure allait nous réserver pour son dernier opus ^^ cependant, cette fois, j’ai eu beaucoup de mal à trouver les mots pour décrire mes ressentis. Le sujet abordé, même s’il titillait grandement mon intérêt, m’a de suite fortement interpelée par sa gravité, sa dureté et son côté révoltant. Attention, âmes sensibles s’abstenir ⚠️.

Nadège Solignac, dont nous avions fait connaissance en 2019 avec "Mon ombre assassine", est de retour dans cette suite. Spoiler, ce roman dévoile des événements passés. Même s’il peut se lire indépendamment, il est quand même conseillé si possible de lire le premier pour mieux appréhender et apprécier la personnalité de Nadège et l’évolution de son personnage.
 Cette institutrice à l’apparence douce, cette femme patiente et attentive aux autres, n’est pas celle que l’ont croit. En effet, sous son air affable se cache un autre visage, une autre personnalité : celui d'une tueuse en série des plus atroces.
Pourquoi ceux qui lui sont chers meurent-ils tous dans d’étranges conditions ?
Comment se fait-il que sans être inquiétée, elle ait ainsi perdu sa mère, sa sœur en situation de handicap, son père, sa belle sœur et sa nièce ?
Même si son frère Julien s’occupe de l'empire familial, pourquoi a-t-il coupé les ponts avec elle ? Que sait-il réellement de tous ces drames inexpliqués ?
Après avoir été acquittée, la Justice n’ayant pu prouver avec certitude son implication dans ces meurtres, cette dernière tente de reprendre sa vie là où elle en était restée. Comment y parvenir quand la graine du doute reste à jamais implantée dans l'esprit collectif ?
Puis, lors d’une terrible nuit, Nadège est violée et se retrouve enceinte. Sans en informer personne au cas où elle se serait débarrassée de l’enfant à venir du jour au lendemain, elle décide contre toute attente de s'enfuir, pour accoucher, ou plutôt expulser "çà" comme elle l’appelle. Aux yeux de cette génitrice, ce frêle nouveau né sans défenses va devoir mériter sa survie, prouver sa valeur. À l’aide de méthodes peut orthodoxes, de comportements tous aussi affreux les uns que les autres, cette "mère" dépourvue d'affect et de sentiment maternel va lui faire subir les pires choses : s’il se bât il survivra, sinon il mourra. Or, "ça" résiste, donc "ça" deviendra Cédric.
Sans y être préparés, le ton est donné. Ces quelques lignes sombres et macabres posées nous percutent et nous glacent le sang. Les questions se bousculent, taraudent notre esprit en ébullition :
Que s’est-il passé ? Pourquoi cette femme devenue à présent mère ressent-t-elle encore le besoin de faire ainsi du mal ?
Certes, son enfance a été malheureuse, mais après la colère et la haine qui la rongeait de l’intérieur au point de tuer tout ce qui l’insupportait, on aurait pu penser que cette naissance aurait été le déclic d’un changement, d’un renouveau tant attendu… Alors pourquoi gâcher cette nouvelle chance qui lui est offerte ?
Que peut pousser Nadège à perpétuer l’impensable, à continuer dans un fonctionnement de mère possessive, agressive et mortifère ?
À peine les premières pages avalées, nous voici plongés, happés, entraînés au cœur d’un presque huis clos dérangeant et oppressant, où nous allons suivre les méandres troublants de l’existence de cette "maman" tueuse en série, et de sa relation exclusive, fusionnelle ; complexe et dévastatrice avec sa progéniture, ce, depuis sa naissance jusqu'à l'âge adulte.
Tandis que ce dernier, évoluant entre quatre murs aux abords d'une voie ferrée, bataille pour se construire, il prend peu à peu conscience du passé terrifiant de sa mère ainsi que de la part d'ombre qu'elle parvient à dissimuler au monde, mais que lui, par son intelligence, sent, pressant. Pourtant, elle lui répète inlassablement qu'il n'y a qu'elle qui peut l'aimer, il y a "les autres" et "eux". Mais Cédric en grandissant va peu à peu comprendre qui elle est vraiment, et savoir comment il faut œuvrer et adapter en conséquence… si elle est "Nana Rouge", "Mi'Nana" ou "Nana".
Mais cet enfant est-il si innocent qu'il en a l'air ? Ne joue-t-il pas lui aussi un rôle suite à la manipulation mentale que lui a infligé sa mère ?
À contrario, un enfant peut-il se développer convenablement suite à une éducation prodiguée par une mère monstrueuse, sadique et manipulatrice ?
Et plus largement, peut-on réellement aimer un monstre ? Peut-on seulement lui survivre ?
Et elle, n’ayant connu que le pire, est-elle capable de ressentir le moindre sentiment ?
C’est par le truchement d’une alternance de points de vues fort bien dosés que nous allons plonger au cœur de cette famille dysfonctionnelle, broyée par la violence et la nocivité d'une mère cachant des secrets destructeurs. Tour à tour, trois voix vont prendre la parole : Cédric, Nadège, et Julien le frère de celle-ci, vont nous narrer la tragédie de leurs existences cabossées, vont nous aider à mieux cerner ce tumultueux passé afin de découvrir les actes commis par la jeune femme, et enfin comprendre peu à peu qui est Nadège et pourquoi en est-elle arrivée là. Procédé judicieux et fort immersif nous permettant ainsi d’appréhender la situation dans son entièreté. Même chose pour l’emploi du "Je" qui nous projette au plus près des pensées des personnages.
Dans ce récit addictif à l’ambiance glauque, morbide et insoutenable, nous allons alors assister, choqués, glacés et saisis d’effroi au déroulé inimaginable de cette intrigue machiavélique imaginée par l’auteure.
Grâce à une écriture directe et accrocheuse, acérée et percutante, à des chapitres courts et rythmés qui renforcent le suspense, les pages vont se tourner à toute allure ; connaître les tenants et les aboutissants de cette histoire aux multiples rebondissements sera une obsession, pour aboutir, lessivés et à bout de souffle, jusqu’au dénouement final qui nous laissera sans voix.
Quant aux personnages, ils sont particulièrement bien campés, et servent le récit au mieux afin de nous faire ressentir tout un panel émotionnel : tristesse, colère, rage, révolte… surtout que nous sommes parfaitement conscients que cette fiction pourrait rejoindre une réalité possible derrière les murs et les façades empruntes de bienveillance.
Vous l’aurez compris, malgré une lecture éprouvante par le thème ô combien difficile, ce roman m’a beaucoup plu, tant pour l’histoire, que par le cran de l’auteur pour avoir abordé un tel sujet, peu traité de nos jours. En effet, cet ouvrage amène à la réflexion sur l'influence de l'éducation, de la transmission, mais aussi de celle des traumatismes vécus et les traces qu’elles peuvent engendrer et laisser dans le psychisme d’une personne.
Alors, devient-on un tueur ou cela est-il déjà inscrit en partie dans nos gênes ?
À vous de le découvrir ^^
Donc, si vous aimez les romans coup de poing, de ceux qui bouleversent, remuent les entrailles, vous laissant exsangue à la fin de l’histoire.... foncez, ce livre est fait pour vous ; vous ne serez pas déçus du voyage :pouceenhaut:

Ma note :

:etoile: :etoile: :etoile: :etoile: :etoilegrise:



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5
Mise en avant des Auto-édités / La vie est parfois une surprise de Marie Barrillon
« Dernier message par Apogon le jeu. 31/10/2024 à 17:56 »
La vie est parfois une surprise de Marie Barrillon



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Site : Marie Barrillon et Blog : Marie Barrillon   


1


Pour Léa, aujourd’hui ce n’est pas un jour comme les autres. C’est un samedi inhabituel. Un jour plein de lumière, plein de soleil. D’étincelles brillantes. De joies inconnues ne demandant qu’à être découvertes. Elle part en mer pour une durée indéterminée et vaille que vaille, le vent la portera où le destin voudra l’emmener. Le destin, cette multitude d’instants aléatoires qui nous laisse souvent dubitatifs face à ce qu’il met sur nos chemins respectifs. Elle sent que ce ne peut qu’être vers la beauté de moments qu’elle n’a jamais connus. Les joies, elle les ressent déjà et de grands crus. Un millésime merveilleux. Et pourquoi ne pas se laisser tenter par l’idée de quelque chose de sublimissime ? Tant qu’elle y est, autant que ses rêves et ses espoirs la portent vers l’exception ! Le destin ne pouvait pas toujours être mauvais, alors Léa acceptait de lui donner une chance de montrer ses bons côtés. De lui favoriser un peu l’accès à sa vie qu’elle a tant de mal à porter parfois, et parfois si souvent. Cette vie qui l’a encombrée durant tant d’années et que bien malgré elle, elle a porté le ventre à terre, sans parvenir à éviter les rouleaux compresseurs du temps.

Elle n’a pas encore vingt ans, mais n’en est vraiment pas loin. Léa, elle est jeune, pourtant, elle en a certainement vu plus que bien d’autres et en tous genres même, malgré cette jeunesse. Après une crise d’adolescence, peu ordinaire, elle n’est pas parvenue à se trouver, ni même à s’identifier dans ce monde. Depuis, elle est constamment en parfaite recherche d’identité. Elle considère que le monde n’a que peu d’intérêt, tout comme la vie. « Après tout, se dit-elle souvent, je ne dois pas être la seule au monde avec cet état d’esprit. Des millions d’êtres sont des âmes perdues entre deux instants de leur vie, en décalage constant, en naufrage aussi. »
Alors, qui pourrait bien se soucier d’une pauvre fille paumée depuis l’enfance, presque déjantée même, qui n’a goût à rien, ne s’intéressant à rien, pas même à sa petite personne. Qui plus est, qui est en totale insouciance. Frôlant souvent l’inconscience, alliant à cela une profonde imprudence. Et puis quoi ?! À près de vingt ans, on profite de la vie, non ? Parce qu’après on n’a plus le temps, c’est trop tard ! L’horloge de la vie ne recule jamais, avançant contre tous les vents. Pas de panne ni de batterie vide, c’est le vent qui la fait tourner, toujours dans le même sens. En avant toute ! À tous les temps. Son tic-tac ne s’arrête pas une seconde, non, pas une toute petite seconde au cours d’une longue vie. Donc, il faut bien la suivre cette horloge en essayant de perdre le moins de temps possible tout en profitant au maximum de ce qu’elle peut offrir de bien, de bon, d’essentiel. Encore faut-il le pouvoir ! Encore faut-il que cela soit possible. Encore faut-il être conscient de ce qui est bien, bon ou encore essentiel !
Léa a décidé de partir. Elle le voulait depuis longtemps sans savoir comment s’y prendre, jusqu’au jour où elle a rencontré Serge. Un homme seul, disons plutôt esseulé. Solitaire et esseulé. Une famille disparue, une femme exilée on ne sait où, près de vingt ans auparavant, un peu moins peut-être, avec son enfant qu’il n’avait pas eu le temps de connaître, ni même d’apercevoir une fraction de seconde. Vingt ans, peut-être un peu moins effectivement, il ne sait plus vraiment, il a cessé de compter depuis longtemps. Alors, Serge, depuis toutes ces années, imaginait cet enfant grandir. Accumulant le désespoir de ne jamais le connaître. Dans son esprit, il le façonnait tel qu’il aurait aimé qu’il soit, sans pouvoir être capable de le décrire. Mais son ignorance à ce niveau avait beaucoup plus d’importance que cela, car en réalité, il n’avait jamais su si son enfant était un garçon ou une fille. Alors, tour à tour, il imaginait l’un ou l’autre, suivant son humeur, son moral, son état d’esprit... Durant toutes ces longues années, Serge s’était totalement isolé du monde. En bon marin, il avait appris à bien vivre de sa pêche. Seulement deux ou trois copains l’aidaient sans le savoir à porter son existence, lorsqu’il était à terre. Mais aucun d’entre eux n’avait connaissance du parcours de sa vie. De son passé. Il gardait le silence sur ce point et conservait au fond de lui ces années, tel un secret, tout en étant dans le même temps un fardeau d’un poids considérable. Les douleurs sont plus lourdes qu’un sac de pierres tout en n’étant pas toujours visibles. Ce sont peut-être même les pires douleurs celles qui demeurent les plus silencieuses.
Serge avait décrété tout au long de ces années qu’il ne s’attacherait plus à personne, car la perte des gens que l’on aime provoque des douleurs trop profondes. Les blessures restent béantes et les plaies ne cicatrisent pas toujours, et surtout jamais complètement. Dans tous les cas, la vie devient tellement difficile que parfois on ne remonte pas la pente. À force d’y ramper, on s’écorche l’âme. On se fourvoie dans des méandres de noirceur. On évite de regarder le temps passer parce qu’il laisse trop de traces indélébiles. On se détourne des regards et surtout des gens qui les portent. On s’enferme dans une bulle qui ne se dégonfle pas et en même temps qui reste invisible aux autres tout en leur étant impénétrable, infranchissable.
Serge est bien sur son bateau. Il n’est certes pas heureux, mais en tout état de cause, il n’est plus malheureux. Il y est comme ça, ni heureux ni malheureux, et c’est bien le principal pour lui. Il se laisse vivre au gré de la mer et du vent. Le temps n’a plus d’incidence sur ses jours, sur ses nuits non plus d’ailleurs. Il vit au bon vouloir du temps et des poissons. Quand ces derniers sont bien décidés à se suicider tous ensemble, en groupe uni et solidaire face aux filets tendus devant eux, alors Serge amasse un peu d’argent, suffisamment pour tenir quelque temps. Il est peu dépensier en général. Pas d’extravagances pour lui-même. Pas de folies, même passagères. Une simplicité hors du commun. Manger, lire, dormir, réfléchir, remonter ses filets au moment où il le faut. Tout cela lui suffit et rend à son existence, le calme et la sérénité auxquels il aspire et dont il a un grand besoin de façon permanente.
Serge est un homme silencieux. En mer, il écoute le vent, les vagues, le clapotis de l’eau. Il observe le ciel, scrute les nuages, toise les poissons qui s’aventurent un peu trop près de la surface de l’eau et du bateau. Le silence humain, il l’apprécie au plus haut point avec toutes les variantes qu’il contient. Avec les années, il est devenu le remède à toutes ses plaies. L’apaisement de ses profondes douleurs. Le miel de ses nuits, autrefois si agitées. Le sucre de ses jours, aujourd’hui si tranquilles.
Quant à Léa, elle est presque une enfant de la rue. Presque, parce qu’elle y a passé un temps infini. À une période de sa jeune existence, la rue était son univers et sa déchéance. Face à ses galères, elle y a affronté le froid, le vent, la pluie ou la chaleur, tour à tour. Elle s’est cherchée à tous les coins de rue, dans tous les bistrots. Et dans tellement de bras. Si tôt. Trop tôt. Partout où il y avait du monde. Elle passait souvent inaperçue d’ailleurs. Les espaces peuplés étaient sa prédilection. Puis, petit à petit, elle a déchanté. Elle s’y est encore plus égarée. Une brebis de plus perdue dans ce monde hostile. Un cœur fendu, brisé trop tôt. Une vie en perdition. Une existence encombrée d’instants douloureux et de surcroît inutiles.

2


Serge et Léa se sont croisés à plusieurs reprises dans un petit port breton. Elle était triste, attablée au fond d’un bistrot de marins où elle avait échoué après avoir, un jour, décidé de tout plaquer. Elle avait pris la route. De voiture en voiture, auto-stop oblige, elle était arrivée là. Lessivée, vidée, épuisée. Elle faisait des petits boulots à droite, à gauche pour continuer à garder la tête hors de l’eau tant qu’elle en aurait la force. Ces boulots lui permettaient de survivre, de se nourrir, de se loger aussi parfois. Elle était un peu touche-à-tout, douée sur bien des points. Rien ne lui faisait peur. Rien ne l’impressionnait. Rien ne la rebutait. Elle travaillait la rage au cœur, la rage au corps, la rage à l’âme. Cette rage qui vous tient debout comme si des piquets invisibles vous maintenaient dans cette position vous empêchant ainsi de tomber.

Lorsque Serge était entré, à son tour, dans le bar de pêcheurs, c’est elle qu’il avait vue avant même de poser un œil sur le comptoir où ses potes étaient installés. Son cœur s’était entr’ouvert en apercevant cette petite aussi triste, comme une persienne qui ne résiste plus aux intempéries et qui soudain cède laissant entrer la lumière, balayant toutes les poussières accumulées. Chassant les ombres collées çà et là sur les parois devenues si épaisses. Toute la misère du monde semblait concentrée dans le regard de cette môme sortie de nulle part. Décidément, le monde était vraiment injuste ! Il ressentait dans son regard, un passé plein de lourdeurs. Quelque chose d’indescriptible laissait transparaître de profondes blessures. Ce regard n’avait pas l’éclat qu’il aurait dû renvoyer dans la logique de cet âge. Le teint était blanc et même blême par instants comme une vieille actrice sans maquillage. À d’autres moments, elle ressemblait à une poupée de cire ancienne comme il en voyait dans son enfance. Mais dans tous les cas, une beauté certaine émanait de ses traits demeurant pleins de finesse. Des cernes pesaient tristement sous les yeux au charme évident. Cependant, une expression de toute sa personne intimait de ne pas s’approcher sous peine de se perdre. Mais, c’est justement dans de tels cas que Serge approchait, et approchait encore, jusqu’à se brûler, jusqu’à la torture, s’il le fallait. Le goût du risque était resté intact en lui, malgré tout.
Serge avait énormément de difficultés à détacher son regard de cette jeune fille perdue. Au fil des jours, il devenait presque heureux de venir au bar des pêcheurs dans l’espoir d’y revoir Léa. Il avait appris son prénom par le patron qui tentait de sympathiser avec elle. Mais, elle avait d’autres chats à fouetter et ne souhaitait pas lier d’amitiés, ni même de relations quelconques avec qui que ce soit. Elle était devenue immensément solitaire et préférait grandement le rester. Son seul lien sur terre était la dernière famille d’accueil qu’elle avait quittée quelques mois auparavant. Et puis de toute façon, elle savait très bien qu’elle serait repartie avant même d’avoir eu le temps de construire des souvenirs ici. Alors lier des amitiés ou même de simples relations ne servait à rien, parce qu’une fois repartie, elle ne reviendrait sûrement pas. Son passage s’échapperait dans l’oubli. Partout, elle n’était que de passage. Son choix était ainsi, pas autrement. Personne n’avait rien à dire.
Serge aurait dû repartir depuis quelques jours déjà, mais ne s’y résignait pas. Comme aspiré pour rester à terre. Les pêcheurs avaient bien remarqué ce changement, et ne comprenaient pas un tel bouleversement dans les habitudes de leur ami, même si ce n’était pas forcément négatif.
Serge se faisait chambrer par ses copains. Ils avaient bien remarqué que le vieux bougre était de surcroît plus avenant ces derniers temps. Et comme ils ne cessaient de le taquiner, ils avaient fini par en connaître la cause : Léa.
Un jour, en entrant dans le bar, Serge avait immédiatement remarqué l’absence de Léa. C’était comme si les lumières du fond de la salle s’étaient éteintes. Son cœur s’était serré brutalement. Ses copains pêcheurs savaient, bien avant son arrivée, quelle serait sa réaction. Tout le temps de sa présence dans le bar des pêcheurs sans celle de Léa, il avait ressenti un manque au fond de lui, comme si on lui avait enlevé quelque chose. Au fil des minutes, il se referma comme une huître, jusqu’à redevenir celui qu’il était quelques jours auparavant. Avant Léa. L’huître se referme en gardant sa perle noire au fond de son cœur pour ne surtout pas empoisonner ce (ceux) qui l’entoure(nt). Après maintes questions au patron et à ses copains, il ne parvenait toujours pas à savoir quoi que ce soit sur l’absence de Léa. Personne ne savait rien. Elle était aussi silencieuse que lui. Elle ne laissait aucune trace. Il ressentait une inquiétude douloureuse le parcourir. Il se sentait complètement déserté. Abandonné. Délaissé. Mais qu’est-ce qu’elle avait de si particulier pour avoir pu laisser une telle empreinte, une trace indélébile, sans même lui avoir parlé ?
Avant de retourner au bateau, Serge était allé faire quelques réserves alimentaires ainsi que des journaux et des magazines pour quelques jours. Partout où il était passé, il avait demandé si on avait vu ou aperçu cette jeune fille brune. Il la décrivait avec mille détails. Il s’était surpris lui-même en constatant tous les détails qu’il était en mesure d’énumérer. Une multitude de petites choses que probablement lui seul avait remarquées. Mais personne ne savait de qui il parlait. Personne ne l’avait vue. Elle avait disparu comme elle était apparue. Comme si elle n’était jamais venue. Comme si elle n’avait été qu’un mirage. Une fée de passage dans son espace éclairant son univers sombre. Une étincelle fugace qui s’était éteinte aussi vite qu’elle s’était illuminée.
Serge reprit la mer avec de la tristesse dans le cœur. Une tristesse immense. Le vieux loup qu’il était devenu était donc encore capable de sentiments. Mais ce qui l’étonnait c’est que ce n’était pas des sentiments d’amour, loin de là. Pas cette sorte de coup de foudre amoureux. Non, c’était autre chose de plus fort peut-être. De vraiment différent et de bien plus subtil. De plus merveilleusement magique assurément. Comme quoi rien n’était impossible. Son esprit voguait au rythme du bateau avec une seule image en toile de fond, Léa. Léa sur le pont. Léa à la barre. Léa marchant sur l’eau. Léa soufflant sur les nuages pour les éloigner. Ou encore Léa s’accrochant tour à tour au soleil ou à la lune. Léa comptant les étoiles parsemant le ciel. Léa, son regard noir et perçant, et toute cette tristesse qui l’assombrissait plus encore. Léa qu’on avait envie de voir avec le sourire et de le faire durer, juste pour se rendre compte de sa beauté. Juste pour éclairer ce visage de grâce, pour y faire naître à défaut de bonheur tout au moins des éclats de rire.
Léa, quant à elle, était repartie en vadrouille. Mais, quelque chose la perturbait. Elle n’en connaissait pas la raison. Et même après maintes réflexions, elle ne parvenait pas à déceler ce qui la dérangeait au fin fond d’elle-même. Elle avait le sentiment qu’elle avait quitté quelque chose d’important et vital. Elle avait l’impression de s’éloigner de son destin. Pourtant, elle ne connaissait personne dans cette ville. Et le port était un port comme les autres. Alors pourquoi ce malaise comme si elle quittait sa vie ? Comme chaque fois qu’elle prenait la route, Léa ne savait pas où elle allait. Comme toujours, elle allait là où la route la portait. Les voitures au fil des routes l’emportaient, la déposaient, l’emportaient à nouveau. Elle ne s’intéressait même pas aux noms des villes qu’elle traversait. Peu lui importait, rien n’avait plus d’importance depuis longtemps.
Puis, à force de réfléchir, le visage de Serge s’imposa à elle. Elle ne le connaissait pas, mais quelque chose en lui l’attirait. Pourquoi ça ? Il n’était pas tout jeune. En tout cas, il était bien plus vieux qu’elle. Et puis, ce n’était pas un sentiment amoureux qu’elle ressentait, de cela elle était certaine. C’était bien différent. Un sentiment indescriptible. Le désir de le connaître, de le découvrir était envahissant sans savoir pourquoi. Et cela lui pesait sur les entrailles. Dérangeait ses habitudes de défense. Il aurait pu être son père. Sauf qu’elle n’avait pas de père. Ni de mère d’ailleurs. Elle avait grandi orpheline. Sa mère avait quitté ce monde alors qu’elle n’avait que cinq ans. Et son père, elle ne l’avait jamais connu. Elle ne savait rien de lui. Elle ne connaissait même pas son nom. Sa mère était morte avant même d’avoir pu lui en parler, ne serait-ce qu’un tout petit peu. Elle n’avait rien laissé derrière elle. Rien d’évident en tout cas. Juste quelques photographies de jeunesse d’une époque révolue, qui remontait à avant sa naissance. Elle y était magnifiquement belle, sa mère au bras de cet homme, son père. C’était tout ce qu’elle savait. Tous les deux donnaient l’apparence d’un couple heureux sur ces images colorées. L’un contre l’autre, leur bonheur s’était figé sur cet instant. « En avait-il vraiment été ainsi ? », se demandait souvent Léa. Probablement que non, sinon elle le connaîtrait ce père.

3


De son enfance, avant l’âge de cinq ans, elle ne se souvenait de rien. Rien du tout. Seulement du regard de sa mère. Pas même de son visage, juste de son regard couvert d’une nappe d’amour, inondé d’éclats de tendresse constants. Il lui fallait regarder les quelques photographies qu’elle conservait toujours sur elle pour pouvoir visualiser ce visage, pourtant tant aimé. Ce visage si lointain. C’est en pensant à elle que Léa avait réussi à tenir jusqu’à maintenant. Presque quinze ans déjà qu’elle était morte un jour de soleil sans aucun signe d’alerte. Juste après un énorme baiser d’amour, un « au revoir » quotidien. Son cœur avait lâché comme ça faisant du même coup basculer le destin de sa fille. Il avait manqué un battement avant de s’emballer et il avait ensuite déraillé. Puis, sans prévenir, il avait faibli pour finalement s’arrêter. Léa se souvenait, les larmes aux yeux, qu’en sortant de l’école, ce jour-là, elle n’avait plus de mère.
On lui avait dit qu’elle était partie au ciel. Alors Léa regardait le ciel aussi souvent qu’elle le pouvait. Elle comptait les étoiles. Léa avait été placée dans une famille d’accueil, puis une autre, puis encore une autre. Elle en avait fait six en quinze années douloureuses. Elle n’en avait aimé qu’une seule, la dernière. Elle y était restée six ans. Quand elle avait décidé de partir sur les routes, elle avait juré de revenir. Ils avaient pleuré à son départ. Ils l’aimaient profondément ses parents adoptifs, et ils étaient sincères. Léa n’en doutait pas un instant. Elle reviendrait un jour, mais elle ne savait pas encore quand ce serait. Elle reviendrait quand elle serait capable de s’identifier dans ce monde. Quand elle y aurait trouvé sa place. Lorsqu’elle serait apte à se reconnaître parmi les siens. De sentir la vie au fond de son cœur et dans ses veines. Mais surtout lorsqu’elle serait apte à les aimer comme il se devait. Comme ils le méritaient. Parce qu’il ne pouvait en être autrement. Ils avaient tant fait pour elle. Toute cette patience dont ils avaient fait preuve, cette tendresse s’échappant de leur cœur vers elle depuis le premier jour, sans attendre de retour. Ce don d’eux-mêmes, de leur temps, de leurs sentiments et de tout ce qu’ils lui avaient donné sans compter n’était autre qu’une bénédiction du ciel. Pourtant, Léa n’avait pas été en mesure de leur rendre leur amour, non pas qu’elle ne les aimait pas, elle était seulement incapable de le leur montrer.
Elle n’avait pas le droit de tricher avec eux. Pas le droit de leur mentir ni de jouer la comédie. Eux, ils s’acharnaient à l’aimer et à l’évidence ils ne se forçaient pas. Ils trouvaient toujours toutes les excuses à leur fille adoptive. Son passé douloureux en était la première. Elle avait une énorme reconnaissance pour eux, mais elle était inapte à l’extraire de son cœur. Léa ne savait pas offrir ce genre de sentiments ni aucun autre d’ailleurs. On ne lui avait jamais appris à faire ces choses-là. Tout restait coincé à l’intérieur, emprisonné, comme si les portes de son cœur étaient verrouillées de l’extérieur sans qu’on ne lui en ait jamais donné les clés pour les rouvrir un jour. Et tous ces sentiments inexprimés devenaient de plus en plus souvent trop pesants. Son cœur était trop lourd. Alors, elle devenait exécrable pour le remettre à sa place, le rééquilibrer dans son espace premier avec pour seule autorité celle de battre correctement. Il devait battre et se taire, c’était tout ce qu’elle attendait de lui tout en sachant qu’il avait sûrement d’autres qualités. Des capacités qu’elle n’imaginait probablement pas. D’autres possibilités dont elle ne voulait pas entendre parler pour l’instant. Ce dont elle ne se rendait pas compte, c’est que ce cœur dont elle exigeait un silence le plus profond possible, absolu, elle l’étouffait, l’asphyxiait, l’empoussiérait. Sans aération ni sentiments extérieurs, le cœur se meurt. Il ne sait plus vivre, aimer, adorer, ne connaissant plus que la misère, la colère, les tristesses, les douleurs, la désaffection. C’est ainsi que l’on fait des gens acariâtres, agressifs, désagréables et constamment sur la défensive parce qu’ils ne sont plus aptes à avoir des jugements positifs par manque de confiance.
Léa se demandait si elle serait capable de retourner à ce port. Si elle aurait assez de courage pour y affronter ce qui la taraudait autant. Si elle serait en mesure de reconnaître les lieux, d’en retrouver le chemin. Elle ne savait même pas le nom qu’il pouvait bien porter. Il lui faudrait faire appel à sa mémoire visuelle pour reconnaître la route qui l’y avait amenée et encore. Cela ne s’annonçait pas être une mince affaire. Les paysages se ressemblaient tous, plus ou moins, pour elle. Des routes, des arbres, des champs, de la verdure…
À partir de ce moment, Léa mémorisa dans sa tête le nom de toutes les villes qu’elle traversait. C’était difficile, du jour au lendemain, d’encombrer son esprit avec des noms qu’elle ne reverrait peut-être jamais. De les faire tenir à la surface de sa mémoire pour qu’ils ne s’échappent pas, ne s’envolent pas à la venue d’un autre. Ne pas les laisser se balayer les uns après les autres. Les garder côte à côte, à la suite et qu’ils demeurent intacts. Soudain, ce simple fait prit toute son importance. Plus les jours passaient et plus elle avait envie d’y retourner à ce port. Cette impression d’avoir quitté sa vie en partant l’oppressait de manière presque obsessionnelle. En même temps, elle ne supportait pas la simple idée de se sentir prise dans les filets de quelque chose, de quelqu’un ou de quelque événement qu’elle ne pouvait pas maîtriser. Se sentir prise au piège sans parvenir à rester en retrait la déstabilisait terriblement. Cette impression la faisait couler et se sentir comme une naufragée dans l’étendue profonde de sa propre vie.
Mais sa mémoire, elle avait beau la retourner dans tous les sens, rien ne revenait en surface. Le port, le café, les boulots qu’elle avait faits, Serge… Oui, tout cela, ça allait, c’était bien présent, mais pour le reste le vide était immense. Profondément immense. Cependant, il y avait bien une solution. Chaque fois qu’elle s’arrêtait quelques jours, elle envoyait une carte postale à ses parents adoptifs. C’était une règle à laquelle elle ne dérogeait jamais. Juste pour les rassurer, leur dire que tout allait bien, même si ce n’était pas toujours une parfaite vérité. Les savoir marqués de douleurs et d’inquiétudes à cause d’elle l’insupportait au plus haut point. Elle n’avait pas besoin de cela pour être malheureuse, les moments de la vie s’en chargeaient déjà bien assez. Tout le reste était déjà bien suffisant. Alors effectivement, elle pouvait bien les appeler pour savoir où elle se trouvait à cette période. Cependant Léa rechignait à le faire pour plusieurs raisons. Dans un premier temps, comment ses parents adoptifs allaient-ils réagir ? Ils se poseraient des millions de questions. Ne pas se souvenir des haltes de plusieurs jours quelque part, il faut être tombé sur la tête. Non, ils n’étaient pas prêts à comprendre. Et puis, le simple fait pour Léa d’imaginer les appeler était un supplice. Entendre leur torture au bout du fil n’était pas possible. C’était totalement inenvisageable pour l’instant. Même s’ils ne lui disaient pas, elle le sentirait dans l’intonation de leur voix. Elle les connaissait trop bien pour ne pas anticiper leurs réactions. Elle décréta qu’elle n’appellerait qu’en dernier recours. En attendant, il lui fallait tenter de trouver par elle-même. De ce fait, le sommeil devenait difficile.
Lors d’une prise en charge en auto-stop, Léa demanda au conducteur combien il pouvait y avoir de ports en Bretagne.
—   Eh bien, ma petite dame, c’est une bonne question. Mais comme je ne les connais pas tous, je ne pourrai pas vous le dire.
—   Ben, ce n’est pas grave, tant pis, répondit Léa légèrement déçue.

Elle ne lui en voulait pas de son ignorance, puisqu’elle-même ne le savait pas. Tout le monde possédait quelques lacunes, ce n’était pas non plus un drame pour autant et encore moins la fin du monde.
—   Si je puis me permettre…, commença-t-il.
—   Oui ?
—   Pourquoi cette question ? Enfin, je veux dire, le nombre de ports, en Bretagne spécialement ?
—   Ben… je me suis arrêtée dans un port durant quelques jours récemment et j’aimerais y retourner, mais je ne me souviens pas de son nom, ni où c’était exactement.
—   Ah, oui ! C’est embêtant !
—   Oui, très, dit-elle en se sentant particulièrement stupide.
—   Mais dites-moi, n’auriez-vous rien fait de spécial ? Enfin je veux dire, n’auriez-vous pas visité un endroit, fréquenté un lieu, côtoyé des gens, ce qui vous permettrait de vous donner une piste pour rechercher dans l’annuaire.
—   Euh… si, un lieu en particulier, mais le nom ne me revient pas non plus.
—   Bon, mais c’est quoi comme endroit ?
—   Ben… euh… un bistrot de pêcheurs…, répondit-elle, se sentant de plus en plus minuscule dans sa peau.
—   Eh bien voilà, c’est déjà une avancée, dit l’homme d’un air satisfait.
—   Ah bon ! Et en quoi, est-ce une avancée ?
—   Eh bien voilà, il se trouve que ma femme et moi possédons tous les annuaires de la région. Donc si cela vous intéresse, vous pourriez jeter un œil dessus. Il ne faudra pas oublier de le récupérer surtout !
—   Pardon ? dit Léa qui n’avait pas compris, peu habituée à ce genre de subtilité.
—   Bah oui, votre œil. Jeter un œil !!! dit l’homme en s’esclaffant de tout son potentiel de rire.
Ce qui fit rire Léa assez généreusement, chose qu’elle n’avait pas fait depuis longtemps, non pas pour l’allusion, mais plutôt pour le rire si communicatif de ce Monsieur pas comme tout le monde.
L’homme était gentil. Il avait cet air rigolard et rigolo. Ses traits étaient marqués, ce qui donnait à Léa l’impression qu’il avait traversé un certain nombre d’années difficiles.
Léa interrompit les rires en s’adressant au conducteur.
—   Monsieur…
—   Jean. Vous pouvez m’appeler Jean.
—   Et moi, c’est Léa.
—   Enchanté de faire votre connaissance, lui dit-il avec un grand sourire.
—   Moi aussi, je suis enchantée. Donc, je voulais vous dire que je ne voudrais pas vous déranger, dit Léa sans oser le regarder.
—   Oh ! Vous savez jeune fille, vous ne me dérangez pas et ma femme encore moins, j’en suis convaincu d’avance.
—   Vous en êtes certain ? Déjà que vous me transportez…
—   Jeune fille, dit-il soudain d’un air empli de gravité, ma femme et moi avons perdu notre fille, il y a de cela maintenant cinq ans. Depuis ce jour terrible, notre maison n’a plus eu de jeunes personnes sous son toit, voyez-vous ! Alors, rassurez-vous, non seulement cela ne nous dérangera pas de vous rendre service, qui plus est un bien maigre service si vous me le permettez, mais en plus, cela nous fera immensément plaisir. Depuis toutes ces années, Soleyne, ma femme, ne sort presque plus. Elle se cantonne à traverser la maison de long en large comme on traverse le temps, laissant les années la séparer douloureusement du dernier jour de notre petite chérie partie trop tôt.
Alors, je sais de source sûre, celle de mon cœur d’amoureux, qu’elle se fera un plaisir de vous recevoir. Je pense même qu’elle y mettra son cœur tout entier pour vous aider autant que ses possibilités le lui permettront. Il est fort à parier qu’à la minute où nous conversons, elle est en train de remuer sa petite cuillère dans sa tasse de chocolat chaud en se repassant en boucle les années d’amour partagées avec notre fille.
—   La pauvre, dit Léa visiblement retournée, comme elle doit souffrir dans son cœur !
—   Oui, répondit Jean, et ses plaies, voyez-vous, ne se refermeront probablement jamais.
       Bon et vous, vous êtes bien jeune. Que faites-vous sur les routes sans vos parents ?
Ils étaient arrêtés à un feu rouge. Jean la regarda attentivement et découvrit une immense douleur traverser le regard de la jeune fille. Il comprit qu’il ne devait pas insister. Au moment où il redémarra, Léa laissa tomber rapidement ce qu’elle n’aimait généralement pas dire.
—   Je n’ai plus de parents.
—   Mince, dit Jean, j’aurais dû me taire, je suis très maladroit parfois.
—   Non, ce n’est pas grave, vous ne pouviez pas savoir.
—   Mais tout de même, dit-il tristement. Je ne devrais pas être si curieux. C’est un gros défaut de ma petite personne.
Léa éprouva subitement le besoin de se confier. Sans savoir pourquoi. Face à un inconnu, cela lui sembla tellement plus facile, et elle en avait besoin. Il est souvent des choses trop lourdes à porter sans pour autant trouver le moment pour se délester ou les personnes capables d’écouter, sans juger.
—   Ma mère est morte quand j’avais cinq ans. Et je n’ai jamais connu mon père. J’ai grandi dans des familles d’accueil. Ce n’était pas super tous les jours, jusqu’à la dernière où je suis restée six ans. Ils sont vraiment extra. Mes six plus belles années depuis mes cinq ans pour tout dire en réalité.
—   Quel malheur ! La vie est bien trop injuste souvent, dit Jean encore plus attristé.
Cette enfant faisait battre son cœur de vieil homme. Il aurait voulu lui offrir les plus belles choses qui puissent exister ici-bas.
—   Vous savez, reprit Léa, je suis partie comme ça. J’ai tout quitté parce que je n’arrive pas à trouver ma place. Souvent je me demande ce que je fais sur terre. Alors, je bouge et peut-être que je parviendrai à me trouver quelque part.
—   Ce que je comprends, c’est à quel point vous avez été et pouvez être encore malheureuse. On le serait à moins. Je suis persuadé que vous trouverez la porte qui mènera à votre apaisement, dit Jean sans se préoccuper du fait qu’il l’avait interrompue. Regardez, nous arrivons !
—   Vous êtes certain que je ne vais pas vous déranger ?
—   Mais oui, belle enfant ! Vous savez, il n’y a pas que du mauvais dans la vie. Il existe aussi des gens gentils, souvent ceux qui ont le plus souffert d’ailleurs.
        Dites-vous que la vie est parfois une surprise. Elle a de cela en elle aussi, même si cela devient surprenant de nos jours. Allez, venez !
—   D’accord, je vous suis, j’ai hâte de rencontrer votre dame.
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Résumé :

Matthew écrit des scénarios à New York. Andrea skie en Californie. Ils se rencontrent sur un trottoir de Manhattan et le coup de foudre est immédiat.
De cet amour naît Fanny.
Alors pourquoi, à son retour de la maternité, Matthew saute-t-il du quinzième étage de son appartement ?
Quel secret emporte-t-il avec lui ?
Une bouffée d'oxygène dans le monde du thriller.


Mon avis :

Tout d’abord, je tiens à remercier les Éditions Taurnada pour leur confiance, et de m’avoir permis de découvrir ce roman au résumé attractif et intrigant.
Au cours de son footing dans Manhattan, Matthew, scénariste à succès, fait la connaissance d'Andrea de passage à New York pour postuler pour un job de moniteur de ski. Deux mois plus tard, leur rencontre inopinée se transformera en idylle d’où naitra le fruit de leur amour : Fanny.
Mais contre toute attente, alors qu'Andrea vient d'accoucher, son mari, après avoir serré son adorable fille dans ses bras, rentre chez eux pour sauter du 15ème étage…
Ces quelques lignes posées, le ton est donné ; notre curiosité est piquée au vif ; les questions taraudent notre esprit en ébullition.
Qu'a-t-il bien pu se passer pour que Matthew, pourtant au comble du bonheur, puisse songer et commettre un acte aussi extrême ?
Quelle(s) obscure(s) raison(s) sont à l’origine de ce tragique événement ?
Et surtout, quel secret emporte-t-il avec lui ?
À l’image de nos protagonistes, une fois le prologue avalé, la stupéfaction passée, nous voici entraînés, submergés, absorbés au cœur d’un thriller mystérieux, où manipulations, vengeances et secrets seront à l'ordre du jour.
C’est par une astucieuse construction de l'intrigue, un découpage narratif en quatre parties, que nous allons remonter seize mois plus tôt afin de comprendre et de découvrir le cœur de cette histoire. En premier lieu, nous allons assister à la rencontre d'Andrea et de Matthew jusqu’à la naissance de leur bébé.
Puis, la disparition soudaine et mystérieuse de son meilleur ami Larry Simmons avec lequel il écrivait des scénarios de séries à succès. Nous allons apprendre que ces deux évènements sont bizarrement concomitants.
Le couple se sent traqué. Des gens étranges semblent les poursuivre…
Pourquoi ? Quelles sont ces personnes qui le suivent constamment et à travers le monde ?
Pourquoi son meilleur ami et collègue de travail disparaît-il du jour au lendemain en lui laissant un message codé ?
Son suicide serait-il lié à la disparition de ce dernier voici quelques mois à peine ?
Possible, si on prend en compte que Matthew se serait retrouvé menacé s’il ne révélait pas où se cache Larry, détenteur d’un secret d’une extrême importance.
Mais, Matt sait-il réellement quelque chose au sujet de la disparition de son ami ?
Dans la troisième partie, suite à cet évènement tragique qui va bouleverser sa vie, c'est sa femme, Andrea, qui va prendre le relais et devenir la narratrice. À ce niveau, d’autres questions nous taraudent.
Quel est le lien avec les hommes qui les ont intimidés à plusieurs reprises ? Matthew cachait-il quelque chose ? Que vient faire dans tout ça là disparition de son ami et collègue ?
Cette dernière, malgré la souffrance qui la ronge, veut comprendre, se battre pour leur fille.
Va-t-elle se remettre de cette horrible tragédie ?
Aura-t-elle le courage et la force de démêler la pelote de laine particulièrement emmêlée que Matthew a laissé avant son triste départ?
C’est en accédant à la dernière partie, révélatrice de ce secret bien gardé entre Matt et Larry, que le voile va totalement se déchirer, pour laisser apparaître toute la palette de leur ressentis et de leurs motivations.
Que va-t-on trouver sous les imperfections et les fissures des personnalités, les façades, sous les masques et les faux-semblants ?
Que se cache derrière tout ça, et pourquoi ?
Et surtout, quelles sont les raisons de cette sombre histoire ?
Grâce à une écriture tantôt fluide et percutante, tantôt acérée et entraînante, les pages se tournent à toute allure ; nous voulons savoir, connaître la conclusion que nous a concocté l’auteur. Il nous faudra cependant s’accrocher, rester bien attentif, suivre les quelques indices mettant sur la voie afin de ne pas passer à côté. Les chapitres courts et rythmés, avec toujours un point de tension ou un rebondissement en toute fin, renforcent le suspense, donnant une sensation d’immersion totale.
Un bémol cependant, j’aurais vraiment apprécié plus d’approfondissement sur certaines parties de l’histoire, afin de renforcer la profondeur du récit.
Cela étant, les personnages sont bien travaillés, et servent parfaitement cette intrigue prenante et entrainante. De rebondissements en rebondissements, nous laissons alors l’auteur nous balader au gré de ses envies, jusqu’au dénouement final, qui nous surprendra, ou pourra laisser sans voix.
Vous l’aurez compris, j’ai beaucoup aimé ce roman, qui outre sa construction particulière, a réussi à m’embarquer dans son univers.
Même le message de cet ouvrage demeure intéressant et tout à fait pertinent :
Jusqu'où serions nous prêts à aller par amour et ou par amitié ?
Les personnes qui disparaissent, le choisissent elles vraiment ?
Le font-elles par envie, besoin ou sont-elles forcées ?
Ont-elles toutes des choses à cacher ?
À vous de le découvrir ;)
Alors, si vous aimez les histoires qui mélangent romance et suspens, les récits profonds et émouvants qui secouent, et qui posent des questions existentielles, foncez, ce thriller est fait pour vous ! Vous passerez un excellent moment de lecture :pouceenhaut:

Ma note :

:etoile: :etoile: :etoile: :etoile: :etoilegrise:



Pour vous le procurer :
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Mise en avant des Auto-édités / Nos peines indicibles - de Marjorie Levasseur
« Dernier message par marie08 le lun. 14/10/2024 à 12:53 »
Un roman émouvant

C’est le second roman de Marjorie Levasseur que je lis et je n’ai pas été déçue, cette fois encore. La plume de l’autrice est fluide, juste, pudique et captivante. Dès les premières pages, elle nous immerge dans un sujet grave, le suicide d’une adolescente, qu’elle traite avec délicatesse et habilité, et dont l’intrigue est menée à la manière d’un thriller. C’est une très belle histoire douce/amère, où fleurissent des personnages tendres et attachants, plus ou moins écorchés par la vie.
Une palette de sentiments accompagne le lecteur tout au long du parcours vers la vérité. Mais, malgré la gravité de la thématique, jamais Marjorie ne tombe dans le mélodramatique.

Merci Marjorie pour cet excellent moment de lecture.
Et à tous ceux qui ne le connaissent pas, je vous le recommande vivement.


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Avis : auteurs auto-édités / Ne lui dis pas qu'il me manque - de Marjorie Levasseur
« Dernier message par marie08 le lun. 14/10/2024 à 12:51 »
Avec ce roman, je découvre l’univers de Marjorie Levasseur, raconté par une plume fluide, sensible et juste. Ce roman à plusieurs voix est une belle histoire d’une quête d’identité par une jeune fille de 18 ans qui a grandi sans père. Pourquoi celui-ci l’a-t-il abandonnée ? Pourquoi n’a-t-il jamais cherché à la voir ? A-t-il refait sa vie ? Autant de questions auxquelles elle veut avoir des réponses. A partir de là, nous suivons un road trip où la tendresse et la douceur font la part belle aux relations humaines.

 C’est un roman qui fait du bien. Aussi, je ne peux que vous conseiller de le lire.
Au fait, j’ai adoré l’épilogue.
Merci Marjorie pour cette belle histoire.


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9
Un très bon roman policier

L’intrigue est originale, bien construite et captivante, le tout savamment dosé d’une touche d’énigmes dont le lecteur se prend au jeu de les résoudre. Grâce à un enchevêtrement d’époques passé/présent, les rebondissements s’enchainent et le suspense nous tient en haleine jusqu’à la dernière page.
La plume de l’auteur est fluide, claire et précise. A travers elle, nous découvrons des personnages crédibles et attachants mais qui comportent aussi leur lot de faiblesses et de mystères. Ce qui donne à l’histoire toute sa dimension.
En un mot, je ne peux que vous conseiller de le lire.

Merci Cédric Salewyn j’ai passé un excellent moment de lecture. Et bravo votre premier roman est une réussite.


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10
Mise en avant des Auto-édités / Bloc D de Adeline Rogeaux
« Dernier message par Apogon le jeu. 10/10/2024 à 17:25 »
Bloc D de Adeline Rogeaux



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BÉTON CENDRES

Appartement 21 - Rez-de-chaussée
 23H00

   David n'aurait jamais imaginé que son existence pouvait changer du tout au tout, comme ça, en un ridicule claquement de doigts. Jamais, même dans ses fantasmes les plus sombres, il n'aurait pensé un jour tabasser quelqu'un à sang, l'égorger, le laisser pour mort puis retourner chez lui afin de préparer le feu d’artifice de sa vie. L’explosion de son existence. Il faut dire que jamais il n'aurait imaginé que l'on puisse vouloir du mal à Laurie, ou qu’on puisse avoir envie de se l’approprier. Sa p'tite femme, sa Laurie, à lui et lui seul.
   L’homme faisait les cent pas dans son appartement mis en pièce, les mains sur la tête, s’arrachant les quelques cheveux grisonnants qui restaient accrochés sur son crâne malgré les soucis et la vie. Il regardait autour de lui, constatant la misère qui régnait dans le logement. Ne restaient que les photos du couple sur les murs et quelques bibelots ridicules sur les meubles en piteux état, le reste ayant été broyé sous ses poings colériques une heure auparavant.
   Simplement vêtu de son jean et chaussé de bottines de cuir, David voulait hurler le plus possible, le plus fort, pour sortir sa peine, sa haine et sa peur, pour la diffuser au monde. Il passa de la cuisine minuscule au séjour, puis du séjour à la cuisine en regardant sans les voir, les meubles, la vaisselle cassée, les papiers déchirés. Le sang. Le sien, et celui de...
   — Putain l'bâtard de fils de pute ! hurla-t-il en frappant de plus belle dans le mur avec frénésie, broyant le peu d’os qui restaient intacts dans ses mains.
   Ses phalanges ne ressemblaient plus à rien. De la purée. C’était de la purée sanguine qui formait des croûtes noires et douloureuses qu’il mourrait d’envie de déchirer avec les dents, pour laisser sortir son instinct animal qui ne demandait que ça.

   Le mur de placoplâtre était désormais orné de plusieurs trous ensanglantés et poussiéreux d’où des lambeaux de tapisserie vieillotte semblaient vouloir se laisser tomber sur le sol avec nonchalance. Il faut dire que ce misérable immeuble n’était pas de la meilleure qualité. On pouvait même penser que le béton tenait plus du plâtre qu’autre chose, ce qui était vrai pour les murs intérieurs, finalement. Les habitants disaient même que l’isolation n’avait pas été remplacée, que l’amiante stagnait encore dans les combles, caves et murs. Pour preuve : l’isolation phonique merdique. Ils pouvaient encore entendre les gémissements de certains voisins, les sonneries de téléphone, les conversations et prières diverses. Sans compter les aboiements du chien de madame Isabelle, la vieille dame du premier. Chien que David aurait volontiers bouffé plus d'une fois, tellement ses hurlements de loup l’enrageaient. D’ailleurs, c’est ce qu’il faisait encore, à cet instant.
   — Ouaf ouaf ! Mais ouaf de quoi putain ?! Lau'... Lau' ! cria David.
   L'homme était à bout. Il serrait son visage de ses mains sales et collantes de sang. Gémissements et pleurs, les larmes ornaient son visage barbu et poussiéreux, traçant des sillons immaculés sur le noir de sa détresse. L’air ambiant  était à l’image de son égarement ; des nuages empesaient l'air des projections de plâtre qui asphyxiaient chaque pore de sa peau, mêlés à la poussière soulevée par les coups de pieds sur les meubles que ses poumons happaient goulûment. En faisant les cent pas, David cogna encore dans la cuisinière puis il s’arrêta soudainement, les yeux grand ouverts, la bouche triomphante.
   — Ouais... Je sais ouais !
   Le moment était venu, celui de la folie et de la rage. Contenues depuis tout ce temps, depuis toujours peut-être. Ainsi était David. Une boule de haine, de mort concentrée. Il savait. Il sentait. Il devait. Il n’avait que trop enduré en silence.
    — Les tuer tous. Tous.
   C’est à cet instant que l’éclair vint frapper ses pupilles, faisant voler des pépites dorées dans son champ de vision.
   — Non, non pas toi ! pleura-t-il en appuyant sur ses yeux avec ses paumes. Voyons, les pépites, après ça sera la main… la main oui… ce satané engourdissement… puis… non, non c’est pas le moment bordel ! Putain d’migraine de merde !
   Il courut à la salle de bain et sortit le traitement que lui avait prescrit son neurologue l’année précédente. C’est Laurie qui l’avait tanné pour qu’il consulte après sa troisième crise en un mois. C’était arrivé soudainement, après un espoir de grossesse vite avorté par des règles hémorragiques, encore... Était-ce lié ? « Possible », avait répondu le médecin. En attendant, voilà qu’il était affublé d’un traitement d’appoint qui ne servait strictement à rien, se ce n’était à le rassurer plus qu’autre chose. Et, invariablement, David prenait une pilule de triptan dès qu’un frémissement se faisait ressentir sous ses narines, qu’un engourdissement lui chatouillait la main ou la jambe, que sa vision se floutait un peu ou même qu’une nausée lui venait… Il était devenu accro à l’assurance. Laurie lui disait qu’il fallait cesser de prendre tous ces médicaments, qu’ils ne devaient être administrés qu’en cas de réelle crise, qu’il n’avait plus eue depuis des mois.
   — Ouais ben ta gueule, t’es plus là, j’prends ce que je veux bordel de merde ! hurla-t-il vers la la cuisine, comme si Laurie était en train de le regarder, sur le pas de la porte, les mains croisées sur son ventre avec un air méprisant sur le visage.
   Air qu’elle adorait arborer chaque fois qu’elle avait raison, c’est à dire toujours. Lui, le moins que rien, avait toujours tort. Il ne savait pas cuisiner. Il ne savait pas faire le ménage. Il ne savait rien faire. Une merde, une grosse merde. Voilà ce qu’il était. Voilà comme il se sentait. Et pourtant… il ne pouvait s’empêcher de l’aimer sa Laurie. De l’idolâtrer. De la désirer. Il n’avait, en cet instant, qu’une seule pensée : la voir revenir.

   Déterminé, impatient, douloureux il reprit néanmoins ses cent pas pour réfléchir à un plan d’action une fois la petite pilule avalée. Il fallait que ça soit puissant, énorme, digne de lui et de Laurie. Indifférent au clebs qui hurlait à la mort, aux cris qu'il entendait dans l'immeuble, indifférent aussi à sa souffrance physique, il ne pensait qu'à Laurie. Laurie plus là. Laurie morte, probablement. Laurie dont le corps lui était introuvable. Dont le coeur lui semblait loin, si loin...
   David savait qu'il n'aurait de repos que lorsque son bourreau, et toutes les ordures qui savaient, seraient réduits en cendres. Il n'entrevoyait que cette issue. Les flics ? Pour quoi faire ? Jamais ils ne se déplaçaient ici. Retrouver Laurie ? Pour ce qu'il savait, depuis sa disparition, il n'en restait rien. Ligne coupée. L’homme chez qui elle était allée apporter le couscous ce midi, Finnigan… Inutile, ne savait rien… Ou ne voulait pas. Dévoyé. Son appartement ? déglingué. Les traces de sang. Pas de corps. Rien que du sang. Et l’odeur de la mort. Finnigan qui…
   — Putain… gémit David en appuyant encore plus fort sur ses yeux.
   L'homme éploré s'arrêta et laissa tomber ses bras le long de son corps. Il avait une mission à mener à bien. Il courut vers le cagibi, cette petite pièce située près de l'entrée du logement où Laurie rangeait les produits ménagers, les machines qui ne servaient que rarement - comme la yaourtière et la sorbetière, cadeaux pourris des beaux-parents - et qui prenaient une place folle dans leur minuscule logement. Et là aussi où lui-même rangeait le matériel pour sa moto. Moto qu’il n’avait plus utilisée depuis leur emménagement quelques années auparavant. « C’est tellement dangereux, je ferais quoi s’il t’arrivait quelque chose ? Tu imagines si je suis enceinte ? Je dirais quoi, moi, à ton fils ? Que papa préférait la vitesse à son enfant ? Non, je veux que tu arrêtes ces conneries d’adolescent… Ta place est à la maison, avec ta femme et… peut-être notre enfant » et lui… il avait juste acquiescé, elle avait raison. Elle avait toujours raison.
   — T'as vu Lau'... J'sais où tu ranges tes conneries d'bonne femme… ricana-t-il en regardant  la porte du cagibi, marquant un temps d’arrêt.
   Il se souvenait. Un des grands sujet de dispute chez eux était la place de chaque chose. Elle faisait  le ménage, lui non. Il n'en démordait pas, le balai et le plumeau à poussière, c'était pas pour lui. Jamais elle ne lui en avait tenu rigueur, lui laissant la charge des réparations diverses à faire dans ce taudis. Chacun son truc, disait-elle en le charriant sur l'ignorance dont il faisait montre quand elle lui demandait le produit pour les vitres ou celui pour détartrer la machine à laver datant des années 80.
   David s'effondra sur le vieux carrelage juste devant la porte des secrets de couple. A genoux, mains  sur eux. Et il pleura. Des pleurs libérateurs, salvateurs. Son torse se soulevait au rythme de ses sanglots, la morve lui coulait du nez sans retenue et ses yeux, ces yeux qu'aimait tant sa femme, étaient fermés. Comme s'il voulait les suturer de sa douleur. Serrés si fort qu'on le distinguait plus qu'un mince trait au dessus de ses pommettes saillantes.
   Il se libéra ainsi pendant un petit moment. Puis enfin, quand tout fut sorti, quand il respira mieux, il se releva. Le chien au dessus aboyait toujours autant et cela l'agaçait. Il revit encore une fois  Laurie. Quand le clebs gueulait lors de leurs soirées films. Elle se levait et prenait son balai pour taper sur le plafond, bien qu'elle sache que le chien n'était pas tout à fait au dessus d'eux et qu’il n’en avait rien à faire. Mais pour elle, c'était pareil. Un rire sortit de la gorge enflammée de l’homme aux larmes. Il respira un grand coup et entra dans le cagibi.

   White-spirit, vinaigre ménager, Javel pure, débouche-toilettes, essence, lessive, appareil à croque-monsieur...
   — P'tin mais y a de tout ici, pire que dans une brocante !
   Il rit. Il repensait aux nombreuses trouvailles de sa femme à l'époque des marchés aux puces en été. Ils aimaient tellement flâner dans les rues, chercher des films d’horreur, des livres pour elle, des vêtements à petit prix… Puis il secoua la tête. Non, penser à elle, là tout de suite, ça ne l'aiderait pas, au contraire. Il avait besoin de toute sa rage, de sa détermination. Il avait une mission, la dernière sur Terre peut-être. Et il devrait la mener sans faillir. Le souvenir de Laurie ne devait pas entraver sa liberté et sa vengeance. Irraisonnée ? Possible. Mais Laurie valait ceci. Laurie valait que la planète entière crève à petit feu et s'asphyxie dans les cendres. Ouais.
   Il prit le bidon d'essence qui datait du dernier plein qu’il avait fait pour sa moto, pour lequel Laurie l’avait grondé. « Encore une dépense inutile ! Déjà qu’on paye un max pour ce logement de merde ! »
   — Fichue bonne femme qui a toujours raison. Avait... Avait putain, se reprit-il.
   Il ouvrit le petit bouchon rouge du bidon et renifla le contenu. Éclats de rire. Air paumé. David était devenu une bombe à retardement. Ses yeux semblaient vides. Ses pupilles reflétaient le bidon d'essence, et sa bouche tordue en un rictus satisfait déversait des rires sourds. Il était parti. Plus de David dans cette enveloppe charnelle folle. Loin, l'homme de Laurie. Probablement déjà de l'autre côté.
     
   Sortant du cagibi avec son précieux bidon, David se demanda si tous les locataires de ce trou perdu sentaient ce qui allait se passer. S'ils avaient ce sentiment, pressentiment même, que leur vie allait basculer dans quelques minutes, comme une boule dans le ventre, une oppression dans la poitrine ou même une vision subite qui les stopperait dans leurs activités ; s'ils sentaient déjà l'odeur de l'essence, celle de la cendre et du plastique fondu. Du poulet grillé aussi ; comme lorsque son oncle, quand il était enfant, déplumait, après les avoir ébouillantés quelques minutes, les coqs et autres gallinacées de sa basse-cour. Cette odeur lui était restée en mémoire. Chaque fois qu'il se brûlait un cheveu en allumant sa clope sur la route, dans le vent, il repensait systématiquement à ça. L'oncle et le poulet. Déplumé. Nu. Mort.
   Non, ces gens ne pensaient pas à ça. Ils se vautraient tous dans leur merde. Devant leur télé. Dans leurs petits soucis misérables. Ils n'avaient pas perdu Laurie, eux. Enculés. Il serra le poing, toujours déterminé. Et il sortit de son appartement sans même fermer la porte. A quoi bon ? Elle ne serait plus là de toute façon. Ni la porte, ni ce qui la tenait. Ni les meubles. Ni... Les photos !
   — Non... non non non ! répéta-t-il frénétiquement.
   Il retourna dans le logement, renversant sur lui un peu d'essence du bidon débouché. Vite, il arrache aux murs démolis les photos où Laurie apparaissait. Il courut jusque dans leur chambre. Le lit. Le coussin de Lau'. L'odeur de l’essence prit le dessus sur celle de l’eau de Cologne dont elle s’aspergeait matin et soir. Et de nouveau, le trou noir de la douleur.
     
   David sauta sur le lit et enfouit sa tête dans l’oreiller de sa compagne. Juste sa compagne. Elle avait refusé le mariage. « Tu comprends, je t’aime, mais si nous nous marions, mon amour, on sera comme pris au piège. Une pression nous forcera à changer, pour ne pas gâcher notre mariage. Non, je préfère qu’on reste comme ça, c’est plus facile, et on ne sera pas obligés de… de... » et jamais elle n’avait fini sa phrase, ce jour-là au restaurant où David avait sorti le grand jeu. Il se souviendrait toujours de l’humiliation qu’il avait ressentie quand il s’était relevé sous le regard désolé des autres clients. Il se souviendrait toujours d’avoir regardé sa Laurie, si belle dans sa robe de soirée, et de s’être dit « après tout, elle a raison ». Elle avait toujours raison Laurie.
   Le bidon d’essence finit par terre, déversant son contenu sur la moquette usée, rouge délavé, en de minces filets. Et il pleura de nouveau en serrant les photos contre son cœur meurtri, en tentant d’inspirer le plus possible le parfum de sa femme, oui sa femme même si elle ne le voulait pas. Si ça se trouve, elle est encore en vie, se dit-il dans un éclair de lucidité, partie d'ici, tout simplement, ou alors, elle est chez sa mère. Sa vieille mère infecte. Ou même est-elle juste à côté de moi et je ne la vois pas. Autant de pensées aussi tortueuses. Autant de façons de vivre avec ce trou béant dans la poitrine. Le goût de la vengeance s'amenuisait. Il ne savait pas, au final. Il n'avait qu'entrevu des choses, qu'entendu d'autres choses. Qu'en était-il, véritablement ? Où était-elle ? Que faisait-elle ? Partie ? Avec qui ? Et surtout, comment ?

   Après avoir déversé son incompréhension, son questionnement et sa morve dans le coussin de sa femme, David prit la décision de se remettre et de faire les choses dans l'ordre. Appeler la police, leur expliquer la disparition de Lau', leur dire qu'il se passait des drôles de choses ici. Et leur avouer ce qu'il avait fait. Ce qu'il avait fait dans sa rage, sa haine. Ce qu'il a failli faire aussi. Tant pis s'il devait faire de la prison. Tant pis s'il ne voyait plus sa compagne. Tant qu'ils la retrouvaient. Saine et sauve. Oui, c’était le mieux à faire.
   Le chien poussa des gémissements torturés aux étages supérieurs, ce qui le réveilla tout à fait.
   — Punaise...
   Il se secoua, envahi d'une sensation qu'il n'avait jamais connue. Une légèreté dans l'âme, comme s'il venait de se réveiller d'un long sommeil sans rêve. Un miroir, vite. Il fila vers la salle de bain en shootant dans le bidon d'essence au passage, achevant de renverser les dernières gouttes de mort sur le sol cotonneux. Et il se regarda dans la glace brisée de ses poings. Sa tête flottait dans une étoile sanglante. Visage fatigué, creusé de sillons, tâché de noir et de sang. Il ne se reconnut pas. Et il la vit.
   Laurie. Elle n'était restée qu'une demi-seconde mais il savait. Il sentait. C'était Lau'. Putain ouais, c'était elle ! À peine eut-il le temps de se retourner que le vide et le silence de l'appartement s'offrirent à lui. Pas de silhouette. Rien. Rien que sa putain d'imagination et sa migraine qui se réveillait tout à fait.
   La rage le reprit aussitôt, s’infiltrant en lui, coulant dans son sang, entrant dans son cœur et embrumant sa vision. Il régnait dans sa tête, dans son royaume de folie, une odeur de mort, de peur, d'incompréhension. Morte, pas morte ? Où ? Pourquoi ? C'était quoi ça, un fantôme ? Debout, droit, il regarda, suspicieux autour de lui. Il voulait revoir ce qu'il avait vu. Il voulait savoir. Son cerveau allait exploser. Depuis des heures son esprit lui faisait voir, entendre, faire des choses. C'était trop. Beaucoup trop pour un seul homme.

   Aucune silhouette n'apparut. Personne ne se manifesta plus dans cet appartement vide. Le chien n'aboyait plus non plus. Des sirènes de police se firent entendre au loin. C'était le moment ou jamais. Maintenant pour tout faire sauter. Maintenant pour leur faire payer. Ou jamais.
   Il courut jusque dans sa chambre, où il constata que le bidon était foutu et l'essence évaporée. Il savait très bien que ça ne servirait à rien d'allumer ça, tout juste y aurait-il une flambée discrète qui s'éteindrait d'elle-même. Pas assez nourrissant autant de temps après, plus du combustible.
   Non, là, il fallait taper fort. Fini de tourner en rond, fini de pleurer, fini de se poser des questions. Les sirènes semblaient se rapprocher dangereusement et David se décida. Il se rua dans la petite cuisine et ouvrit le four de la cuisinière, ôta tous les couvercles que Laurie s'évertuait à poser à tout prix sur les brûleurs.
   « Tu comprends ça fait plus joli comme ça, puis on peut poser le saladier à fruits ! » disait-elle à chaque fois qu'il oubliait de les reposer après avoir tenté de cuisiner les jours où elle était trop fatiguée.
   Enfin, il tourna tous les boutons de commande. Un petit sifflement se fit entendre. Comme les valves d'une cocote-minute. Ce qui le fit sourire. L'image se prêtait bien à la situation. L’odeur l’enivrait, lui donnant au coeur un sentiment de toute puissance ; une chose qu’il n’avait que trop rarement ressentie dans sa misérable vie.
   Le gaz commença à lui tourner la tête, ce fut comme le signal. Sortir le briquet. Faire rouler le doigt sur la molette… Puis… Revoir. Laurie, son sourire, ses cheveux. Non, il ne pouvait pas faire ça.
   Il laissa tomber le briquet sur le sol et regarda encore la cuisinière. Tout était flou dans le nuage de gaz. Laurie n’aurait jamais toléré une chose pareille. C’était encore une preuve de faiblesse, de lâcheté. Et… si elle revenait… Non, décidément, il faisait encore une fois preuve d’immaturité. Des caprices, voilà ce qu’il faisait. S’il voulait se conduire en homme, il n’avait qu’à attendre, appeler la police qui arrivait pour signaler la disparition de Laurie, avouer pour Finnigan, et c’est tout. La meilleure chose à faire, parvint-il à se raisonner. Et il tourna les boutons de la cuisinière afin de faire cesser l’évasion de gaz, ouvrit sa fenêtre et inspira une grande goulée d’air frais.


***
23H40

   La police était à quelques centaines de mètres de l'immeuble. L'appel qu'ils avaient reçu était cette fois assez préoccupant pour qu'ils daignent se déplacer dans le quartier du Marais de la ville. D'ordinaire, ils recevaient des plaintes pour du tapage nocturne, pour des disputes de voisinage, pour tout et n'importe quoi.
   Au début, ils venaient toujours, prenant chaque appel au sérieux. Puis, de coup de téléphone en coup de téléphone, ils avaient vite compris que les gens de ce bloc D étaient juste de gros emmerdeurs, et qu'un rien les faisait chier. Ils ne vinrent plus, laissant l'impunité aux fauteurs de trouble.
   Cette fois, c'était différent. La détresse dans la voix de la femme au téléphone... C'était une voix apeurée, paniquée, qui leur avait dit qu'un meurtre s’était déroulé sur les lieux ce soir-là, « venez vite pitié ! ». Ils ne pouvaient, cette fois, pas laisser couler.
   Ils arrivèrent au même moment où le bloc s'illumina d'une lumière aveuglante et qu’une détonation retentit. Les oreilles des policiers sifflèrent ; un drôle de larsen les empêcha d’entendre quoique ce soit durant quelques secondes.
   Le bloc était en train d’exploser. L'immeuble brûlant, dans les immenses flammes oranges et blanches, laissait cracher des années de galères et de vices au travers ses vitres brisées.  Les flammes léchaient les murs. Des hurlements inhumains pouvaient s’entendre à travers les vitres de la voiture.
   Le policier à la place du mort appela les pompiers aussitôt, happé malgré lui par le spectacle fascinant qui se jouait devant lui. Les flammes grandissante semblaient danser sur les murs de béton. Et une vision effroyable s'offrit à lui. Quelque chose fut éjecté d’une fenêtre qui n’existait plus au rez-de-chaussée et s’écrasa, enveloppé de flammes, sur le macadam quelques mètres plus loin. Puis l’étage en question s’affaissa sur lui-même, entraînant les autres dans un fracas épouvantable. Le bas de l’immeuble d’où était parti le grand boum meurtrier n’était qu’une bouche béante et noire dans la nuit éclairée par quelques lampadaires au loin et la lune, si belle et brillante ce soir-là.
    La chose qui avait été expulsée remuait encore sur le sol, lançant des cris aigus que jamais les policiers n’oublieraient. Nimbé du feu des enfers, la victime hurlante essayait de ramper, de tourner sur elle-même tandis que de sa gorge sortaient des sons venus de loin, du fond de la Terre, des enfers ; un cri originel, animal. Le chuchotement de la mort.
    La voiture à l’arrêt, les policiers sortirent et accoururent vers la victime en ignorant l’immeuble qui, pourtant, leur envoyait une chaleur jusque là jamais ressentie par les deux hommes.
   La torche humaine s'arrêta de bouger. On ne distinguait même plus les vêtements de la chair carbonisée. Les yeux paraissaient avoir fondu, les paupières, réduites en cendres. La chair du corps entier était amalgamée avec les vêtements, le cou collé à l’épaule, les jambes brisées. Le flic, pourtant incroyant, se signa. Et pleura. La seule chose logique qui lui vint à l'esprit était « bon dieu de merde ».
   La sirène des pompiers retentit à son tour. Qu’elle ne se presse pas, pensa l’un des policiers en regardant le bloc, les larmes coulant toujours sur ses joues noircies de suie. Tout était déjà terminé. Plus un cri. Plus un bruit, sauf celui des flammes ravageant les murs, léchant avidement les briques. Plus rien d’autre. Ni logements, ni humains. L’explosion avait tout réduit en quelques minutes.
   Les pompiers arrivèrent. Inutiles. Ils firent quand même tout leur possible pour éteindre l’incendie meurtrier. A la fin, quand il ne resta plus que de la fumée noire et asphyxiante, ils purent conclure que le feu avait démarré des caves de l’immeuble.
   Les policiers retirèrent leur casquette et baissèrent la tête. Le Bloc D n’existait plus. Un gros bloc noir, sans yeux, sans âmes que David avait quitté en volant, enflammé, et en s’écrasant sur le bitume poussiéreux. Il régnait autour de lui l’odeur de la trahison et du meurtre, de la cendre et du sang.
   Le journal, le lendemain, titrera que ce fut l’incendie le plus terrible de la région. Il n’aura jamais vent de ce qui s’était passé la veille dans le Bloc D…
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